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l'observation de la manière dont la nature procède dans les guérisons dont elle fait à elle seule tous les frais. Ramener le membre blessé à sa longueur et à sa direction naturelles, en mettant en contact les extré mités des os fracturés; maintenir le tout en situation pendant le temps nécessaire, tels sont en peu de mots les principes qui doivent guider le chirurgien.

Le transport des malades affectés de fracture exige beaucoup de précautions, pour leur éviter de douloureuses secousses. Il en faut plus encore lorsqu'il s'agit de les déshabiller et de les coucher; enfin, pour la réduction et la coaptation, il faut de plus une connaissance parfaite de la forme et de la structure des parties.

Dans les fractures des membres que nous prenons pour types, comme étant les plus communes, on doit nécessairement tendre et tirer le membre pour le ramener à sa direction naturelle; puis ensuite, par des pressions délicates, faire rentrer les fragments dans la ligne qui leur appartient. Cela fait, on assujettit les parties au moyen de divers procédés; car nous ne parlerons pas des machines imaginées par les anciens pour la réduction des fractures, parce que rien n'est préférable à la main du chirurgien assisté d'aides intelligents.

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et l'on a eu recours à des bandes inprégnées de blanc d'œuf, de dextrine, d'amidon, de colle forte, etc., avec lesquelles on a fait une sorte de carapace inflexible et plus légère, au moyen de laquelle les malades ont pu se lever et prendre un exercice qui est salutaire au moins à leur santé générale. Tout récemment, on a imaginé d'employer pour cet usage des bandes de papier gris avec le blanc d'oeuf ou la colle, moyen qui mériterait la préférence, ne fût-ce que par la simplicité et le bas prix. Disons toutefois qu'aux avantages de l'appareil inamovible se joignent des inconvénients réels appréciés par les praticiens.

Les sujets affectés de fracture doivent être soumis à un régime doux et régulier, tenus dans un repos parfait, ou ne prendre d'exercice qu'avec des précautions toutes particulières. Aussi a-t-on imaginé des lits mécaniques destinés à les soulever et à varier leur position sans secouer les parties blessées. Ces meubles sont spécialement utiles dans les cas de fractures compliquées. Il faut cependant que le chirurgien sache y suppléer avec ce dont il peut disposer.

Des accidents nombreux et des maladies incidentes viennent souvent traverser la guérison des fractures. On voit la Pour les fractures des os longs en gé- consolidation s'opérer d'une manière irnéral, il faut, après avoir entouré le mem- régulière, et c'est dans des cas de ce genre bre de linge, de bandes et de coussins, qu'on a dû recourir à la rupture du cal, placer en dedans, en dehors et pardes- pour recommencer dans des conditions sus, des planchettes de bois léger ou de plus favorables la réunion des fragments. carton épais, qui, fixées avec de forts D'autres fois aussi, des articulations anorliens, remplacent en quelque sorte l'os males se forment, qui exigent une opérabrisé en donnant aux parties molles un tion laborieuse, savoir la résection des appui suffisant. Cet appui empêche le extrémités fracturées. Enfin on voit soudéplacement des fragments qui ne pour- vent des fractures laisser après elles des rait manquer d'avoir lieu pendant le som- difformités irrémédiables, sans parler des meil et, par des causes imprévues, pendant accidents du traitement lui-même, et qui la veille. Cet appareil longtemps préféré résultent de la compression exercée par un permet d'examiner les parties malades et appareil trop serré ou mal appliqué. de suivre les progrès de la guérison; mais Les fractures, considérées d'une mail oblige les malades à une complète im- nière particulière, offrent des spécialités mobilité. Dans ces derniers temps, on a eu relatives au prognostic, au diagnostic et recours à ce qu'on nomme appareil ina- surtout au traitement: ainsi, par exemple, movible, qui, une fois appliqué, nes'enlève celles des os du crâne forment une classe qu'après la consolidation complète. On tout-à-fait à part. Affectant des os plats, s'est d'abord servi de plâtre dans lequel très résistants et très fortement réunis on a enfermé tout le membre; mais le vo- entre eux, elles peuvent se borner à une lume et le poids y ont bientôt fait renon-simple félure, ou bien avoir des fragments

