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FOULON. Ce mot (en latin fullo) se dit, soit de l'ouvrier employé à fouler, préparer, nettoyer les draps, ratines, serges et autres étoffes de laine, soit de la machine elle-même avec laquelle on foule et l'on feutre. Dans le premier cas, foulon est synonyme de fouleur, de foulonnier et même de moulinier; dans le second, foulon signifie moulin à foulon. La foulerie est le lieu où se trouve le moulin. Enfin la foule (le foulage), en terme de manufacture, signifie les préparations que l'on donne aux draps et aux étoffes de laine en les foulant par le moyen du moulin à foulon, afin de les draper et leur donner plus d'uniformité dans la texture. On dit aussi feutrage.

Pline (Hist. nat., VII, 56) dit que Nicias de Mégare, fils d'Hermius, fut le premier inventeur du métier de foulon, et Wheler assure, dans son Voyage de Dalmatie, qu'il parait par une inscription que ce même Nicias était gouverneur en Grèce du temps des Romains. D'autres prétendent que cet art avait été découvert longtemps auparavant en Asie et en Égypte. Quoi qu'il en soit, s'il est vrai, comme cela parait certain, que l'antiquité ne connaissait pas les moulins à foulon, l'opération du foulage devait être alors bien imparfaite et très pénible; on peut en juger, jusqu'à un certain point du moins, par la manière dont les habitants de l'Islande, il n'y a encore que quelques années, foulaient leurs draps; car cette manière est probablement à peu près la même que celle dont les anciens se servaient. Après avoir arrosé leurs draps d'urine chaude, les Islandais les roulaient, les jetaient par terre, et les pétrissaient avec les pieds pendant toute une journée.

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Ces piles sont des espèces d'augets où l'on met les étoffes que l'on veut fouler, et les pilons en tombant dessus les foulent, c'est-à-dire les frappent et les battent fortement, ce qui les rend plus fortes et plus serrées. C'est par la roue que le mouvement est imprimé à l'arbre, qui, par le moyen de ses dents, le communique aux pilons, qu'il fait alternativement hausser et baisser. Les pilons et piles sont de bois; chaque pile a au moins deux pilons, quelquefois trois; le nombre des piles n'est pas réglé, les moulins en ont plus ou moins selon la force du courant d'eau qui fait mouvoir la roue.

On doit proportionner la grosseur des pilons ou maillets à l'espèce d'étoffe que l'on veut fouler. Le bout des maillets qui frappe sur l'étoffe est dentelé ou évidé en espèce de crans, de sorte que, tout en frappant, ils retournent insensiblement l'étoffe dans les piles, et ne battent pas deux fois de suite sur le même endroit des piè ces. Il faut aussi que les piles soient assez vastes pour contenir les étoffes; trop petites, le frottement déchirerait les pièces.

On peut dire que c'est le foulage ou feutrage qui fait le drap. Le foulonnier doit bien connaître, indépendamment de l'action mécanique de son foulon, les proportions et la nature des substances alcalines qu'il emploie. Il doit éviter de faire usage des eaux crues chargées de sélénite qui ne dissolvent pas le savon et donnent de la rudesse aux étoffes; il doit éviter l'emploi des eaux visqueuses. Autrefois il était défendu d'établir des moulins à foulon sur le bord des rivières s'il n'y avait pas de chute; mais aujourd'hui que les machines à vapeur permettent d'en placer où l'on veut, on trouve souvent les foulons établis tout à côté et même dans l'intérieur des manufactures de draps. Quant aux petits objets tels que bas, bonnets, gants, etc., le foulage se fait à la main, aux pieds, aux rouleaux, etc.

Chez nous, la foule des draps et autres étoffes de laine se fait dans des moulins à eau que, de leur usage, on nomme moulins à foulon. Ces moulins, à la réserve des meules et de la trémie, sont à peu près semblables à ceux qui servent à moudre Dans plusieurs cas, les étoffes n'ont pas les grains. Les principales parties d'un besoin d'être tissées ni filées; l'art du moulin à foulon sont la roue avec ses chapelier, par exemple, en fournit une pignons ou lanterne, l'arbre avec ses preuve. On appelle foulage, en chapeldents de rencontre, les pilons ou mail- lerie, l'opération par laquelle on confeclets, et les piles qu'on nomme aussi potstionne l'étoffe ou feutre (voy.) destinée à et plus simplement vaisseaux à fouler. | la fabrication des chapeaux,

