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cultivateurs à garnir les marchés, et la circulation des grains demeurait entravée par la formalité des acquits-à-caution. Ces restrictions, destinées à ménager la transition, devaient n'avoir qu'un effet temporaire en réalité, reprises, confirmées, aggravées même par une série de décrets de la Convention et d'arrêtés du Comité de salut public (voir le Recueil, n° 115 et suivants), elles devaient garder leur valeur jusqu'à l'an v. Le décret du 7 vendémiaire an iv (n° 154) promulgue une fois de plus la réglementation traditionnelle approvisionnement forcé des marchés, interdiction de vente en dehors des marchés, précautions contre l'accaparement. Sans doute ce décret du 7 vendémiaire ne semble avoir été observé, dans la mesure où il l'a été, que pendant les premiers mois de l'an iv : mais, en droit, ses prescriptions ne devaient devenir caduques que par le vote de la loi du 21 prairial an v (n° 161), qui rendait au commerce des céréales une entière liberté d'opérations.

II

Les décrets sur le commerce des céréales votés par les Assemblées révolutionnaires ont été préparés par des Comités législatifs dont il importe de dire quelques mots.

Le 17 juin 1789, l'Assemblée nationale, à peine constituée, déclare que l'examen des causes qui produisent dans les provinces du royaume la disette qui les afflige et la recherche des moyens qui peuvent y remédier de la manière la plus efficace et la plus prompte sont au premier rang de ses préoccupations; et elle décide en conséquence la création d'un Comité qui sera chargé de s'occuper sans relâche de la recherche des causes de la cherté des grains et des moyens de soulager la misère publique». Ce Comité fut formé le 19 juin officiellement il s'appela Comité concernant les subsistances; mais dans la pratique il fut, plus brièvement, le Comité des subsistances. Au début, il se composa de 32 membres, tous députés du Tiers (); après la réunion des Ordres, 26 nou

(1) Ce furent De Turkheim, Lemarechal, Roussier, Pincepré de Buire, Sentetz, Lapoule, Delaville Le Roulx, Boëry, Volfius, Dubois de Crancé, Lamy, Bérenger, Brassart, Nairac, Hennet, de Rostaing, Duquesnoy, Montaudon, Garésché, Dupré de Ballay, Gouges Carton, Goyard, Monneron, Bouvet, Du Pont de Nemours, Roca, Thibaudeau, Begouen, Huguet, Hanoteau, Dupré, De Cigongne-Maupassant.

veaux membres, 10 du Clergé (1) et 16 de la Noblesse (2), furent désignés. Le Comité n'ayant laissé ni procès-verbal ni registre de correspondance, nous avons très peu de renseignements sur son organisation intérieure et ses travaux. Nous savons seulement qu'il reçut et rapporta d'assez nombreuses pétitions, qu'il rédigea le projet qui devint le décret du 29 août 1789, et qu'il fut chargé, le 3 octobre, de préparer, à l'adresse du peuple et sur les subsistances, une proclamation qui, le 13, fut présentée à l'Assemblée et renvoyée au Comité de rédaction. Le même jour, 13 octobre, le Comité fut supprimé. Dès le 22 août, cette mesure avait été demandée; l'Assemblée l'avait alors écartée. Il est probable décret de suppression semble bien l'indiquer que, faute d'expérience, et aussi poussé par les circonstances, le Comité ne s'était pas borné à son rôle législatif, et qu'il avait empiété sur les attributions administratives de l'Intendance du commerce.

le

Après la disparition du Comité des subsistances, l'étude des questions relatives au commerce des céréales fut confiée au Comité d'agriculture et de commerce. Créé le 2 septembre 1789, ce Comité a changé de nom à plusieurs reprises. «Sous la Constituante, à l'origine, il reçut le nom de Comité d'agriculture et de commerce. Sous la Législative, il redevint simplement Comité d'agriculture; enfin la Convention le réunit, le 2 brumaire an 11, sur la proposition du Comité de salut public, aux Comités de commerce, des ponts et chaussées, et de navigation intérieure. Quelquefois il ne porte qu'un de ces titres; mais, le plus souvent, on le désigne sous le nom de Comité d'agriculture et de commerce, comme du temps de la Constituante. Enfin, le 7 fructidor an 11, il reçut la dénomination de Comité d'agriculture et des arts, et la conserva simultanément avec celle qui lui avait été précédemment attribuée, jusqu'aux derniers jours de la Convention (3). "

