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S'il a paru préférable à la Commission, pour des raisons pratiques, de réaliser en dehors des cadres universitaires la création des Comités départementaux, il ne s'ensuit aucunement qu'elle ait songé à laisser à l'écart les Universités. Elle sent trop vivement, en même temps que les difficultés de sa tâche, la valeur de leur concours, pour admettre un seul instant qu'elle puisse en être privée. Elle estime au contraire que, dans la vaste entreprise dont la direction lui est confiée, les Universités, tutrices nées du travail provincial, ont à jouer un rôle de premier ordre, et que leurs professeurs devront jouir comme maîtres de méthode, dans les Comités départementaux de leur région, de l'influence scientifique à laquelle ils ont droit.

Ces questions d'organisation matérielle une fois réglées, la Commission s'est préoccupée d'établir avec précision le cadre, la nature et la forme de ses travaux.

Les dates de 1789 et de l'an vIII limiteront normalement, dans le temps, le domaine de son activité. Elles le limiteront, mais sans rigidité absolue. Il est évident que, sans la connaissance de l'Ancien régime, la Révolution n'est pas intelligible: aussi la Commission ne s'interdit-elle nullement de remonter au delà de 1789, lorsque l'étude de l'Ancien régime sera requise pour expliquer l'état des choses telles qu'elles étaient au moment de la convocation des États généraux, celle-ci restant cependant, à proprement parler, le point de départ de son effort d'investigation. De même, la Commission ne s'astreint pas à arrêter exactement à la date de l'an vi l'examen de toutes les questions: elle n'hésitera pas, le cas échéant, à la dépasser, à pousser, par exemple, jusque sous l'Empire, l'étude de l'évolution industrielle étude qu'il serait arbitraire et dangereux de couper à 1800, ou à suivre jusqu'au bout l'application de certaines mesures révolutionnaires d'importance économique capitale, dont l'effet s'est prolongé jusqu'à la Restauration, comme la vente des biens nationaux.

La Commission n'entend pas aborder indistinctement, dans toutes ses parties, l'histoire de la vie économique et sociale de la France révolutionnaire. Ainsi, elle laissera de côté l'histoire de l'instruction publique, à laquelle des publications étendues ont été déjà consacrées par les soins de l'État; elle ne s'occupera pas davantage de la vie de société, des mœurs. L'énumération suivante, tout incomplète

qu'elle soit, donnera l'idée du champ, d'ailleurs immense, qu'elle compte exploiter, et des questions principales qui solliciteront son attention:

État économique et industriel de la France en 1789, surtout d'après les cahiers des paroisses, ceux des corporations, etc.

Associations professionnelles et compagnonnage. Liquidation des communautés d'arts et métiers.

Droits féodaux; leur persistance et leur abolition graduelle.

Inventaire des biens nationaux (biens d'église et biens des émigrés), actif et passif; leur vente; assignats et billets de confiance.

État et transformations de la production et des échanges.
Agriculture.

Industrie; mines.

Commerce intérieur et extérieur; douanes; compagnies privilégiées.
Progrès de l'outillage industriel et agricole et des procédés techniques,
Le payement de l'impôt sous la Révolution.

Subsistances; maximum.

Régime et partage des communaux.

Mouvement de la population dans les villes et les campagnes,

Application et effets économiques des lois révolutionnaires sur la trans-
mission de la propriété foncière et sur le régime hypothécaire.
Taux et variations des salaires et traitements, Coalitions,
Mesures d'assistance.

Le texte voté par la Chambre, ainsi que l'arrêté ministériel qui l'a sanctionné, assignent à la Commission une double forme d'action: rechercher et publier.