La foule se fait avec de l'eau chaude | pour les étendre par les lisières, afin d'emoù l'on a fait dissoudre du savon. Souvent pêcher qu'il ne s'y fasse de faux plis qui, l'on se sert d'abord d'urine, ensuite de étant consolidés par l'effet de la foule, ne terre grasse qu'on nomme terre à foulon pourraient plus être effacés, et aussi afin (c'est l'argile smectique d'Haŭy), et en de les disposer dans les piles de façon à dernier lieu de savon; mais il vaudrait les faire fouler sur la longueur et leur mieux se servir uniquement de savon. faire acquérir en un mot l'exacte feutra→ Surtout il ne faut faire usage que le moins tion. E. P-C-T. possible de l'urine, parce que la portion FOULQUE, voy. Anjou, JÉRUSALEM acre qui se trouve dans cette liqueur | (royaume de), etc. durcit la laine; cependant il faut y avoir recours toutes les fois que la terre et le savon ne suffisent pas pour nettoyer. La terre à foulon est grasse, onctueuse; celle dont se servent les Anglais est la plus renommée.

Les moulins à foulon, avons-nous dit, sont de deux sortes, à pilons et à maillets. Les premiers sont à la façon d'Allemagne et de Hollande; les seconds, d'après la méthode employée généralement en Angleterre et en France. Les moulins à pilons se meuvent verticalement dans des piles droites; leur chute est limitée de telle sorte que la tête ne touche jamais le fond de l'auge, afin de ne pas endommager l'étoffe. Les moulins à maillets au contraire frappent obliquement dans des piles inclinées. Pour le foulage des draps fabriqués avec de la laine commune et serrée en chaîne et trame, les moulins à pilons sont préférables à ceux à maillets, parce

FOULQUE (fulica), oiseau aquatique rangé par les naturalistes méthodiques dans l'ordre des échassiers, non loin des poules d'eau. Sa taille et son plumage varient selon les espèces. La foulque macroule ou morelle, la seule que l'on trouve en Europe, est longue de 15 à 16 pouces ; elle a les parties supérieures du cou noires et les inférieures cendrées; le bec conique, rosé; l'iris rouge, le front chauve, recouvert d'une plaque carrée, blanche; les doigts garnis d'une membrane découpée en festons; les ailes peu étendues, aigués. Cet oiseau vit en société près des lacs ou des marais, et quitte rarement l'eau. Il n'est pas rare en France, et se rencontre même dans quelques étangs des environs de Paris. Les espèces étrangères sont encore mal déterminées. C. S-TE.

FOULURE. Lorsqu'une articulation à ligaments serrés, comme celle du poignet ou du coude-pied, est fortement tiraillée ou tordue, sans cependant qu'il y ait déplacement des os, on dit qu'elle est foulée. C'est moins que l'entorse, bien moins encore que la luxation.

que leur chute verticale rend leur effet plus vigoureux et fait que le foulage s'opère plus promptement. Mais si l'on foule à l'urine, il vaux mieux employer les moulins à maillets: le feutrage s'y opérant plus lentement, le drap a le temps de bien se préparer avant de se fouler. Pour le dégraissage, les fouleries à maillets sont aussi bien préférables; car leurs auges étant plus grandes que dans celles à pi-même de l'accident devient plus obscure, lons, les étoffes s'y retournent et se pénètrent mieux.

On voit que l'effet des fouleries est double: 1o de dégraisser l'étoffe à fond, 2o de la feutrer plus ou moins. Du reste, c'est l'opération de la foulerie qui donne proprement aux draperies la consistance; les coups de maillets produisent sur l'étoffe l'effet d'ajouter le mérite du feutre à la régularité du tissu. Pour les draps, on doit, pendant qu'ils foulent, les retirer au moins cinq à six fois des piles

La foulure constitue un accident très fréquent et quelquefois grave dans ses suites, précisément parce qu'on n'y fait pas d'abord assez attention. En effet, la douleur qui se manifeste au moment

mais se prolonge, signalant une inflammation sourde qui donne lieu à des suppurations profondes et à des altérations des os.

Lorsqu'au contraire on applique dès le début le traitement convenable, l'inflammation ne se développe pas ou cède avec facilité. Les révulsifs, tels que l'eau froide et la giace, conviennent lorsqu'on peut agir au moment même de la foulure; l'extrait de saturne, l'eau-de-vie camphrée, la boue des couteliers, convien

nent également. Mais lorsque les acci- | du surintendant, un écureuil avec cette dents inflammatoires se sont une fois dé-devise : Quò non ascendam! (où ne monveloppés, il faut les combattre par les saignées locales, les émollients, auxquels on doit associer de bonne heure les résolutifs et les narcotiques. Le repos le plus complet de la partie foulée doit être recommandé tant qu'il existe de la dou- | leur. F. R.