F. R. FRA DIAVOLO. MICHEL PEZZA* naquit à Itri, près de Gaete, vers l'an

nombreux, anguleux, qui, pénétrant de manière à obtenir les résultats les plus dans l'intérieur, déchirent les membra- satisfaisants. nes, ouvrent les vaisseaux, compriment ou endommagent le tissu délicat de l'organe qui s'y trouve renfermé. Four rele-née 1770, de parents pauvres et obscurs. ver les esquilles, il faut nécessairement Il apprit d'abord la profession de fabriagir de dedans en dehors, et pour cela cant de bas; puis il s'engagea dans l'aril n'y a pas d'autre méthode que de se mée napolitaine, et devint sous-officier frayer une route au moyen d'une ou de au régiment de Messapic. Il passa plus plusieurs couronnes de trépan (voy. ce tard au service du pape; enfin il abandonna le service militaire et se fit moine mot). dans un couvent de son pays. Chassé bientôt pour inconduite, il se retira dans les montagnes de la Calabre, où il embrassa le métier de brigand. Son intrépidité, son audace à attaquer les convois et les troupes du gouvernement, ses succès dans cette guerre de montagnes, ses cruautés enfin et sa froide scélératesse lui acquirent une abominable renommée, de nombreux partisans qui le reconnurent pour chef, et le glorieux surnom de frère-diable, Frà Diavolo.

Les fractures des os de la face, celles de la mâchoire inférieure, de la clavicule, des côtes, des vertèbres, des os du bassin et du sacrum, de la rotule, exigent des procédés de réduction et des appareils contentifs tout particuliers et adaptés à la forme et à la situation des parties, comme elles entrainent aussi des accidents et des désordres qui ne se retrouvent point ailleurs.

Dans les premiers jours du mois de décembre 1798, époque à laquelle le roi de Naples entreprit sa fameuse expédition à Rome, Michel Pezza fit la guerre aux Français pour son propre compte. Ceux-ci, après la retraite des Napolitains, étaient déjà parvenus à Terracine, lorsque Pezza se présenta devant le fortin de Saint-An

Dans les cas simples, tout le traitement consiste dans la réduction et le bandage; mais quand la fracture est grave, qu'il y a des plaies, du gonflement, de la gangrène, il faut pourvoir à une foule d'indications diverses pour ramener les choses à l'état normal qui permet une guérison facile et sans orage. Il faut débrider les plaies, replacer ou exciser les fragments qui font saillie, combattre les accidents inflammatoires ou nerveux qui se manifestent, et d'autres fois remédier à la fai-dré, non loin de Gaête, dans l'intention, blesse et à la fièvre produite par la résorption du pus.

Comme applications locales, quelques émollients, ou plutôt les résolutifs tels que l'eau-de-vie camphrée, la solution d'acétate de plomb, sont employés. Plus souvent on s'est servi avec succès de l'eau froide, dont on a fait des arrosements continuels sur les parties malades, quand leur situation l'a permis..

Jamais la puissance de l'art n'est plus évidente que dans les fractures. Abandonnées à elles-mêmes, ces lésions tendraient à s'aggraver sans cesse; les fragments, entrainés par la contraction musculaire, s'éloigneraient de plus en plus et s'engageraient dans les parties charnues; si, par un hasard presque impossible, ils venaient à rester en contact, ce serait toujours de manière à former des angles vicieux en se réunissant. Au contraire, un chirurgien habile dirige les opérations de la nature

disait-il, d'arrêter la marche des troupes victorieuses. Le commandant de cette

place crut devoir refuser ce dangereux auxiliaire; mais il l'engagea fortement à se jeter dans les défilés par où les Français pourraient tenter de pénétrer. Frà Diavolo suivit ce conseil, et l'ascendant que cet homme exerçait alors sur des populations plus adonnées au brigandage qu'aux industries paisibles, était si grand qu'il se vit bientôt à la tête de 4,000 combattants. Il se porta au secours de Gaëte, eut plusieurs engagements très vifs avec les Français, et parvint à faire plusieurs prisonniers parmi lesquels se trouvaient un adjudant général, un chef de bataillon et un commissaire des guerres qu'il envoya à Naples au vicaire général Pignatelli. On dit que les Français, pour tirer vengeance de cet événement,

(*) Pezza et non Pozza, comme l'ont écrit la plupart des biographes.

firent périr le père de Frà Diavolo, dont ils s'étaient emparés à Itri. Plus tard, s'étant mis en communication avec le général Acton (voy.) et l'amiral Nelson (voy.), il contribua puissamment à reprendre Gaete aux mains des Français.