(1) L'évêque de Coutances (Talaru de Chalmazel), Brousse, Goulard, l'abbé d'Abbecourt (Simonnet de Coulmiers), Gassendi, Laurent, Lévêque, Littre (?), Joubert, Eridon. Nous n'avons pu identifier le nom Littre, donné par le

Procès-verbal.

(2) D'Aguesseau, duc d'Aiguillon, Dionis du Séjour, baron de Menou, comte de Lablache, duc d'Orléans, marquis de La Coste, marquis de La Tour-Maubourg, comte de Virieu, De Prez de Crassier, marquis de Lusignan, De Phelines, De Maulette, comte de Rochechouart, vicomte Desandrouin, baron de Chaléon. (3) J.-J. GUIFFREY, Les Comités des Assemblées révolutionnaires (1789-1795), Le Comité de l'agriculture et du commerce, dans la Revue historique, 1876, t. I,

A la fin d'août 1793, il parut nécessaire à la Convention de créer une commission spéciale de six membres, qui s'occuperait sans délai d'un projet de loi définitif sur les subsistances » (1). Cette commission, qui porte dans les textes le nom de Commission des Six ou de Commission des subsistances (2) (elle porte ce nom pour la première fois, dans le Procès-verbal de la Convention, le 4 septembre), comprit les conventionnels Jay, François Chabot, Boucher, Coupé, Danton, Merlino, auxquels furent bientôt adjoints Le Cointre, Valdruche et Girard. Dès le 31 août, elle présenta un rapport, et un projet de décret qui, après discussion les 3, 6, 7 et g septembre, devint le grand décret du 11 septembre sur l'établissement d'un maximum uniforme du prix des grains. Après adjonction, le 14 septembre, de cinq nouveaux membres (dont le Procès-verbal ne donne pas les noms), la même Commission élabora le décret du 29 septembre sur le maximum général, le décret du 18 vendémiaire an 11 sur les marchés (n° 38), et rapporta diverses pétitions; après quoi elle disparut. Le Procès-verbal de la Convention la mentionne pour la dernière fois le 29 vendémiaire an 11. De même que le Comité des subsistances de 1789, elle n'a laissé ni procèsverbal, ni registres.

De brumaire an 11 à la fin de la Convention, les décrets concernant le commerce des céréales sont adoptés sur rapport du Comité de salut public et du Comité de commerce réunis, ou de l'un ou l'autre de ces Comités.

III

Passons maintenant aux services chargés d'administrer le commerce des céréales de 1788 à l'an v.

En 1788, cette tâche incombe à un bureau spécial de l'Intendance du commerce, rattachée elle-même à l'Administration des

p. 438 et suiv.; pour plus de détails, nous renvoyons à cette étude. Voir aussi les Procès-verbaux des Comités d'agriculture et de commerce des Assemblées de la Révolution, publiés par F. GERBAUX et Ch. SCHMIDT (en cours de publication).

(1) Décision du 26 août 1793 (Procès-verbal de la Convention, août 1793, p. 306-307).

(2) Il est bon de noter l'emploi, en l'espèce, du mot Commission et non Comité. Sous le régime créé par le décret du 12 germinal an 11, les deux termes s'opposent les Comités sont législatifs et les Commissions sont exécutives.

finances. Ce bureau, dit de correspondance relative aux subsistances, est dirigé depuis de longues années par M. de Montaran, maître des requêtes au Conseil, et l'un des intendants de commerce, ami et collaborateur de Necker (1).