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terai-je point!) L'ambition de cette devise ne servit pas à apaiser le monarque. Les courtisans remarquèrent que l'écureuil était peint partout poursuivi par une couleuvre, qui était les armes de Colbert. La fête fut au-dessus de celles que le cardinal Mazarin avait données à l'occasion

du mariage du roi, non-seulement pour la magnificence, mais pour le goût. Sans la reine-mère, le surintendant aurait été arrêté au milieu de la fète; mais le roi usa de dissimulation et lui fit des caresses. Sa charge de procureur général lui donnait le privilége d'être jugé par les cham

artifice peu honorable à vendre sa charge. Il la vendit en effet 1,400,000 livres, et en fit porter le prix à l'épargne. Cette belle action ne le sauva pas. Le roi étant parti pour Nantes, Fouquet l'y suivit, et y fut arrêté le 5 septembre 1661; conduit au château d'Angers, il fut transféré à Amboise, à Vincennes, à Moret, et enfin à la Bastille.

FOUQUÉ, voy. LA MOTTE FOUQUÉ. FOUQUET (NICOLAS), marquis DE BELLE ISLE, dernier surintendant des finances, sous Louis XIV, célèbre par sa fortune, sa chute et ses malheurs. Il naquit en 1615 du vicomte DE VAUX, FRANçois Fouquet, maître des requêtes et conseiller d'état, et de Marie, fille de Gil-bres assemblées. Colbert l'engagea par un les de Maupeou, seigneur d'Ableiges et contrôleur général des finances. A l'àge | de 20 ans, Nicolas Fouquet était déjà maitre des requètes, et à 35 ans il eut la charge importante de procureur général au parlement de Paris. Deux ans plus tard, en 1652, il devint encore surintendant général des finances. Son crédit fut immense; Mazarin lui-même prêtait sur sa signature au Trésor, dont Fouquet déguisait la pénurie par des emprunts. «La vue des vastes établissements que cet homme avait projetés, et les insolentes acquisitions qu'il avait faites, dit Louis XIV (Mémoires et instructions pour le Dauphin son fils), ne pouvaient manquer qu'elles ne convainquissent mon esprit du dérèglement de son ambition, et la calamité générale de tous mes peuples sollicitait sans cesse ma justice contre lui... Il ne pouvait s'empêcher de continuer ses dépenses excessives, de fortifier des places, d'orner des palais, de former des cabales, et de mettre sous le nom de ses amis des charges importantes qu'il leur achetait, à mes dépens, dans l'espoir de se rendre bientôt l'arbitre souverain de l'état.» Mais ce que le grand roi lui pardonna bien moins, ce fut d'avoir osé porter ses vues sur Mile de La Vallière que le prince aimait en secret; car le surinten dant se vantait d'avoir dans son coffrefort le tarif de toutes les vertus. Sa perte était résolue lorsque le roi accepta son invitation à la fête que Fouquet devait donner dans sa maison de Vaux. Sur tous les ornements on voyait les armes

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S'il est vrai qu'usant des finances royales comme des siennes propres, il les ait dissipées, ses déprédations, dit Voltaire, n'avaient été que des libéralités. « Colbert paraissait modéré, mais il poursuivait la mort de Fouquet avec acharnement. Il est triste qu'il n'ait pas su être aussi généreux que vigilant. » ( Siècle de Louis XIV.) Le procès de Fouquet dura trois ans. De 22 juges présidés par le chancelier Séguier, 9 votèrent la mort, et les 13 autres opinèrent pour le bannissement perpétuel et la confiscation de ses biens, comme atteint et convaincu d'abus et malversations par lui commises au fait des finances dans les fonctions de surintendant. Le roi jugea qu'il pouvait y avoir grand péril à laisser sortir ledit Fouquet hors du royaume, vu la connaissance particulière qu'il avait des affaires les plus importantes de l'état. En conséquence, la peine du bannissement fut commuée en une plus dure, celle de la prison perpétuelle. Cet arrêt fut rendu le 20 décembre 1664; trois jours après, Fouquet fut conduit au donjon de Pignerol sous la garde spéciale de Saint-Mars, qui devint plus