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| novembre 1806, il fut jugé immédiate-
ment et pendu le 10 du même mois sur
la grande place du marché. Les mémoi-
res du temps assurent qu'il montra dans
ce moment suprême beaucoup de là-
cheté.
C. F-N.
FRAHN (CHRÉTIEN MARTIN),
membre de l'Académie impériale des
Sciences de Saint-Pétersbourg et direc-
teur de son musée asiatique, membre
correspondant de l'Institut de France
(Académie des Inscriptions et Belles-
Lettres), conseiller-d'état-actuel et che-
valier de plusieurs ordres, est aujour-
d'hui au premier rang des orientalistes,
non-seulement par rapport à la philolo-
gie, mais aussi par l'étude profonde qu'il
a faite de la numismatique ancienne et
moderne de l'Orient. Il a rendu les ser-
vices les plus signalés par sa connaissance
parfaite de la langue arabe, de l'histoire
du mahométisme et de tous les monu-
ments qui s'y rattachent. Né à Rostock le
4 juin 1782, il fut, en 1809, reçu à l'u-
niversité de cette ville, et y suivit les
cours de Tychsen (voy.), un des plus cé
lèbres orientalistes. Après avoir achevé ses

En 1799, le cardinal Ruffo (voy.) vint de Sicile en Calabre, avec la mission de soulever les provinces méridionales du royaume de Naples, et de reconquérir, si la chose était possible, le plus beau fleuron tombé de la couronne du roi Ferdinand. Pezza fut un des premiers à rallier les drapeaux du guerrier-cardinal. Sans doute il importait fort peu à ce brigand que les voyageurs qu'il détroussait fussent les sujets de la république parthénopéenne ou du roi de Naples : ce qu'il voulait, maintenant qu'il était riche, c'était un grade militaire, et, par-dessus tout, l'impunité; il marcha donc à la tête des troupes royales, en criant plus fort que les autres: Vive le roi! vive la foi! Mort aux jacobins! L'expédition fut digne du misérable instrument dont on se servit. Pour récompenser les exploits du brigand, le roi de Naples, sur la recommandation du cardinal, conféra à Fràétudes, il accepta une place de précepteur Diavolo le grade de colonel et une pension de 3,600 ducats.

Les Français revinrent à Naples; la famille royale reprit le chemin de l'exil, et Frà Diavolo recommença son premier métier. Nous ne le suivrons pas dans ses courses aventureuses, et nous reculons devant la tâche horrible d'énumérer ses exploits de grands chemins. Il nous suffira d'indiquer en peu de mots que ce fameux brigand, après avoir été chassé de Gaete par le prince de Hesse-Philippsthal, se rendit de nouveau en Calabre d'où la haine des autres chefs de masse le força bientôt à se retirer. Il se rendit alors à Palerme, et revint sur le continent avec sir Sidney Smith; il passa ensuite à Capri et dans les iles environnantes, cherchant à fomenter l'insurrection, mais se rendant surtout de plus en plus célèbre par ses nombreux assassinats, ses vols, ses incendies, et d'autres atrocités qui ressemblent à tous les hauts faits du même genre. Attaqué par les Français, il se défendit comme un lion et ne put être pris que par trahison. Conduit à Naples, le 6

en Suisse, où il resta jusqu'en 1806. De retour dans sa ville natale, il fut, dès l'année suivante, et à la recommandation de Tychsen, appelé en Russie pour professer les langues orientales à l'université de Kasan (voy.), si favorablement située pour devenir un point de contact et de fusion entre l'Occident et l'Orient. M. Fræhn y porta à un tel degré sa connaissance de l'arabe que, n'ayant pas à sa disposition de caractères romains pour imprimer un mémoire relatif à la numismatique orientale, il put l'écrire dans la langue qu'il enseignait. Ce traité Sur quelques médailles relatives aux Samanides et aux Bouïdes, la plupart inconnues (Kasan, 1808), fut bientôt suivi de plusieurs autres, tels qu'une description de la collection de médailles de Potot: Numophylacium Pototianum (1813), le premier livre latin imprimé à Kasan; De titulis et cognominibus Chanorum hordæ aurea (1814); De origine vocabuli rossici Dengis (1815); De arabicorum etiam auctorum libris vulgatis crisi poscentibus emaculari (1815), qui tous témoi