M. de Montaran resta en fonctions jusqu'en 1791, probablement en septembre ou octobre. Le décret du 14 avril 1791 sur l'organisation du Ministère avait enlevé à l'ancienne Administration des finances devenue en 1790 le Ministère des finances, ou des contributions et revenus publics et confié au Ministre de

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l'intérieur la surveillance et l'exécution des lois relativement à l'agriculture, au commerce de terre et de mer», etc. Un autre décret, du 24 août 1791, enjoignit aux ministres de présenter, avant le 4 septembre suivant, le plan d'organisation de leurs bureaux. C'est selon toute apparence à ce moment que fut rédigé un rapport non daté, conservé aux Archives nationales (2), du Ministre de l'intérieur au roi sur l'organisation intérieure de son ministère. Ce rapport mentionne l'existence d'un bureau spécial, chargé de la partie des subsistances et rattaché à la 6a division; M. de Montaran a conservé simplement, sans traitement, la liquidation de la comptabilité des approvisionnements faits pendant l'année 1789.

En novembre 1792, la 6° division du Ministère de l'intérieur fut supprimée. La correspondance relative aux subsistances fut attribuée à la 5o division (3).

En brumaire an 11, le Ministère de l'intérieur se trouva à sou tour dessaisi. Le maximum des grains était en vigueur depuis six mois, et il fallait donner l'impulsion la plus énergique, la plus révolutionnaire aux réquisitions faites pour les armées et les grandes

(1) Il faut noter qu'à côté du Bureau de Montaran, auquel incombait la partie essentielle de la besogne, le Secrétariat d'État de la Maison du Roi qui avait dans ses attributions l'administration intérieure de la plus grande partie du royaume, s'occupait également des subsistances, dans la mesure où elles intéressaient le maintien de l'ordre public. D'autre part, le Conseil d'État a pu, jusqu'à la fin, être appelé à connaître d'affaires relatives au commerce des céréales. (Voir ci-après la Note sur les sources, aux Archives nationales, de l'histoire du commerce des céréales de 1788 à l'an v, p. 295.)

(2) Sous la cote Fla 1.

(3) Renseignement tiré des mentions d'enregistrement portées sur les pièces de la série F, passim.

villes, Paris en tête. Tel fut le rôle assigné à la Commission des subsistances et approvisionnements, créée par décret du 1er brumaire an 11. Ce décret règle en détail l'organisation, les fonctions et les pouvoirs de la Commission. En voici le texte :

La Convention nationale, après avoir entendu le rapport du Comité de salut public, décrète :

ART. 1. Il est établi une Commission des subsistances et approvisionnements.

ART. 2. Elle sera composée de trois membres nommés par la Convention sur la présentation du Comité de salut public.

ART. 3. Ces trois commissaires délibéreront entre eux sur les objets de leur établissement déterminés ci-après.

Ils correspondront directement avec les administrations de département ou avec celles de district; la gradation des fonctions administratives, à cet égard, demeure supprimée.

ART. 4. Les trois membres de la Commission sont responsables solidai

rement.

L'un d'eux signera toutes les opérations et les ordres émanés d'elle pendant quinze jours.

Il aura séance au Conseil exécutif provisoire.

Le traitement de chacun de ces commissaires est de vingt-cinq mille livres.

ART. 5. Cette Commission s'occupera des objets suivants :

Connaître tous les marchés passés jusqu'à ce moment dans les pays étrangers, par le Ministre de l'intérieur, sur les subsistances;

En suivre l'exécution, et se faire rendre compte des commissions données pour cet objet;

Accélérer l'exécution de la loi sur le recensement des grains;

Suivre l'exécution des réquisitions pour l'approvisionnement des armées;

Faire la répartition des réquisitions sur les divers départements; Pourvoir aux approvisionnements en viandes fraîches, salaisons, nécessaires pour les armées de terre et de mer et pour l'intérieur de la Répu

blique ;

Rassembler toutes marchandises et denrées de première nécessité pour les armées;

Faire importer toutes les matières premières qui manquent ou qui ne sont pas assez abondantes dans la République;

Veiller à la répartition des denrées et des marchandises, selon les besoins locaux, dans tous les départements;

Assurer l'ensemencement, la reproduction de tout genre de subsis

tances:

VIE ÉCON. DE LA RÉVOL. No 2-3.

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