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coup
de main contre la royauté. Il distri-
buait les rôles et cherchait à la fois les
hommes d'action et les postes pour les
placer. Ses regards tombés sur la figure
pâle et amaigrie de Fouquier-Tinville,
qui ne lui était plus inconnue, avaient
échauffé le courage du pauvre sans-cu-

tard le geolier de Lauzun et de l'homme au masque de fer (voy, ces noms). On a fixé sa mort à 1680, mais Voltaire, en rapportant cette date, ajoute: « On ne sait pas où est mort cet infortuné. »> M. Paroletti, de Turin, chercha en vain à Pignerol un acte où Fouquet fût nommé, et l'assertion relative à son inhuma-lotte. Plus nécessiteux peut-être qu'am

tion à Paris, dans la chapelle des filles de la Visitation, est parfaitement réfutée dans la savante et judicieuse dissertation du bibliophile Jacob (M. Paul Lacroix), intitulée L'homme au masque de fer, 1 vol. in-8°, Paris, 1837, pag. 240 et suiv. La défense de Fouquet fut publiée en Hollande par ses amis (voy. PÉLISSON); dans sa prison il composa les Conseils de la sagesse, ou Recueil des maximes de Salomon, Paris, 1677. On peut encore lui attribuer : Méthode pour converser avec Dieu, 1684, in-16, et Le Théologien dans les conversations avec les sages et les grands du monde, Paris, 1683, in-4o, que le P. Boutauld recueillit dans ses papiers et dédia au roi. L. L-T. FOUQUIER-TINVILLE (ANTOINEQUENTIN) naquit au village d'Hérouelles, dans l'Aisne, de simples cultivateurs qui l'envoyèrent faire ses études à SaintQuentin et lui fournirent ensuite les moyens d'acheter une charge de procureur au Châtelet. Sa mauvaise conduite, les dettes qui s'ensuivirent et qu'il ne put acquitter l'obligèrent bientôt d'abandonner cette charge et d'entrer dans la police, refuge ordinaire des banqueroutiers. Employé à ce honteux service jusqu'aux jours de la Révolution, Fouquier-Tinville s'était d'abord obscurément mêlé à ses troubles. Mais sans talent oratoire pour remuer les masses, sans le courage qui les guide ou l'audace qui les entraîne, sans autre moyen enfin de se distinguer que ses violences de démocrate et un patriotisme d'énergumène, Fouquier-Tinville n'avait pu sortir de la position de subalterne émeutier dans laquelle il battait tristement le pavé de Paris, lorsque le hasard lui fit rencontrer Danton : alors sa fortune fut faite.

Amené à la commune le 9 août au soir, il fut un de ceux que remarqua le terrible tribun qui y organisait son dernier

bitieux, l'espoir d'arriver enfin à quelque chose lui donna une soudaine ardeur : il sortit de sa bouche d'énergiques conseils que l'enthousiasme révolutionnaire semblait seul inspirer. Danton démêla qu'il y avait de l'étoffe dans cet homme-là. Il le présenta à Robespierre et lui confia des missions secrètes près des sociétés populaires. Fouquier-Tinville, sorti de la fange pour tomber bientôt dans le sang, crut enfin avoir refait cette position sociale perdue au Châtelet et vainement redemandée à Louis XVI par de mauvais vers et à son ministre de la police par de méchantes actions.

Robespierre, vis-à-vis duquel Fouquier-Tinville devait réussir plus encore qu'auprès de Danton, le fit nommer juré du tribunal révolutionnaire. Bientôt il fut désigné pour directeur du jury et appelé au poste d'accusateur public. Le gouvernement des terroristes ne pouvait trouver un pourvoyeur de leur guillotine plus actif et plus impitoyable, quand ils auraient remué toute la France et choisi parmi tous ses bourreaux.

Nous ne redirons point ici les actes qui ont signalé la carrière de FouquierTinville; il faudrait écrire l'histoire entière du tribunal qu'il domina, depuis le 10 mars 1793, où ce tribunal fut établi, jusqu'au 10 thermidor (28 juillet 1794), où il fut renversé. On sait que, sans reculer devant la réaction qui s'opérait, Fouquier chargea encore le fatal tombereau de quarante victimes, et les envoya mourir avec l'imperturbable barbarie qui lui en avait souvent fait immoler jusqu'à quatre-vingts à la fois. La politique ne doit pas interrompre le cours de la justice, disait-il; et rien ne put le déterminer