gnent d'une connaissance profonde des langueset sont pleins de recherches faites avec le plus grand soin. En 1815. le savant professeur fut appelé à Saint-Pétersbourg, et en 1817 il devint membre ordinaire de l'Académie impériale des Sciences, bibliothécaire, directeur du musée asiatique, et il reçut en même temps le titre honorifique de conseiller-d'état. Son zèle infatigable a considérablement augmenté la collection déjà si riche des médailles et des manuscrits orientaux de l'Académie, l'une des plus curieuses qui existe. Parmi les traités qu'il a publiés depuis cette époque, nous citerons surtout les suivants: De numorum Bulgaricorum fortè antiquissimo (1816); Médailles khosroéennes des premiers khalifes arabes ( en allen and, Mitau, 1822, in-4o); Numi cufici selecti (1823), autre sujet épineux sur lequel M. Fræhn est revenu à plusieurs reprises; Musæi Sprewitziani numi cufici (1825); Trois médailles des Boulgares du Volga (1830), | Les monnaies des khans de l'oulouss de Tchoutchi (1832), description de la collection du professeur Fuchs, à Kasan. Cependant son ouvrage capital est Recensio numorum muham. Academiæ imperial. Petropolitana (1826, in-4°). Ne bornant pas ses soins aux médailles, il a expliqué, dans son traité Antiquitatis | muhammed, monumenta varia (Pétersbourg, 1820 à 1822), les inscriptions cufiques d'un grand nombre de monuments mahométans. M. Fræhn s'est donné des peines infinies pour remplir les lacunes qui restent encore dans la connaissance que nous avons des principales dynasties asiatiques et dans les médaillers qui s'y rapportent. Cherchant à se rendre le plus utile possible à sa patrie adoptive, il s'est occupé de l'histoire de l'Orient, particulièrement en tant qu'elle se rattachait à celle de Russie, et c'est cette tendance qui donna lieu à l'un des plus beaux titres de cet érudit à l'estime du monde savant. Il publia d'abord De Baschkiris quæ memoriæ prodita sunt ab 1bn Foszlano et Jakuto (1822), et ensuite l'ouvrage allemand Relations d'Ibn Fossian et d'autres auteurs arabes sur les anciens Russes (Pétersbourg, 1823), 1 vol. in-4o, ouvrage qui lui mérita les

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hommages de l'Europe savante, et qui fut suivi de plusieurs mémoires pleins d'intérêt, comme les Relations les plus anciennes concernant les Boulgares du Volga, tirées du voyage d'Ibn Fosslan (1832).

Dans ces derniers temps, M. Fræhn, digne émule de notre illustre Sylvestre de Sacy, a publié différentes descriptions et explications de médailles, soit dans les Mémoires de l'Académie, dont il est l'un des principaux ornements, soit dans le Bulletin scientifique qui se publie aussi sous les auspices de cette célèbre compagnie. Peu de savants jouissent d'un crédit moins contesté; et nous ne ferions pas mention d'une attaque indirecte dirigée contre lui par l'orientaliste qui occupe aujourd'hui son ancienne chaire de Kasan, sans une brochure curieuse dont elle amena l'impression, sous ce titre : Die Regenwürmer auf den Feldern der orientalischen Numismatik, (Leipz., 1836, in-8°), brochure qui rappelle la polémique si piquante à laquelle donna lieu la Lettre de Tutundju Oglou (Senkofski), critique acerbe des Origines russes, de M. de Hammer, mises au jour par M. Fræhn. C. L. et S.

FRAGMENT, débris, morceau détaché. On a donné ce nom, par analogie, aux parties incomplètes ou séparées d'une œuvre littéraire quelconque. Il est un certain nombre de productions des écrivains de l'antiquité dont il ne nous reste que des fragments. Nous n'avons que des fragments de Musée, de Ménandre, de Sapho, etc., des historiens grecs Ctésias, Éphore, Xanthus de Lydie, etc., d'Ennius, d'Accius, de Lucilius, de la grande histoire latine de Trogue-Pompée (dans l'abrégé de Justin), etc. Quant à d'autres auteurs anciens, tels que Cicéron, Phèdre, Salluste, etc., ce sont seulement quelques fragments de leurs ouvrages qui nous manquent; le hasard et les investigations des savants en ont fait retrouver plusieurs. Stobée et Photius (voy. ces noms ) ont recueilli des passages curieux d'un grand nombre d'auteurs grecs dont nous n'avons ainsi que des fragments. Parmi les modernes, Robert et Henri Estienne ont publié les Fragmenta poetarum veterum latinorum, 1560, in-8°. On peut

eiter aussi Mettaire, Scriverius, Almeno- | derot; tableau plein d'enthousiasme, riveen, M. Creuzer, etc.

Une citation de quelque étendue empruntée à un ouvrage prend également le titre de fragment. Nos diverses rhétoriques et poétiques en ont fait un grand emploi, et il y a quelque mérite à savoir les choisir avec goût.

che d'expression et d'effet, et qui obtint le suffrage général*. Si Fragonard eût continué de se livrer à la peinture historique sous d'aussi heureuses inspirations, il serait devenu un grand maître; mais pour cela il lui eût fallu renoncer aux succès faciles et aux tentations de la fortune: il aima mieux peindre des scènes d'amour et de volupté. La Fontaine d'amour, le Serment d'amour, le Sacrifice de la Rose, le Baiser à la dérobée, le Verrou, le Contrat, et mille autres productions du même genre, con

Quelques auteurs ont aussi voulu donner ce nom à des morceaux de littérature ou de poésie qu'ils publiaient comme essais et qui n'étaient réellement détachés d'aucun ouvrage. L'expression était impropre; ce n'est que d'une œuvre entière, complète, que l'on peut extraire des frag-nues par les gravures de N.-F. Regnault,

ments.

Il sera question des Fragments de Wolfenbüttel à l'article LESSING.

Notre grand Opéra, et surtout l'Opéra italien, donnent assez souvent des spectacles composés de fragments, c'est-à-dire d'actes séparés de diverses pièces. Le charme d'une musique variée fait excuser aisément cette mutilation des poèmes et des libretti. On n'a pas essayé de l'exercer aussi sur des œuvres dramatiques plus littéraires: certaines pièces de la ComédieFrançaise auraient pu en donner l'idée; mais s'il en était véritablement à l'égard desquelles on pût en agir ainsi sans nuire à leur clarté et à leur intérêt, ce serait déjà pour elles une des plus sévères critiques. M. O. FRAGONARD (JEAN HONORÉ), peintre né à Grasse (Var), en 1732, et mort à Paris à l'âge de 74 ans, appartient à l'école des Chardin, des Vanloo et des Boucher, dont il reçut successivement les leçons. Ami de la joie, ennemi de la gène et de la contrainte, il ne travailla jamais que d'inspiration, mania le pinceau avant le crayon, et suppléa par l'esprit à ce qui lui manquait de talent acquis. Il remporta le grand prix de peinture en 1752, avant d'avoir été même admis aux cours de l'Académie, fait unique peut-être dans les fastes de l'art. Pendant son séjour à Rome, son goût pour la couleur, pour les effets piquants et les scènes à mouvement, le porta vers l'imitation de Piètre de Cortone. En 1765, il fut reçu à l'Académie sur son tableau de Corésus et Callirhoé, décrit et analysé d'une manière si piquante et si spirituelle par Di

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J. Matthieu, M. Blot, N. Delaunay, Miger, Ponce, etc., etc., eurent la plus grande vogue et lui valurent des sommes considérables. La Révolution de 1789 vint mettre fin à cette course plus brillante que glorieuse pour l'artiste et pour les mœurs du siècle dont il ne suivait que le goût. Bientôt cet atelier, séjour des grâces et du bonheur, devint celui de la tristesse et du découragement. Nommé par l'Assemblée nationale l'un des conservateurs, du Musée, Fragonard proposa et fit adopter, malgré de vives oppositions, la séparation des écoles.

Le caractère propre des ouvrages de ce peintre est une sorte de magie qui tient à la féerie. « La Volupté, les Grâces, les Amours, a dit Taillasson, semblent apparaître dans ses tableaux par le pouvoir des enchantements. » L'abbé de SaintNon eut pour Fragonard une franche amitié. Ils parcoururent ensemble l'Italie, et c'est en grande partie sur les dessins de ce dernier que fut exécuté ce Voyage pittoresque de Naples et de Sicile, en 5 vol. in-fol., qui est resté l'une des plus belles et des plus savantes publications de l'espèce.

Fragonard a laissé un digne successeur dans son fils, ALEXANDRe-Évariste, né à Grasse en 1783; car cet artiste s'est distingué à la fois comme peintre d'histoire et comme statuaire. Les plafonds du Louvre représentant François Ier, armé chevalier, puis ce même prince recevant les tableaux apportés d'Italie par le Prima

(*) Il a 12 pieds et demi sur 9. Le roi en fit don aux Gobelins, où il a été copié en tapisserie; il a été bien gravé par J. Danzel.

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