à surseoir aux exécutions commandées la veille par le tribunal mis hors la loi. Fouquier-Tinville ne savait qui règnerait le lendemain, et n'avait pas voulu enlever cette dernière joie à ses fonctions, ou

erreur, répond-il; mais la fournée est prête: il faut que pour cette fois ça passe comme ça. » Et les deux sans-culottes furent guillotinés. Ainsi Mme Maillet fut exécutée à la place de la duchesse de Maillé, un enfant de 17 ans à la place d'un vétéran corse qui portait son nom, et le vieux Loiserolles à la place de son fils qui lui dut ainsi deux fois la vie. « Qu'importe, s'écriait l'accusateur public lorsqu'on lui faisait apercevoir de pareilles méprises, que ce soit celui-ci où celui-là? Aujourd'hui ou demain, il faut toujours qu'ils y passent. >>

plutôt jamais peine ni joie n'était entrée dans l'âme de Fouquier; Fouquier n'avait point d'âme, pas même celle du tigre qui prend plaisir à dévorer sa proie. Cependant, voyant un jour la noble et touchante fermeté de Mme de Sainte-Amaranthe et de sa belle et jeune fille traduites devant lui, Fouquier-Tinville parut étonné : « Les effrontées! dit-il; dussé-je | me passer de diner, il faut que je voie si elles conserveront leur effronterie jusque sur l'échafaud. » Et ce jour-là FouquierTinville se passa de dîner pour se donner une émotion. Du reste, homme sans entrailles, démocrate sans principe, révolutionnaire sans passion, triste et stoïque instrument dévoué aux stricts devoirs de sa place et aux impérieuses nécessités de sa position, dévoué ainsi à tout pouvoir qui le commandait, Fouquier, qui tua tour à tour royalistes, girondins, montagnards, comme il tuait pêle-mêle femmes, vieillards et enfants, Fouquier ne fut jamais que le froid et sec procureur grossoyant des réquisitoires du style incorrect et diffus dont il avait demandé des arrêts au Châtelet, calculant ce qu'il devait à la place qui le faisait vivre, et ce que sa place devait en retour à ceux qui la faisaient rétribuer. « Je n'ai fait gagner cette décade que 3 millions à la république, disait-il en soupant avec Lecointre de Versailles, mais la décade prochaine je déculotterai un plus grand nombre de riches.» Battre monnaie sur la place de la Révolution est un mot qui appartient à Cambon*; c'est à Fouquier qu'on en doit l'idée, ainsi que toute la monnaie qui y fut battue.

Les mots atroces, comme les atroces idées, n'ont pas manqué à Fouquier-Tinville, et tout dans sa vie a été en harmonie avec ses actions. N'est-ce pas lui qui avait inventé les moutons, espions provocateurs jetés parmi les prisonniers et surgissant dans les débats comme complices, comme témoins ou comme accusateurs? Un jour, deux malheureux qui jouaient le premier de ces rôles et figuraient aux bancs des accusés, pour donner couleur au jugement, sont par mégarde enveloppés dans l'arrêt prononcé. Fouquier-Tinville est prévenu: « C'est une (*) D'autres disent à Barrère.

S.

Avant l'audience et après avoir pris les injonctions du Comité de salut public (voy.), Fouquier-Tinville appelait à son parquet les jurés du tribunal auxquels il dictait à son tour le prononcé des jugements qu'ils avaient à rendre, jugements rédigés d'avance de la même main qui allait écrire le réquisitoire; et si quelqu'un sourcillait ou se permettait une observation, il courait risque d'être accolé à l'aristocrate dont on avait formulé la sentence. Fouquier a demandé à la Convention la tête du juré Montané qu'il accusait d'avoir laissé percer des sentiments girondins dans le procès de Charlotte Corday!

Après les juges, après le jugement, venait Samson, le grand justicier. Fouquier l'appelait dans son cabinet, et, la sentence obtenue, discutait froidement avec l'exécuteur les moyens de presser l'exécution. Le grand prévôt de Robespierre s'était fait l'instituteur du bourreau.

Mais Samson sans cesse occupé, mais la guillotine en permanence, ne lui paraissaient pas suffire aux besoins du moment. Le sang altère, et les grands exemples sont sympathiques pour certaines imaginations: celle de Fouquier-Tinville le reporta aux massacres de septembre auxquels il avait assisté en amateur, si même il n'y avait trempé la main. Après le 9 thermidor on a trouvé, au Comité de salut public, le modèle d'un échafaud qu'il proposait de dresser dans la salle même du terrible tribunal. Il fallait pour lui qu'en ces drames de sang il y eût unité de lieu et de temps. Ce projet d'un égorgeur en délire, présenté de sang-froid, fut repoussé par Collot-d'Herbois. « Get

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