C'est une vérité admise de tous que la vie politique et la vie économique, toujours si étroitement liées, se sont pénétrées plus encore pendant la crise révolutionnaire qu'à toute autre époque, et apparaissent à son historien en quelque sorte confondues. De cet enchevêtrement de faits, les documents portent la trace, et pour aboutir, la recherche des matériaux de l'histoire économique de la Révolution doit porter, dans une large mesure, sur des fonds d'archives qui, au vu de leur titre, sembleraient de nature à être négligés. Cette tâche d'exploration préalable serait facile si l'on possédait des fonds d'archives révolutionnaires, départementales et communales, comme de ceux des Archives nationales, des états sommaires fournissant, sur les différentes catégories de pièces, des indications succinctes, mais précises, de nature et de date, et

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permettant l'orientation et la localisation rapides de dépouillements plus approfondis. Malheureusement, il n'en est pas ainsi, et l'inventaire sommaire des archives révolutionnaires, sans distinction d'espèces de documents, est encore, hors Paris, si peu avancé que la Commission croit devoir tout d'abord demander, au zèle des Comités départementaux et de leurs correspondants, la rédaction de quelques états à caractère très général, dont elle ne peut se passer pour la conduite rationnelle de ses travaux ultérieurs.

La Direction des Archives a décidé de faire dresser, par les archivistes départementaux et pour chacun des dépôts qui leur sont confiés, un tableau suffisamment détaillé de la série L (administration de 1789 à l'an vIII); et elle compte pouvoir mettre à l'impression, dès le début de l'an prochain, un volume contenant les états sommaires de la série L dans tous les départements. La préparation d'un recueil analytique du même genre sera ensuite entreprise pour la série Q, série dite domaines", où il faut chercher, sur la vente des biens nationaux, les éléments de la vérité. Sur ces deux points, la Commission n'a qu'à prendre acte des promesses faites par la Direction des Archives et à exprimer le souhait d'une prompte réalisation.

Pour les archives municipales, au contraire, la Commission fait appel à tous ses correspondants provinciaux. Elle les invite à procurer la rédaction, pour chaque dépôt de cet ordre, d'un état sommaire, disposé suivant le cadre de classement des archives communales postérieures à 1790 et donnant, pour les fonds révolutionnaires des séries D (administration générale de la commune), F (statistique), G (contributions, administrations financières), N (propriétés communales), O (travaux publics, voirie, navigation, régime des eaux), Q (assistance publique), le nombre des articles, liasses ou registres, l'indication globale de leur contenu, leurs dates extrêmes et, s'il y a lieu, les lacunes. Ces états seraient centralisés, et s'ils formaient, comme il est à prévoir, une masse telle qu'on ne pût, provisoirement, songer à les publier, du moins seraient-ils, pour la conduite du travail, des guides très précieux. Ainsi l'on pourrait savoir et ces renseignements élémentaires sont nécessaires pour la bonne organisation d'enquêtes départementales ou régionales quel est, dans chaque commune, l'état des registres de l'administration municipale, éventuellement de la municipalité cantonale, de la société populaire. Ainsi, également, pourrait-on dresser cette

liste des cahiers rédigés lors de la convocation des États généraux, liste sans laquelle on ne saurait ordonner méthodiquement la publication, si désirable, des cahiers eux-mêmes.

Tandis que se poursuivra ce vaste récolement des archives révolutionnaires et sans avoir à attendre qu'il soit terminé, la Commission abordera la seconde partie de sa tâche, qui est de publier. Il serait prématuré de vouloir exposer dans cette circulaire introductive le plan et les moyens d'exécution des publications futures. La question est donc provisoirement réservée et fera l'objet de circulaires ultérieures.

Le Ministre de l'Instruction publique
et des Beaux-Arts.

Pour le Ministre et par autorisation :

Le Directeur de l'Enseignement supérieur,
BAYET.

DEUXIÈME CIRCULAIRE.

Paris, le 12 août 1904.

LE MINISTRE DE L'INSTRUCTION PUBLIQUE ET DES BEAUX-ARTS à M. le Président du Comité départemental d

La tâche attribuée aux Comités départementaux dans la vaste enquête à laquelle doit présider la Commission de recherche et de publication des documents relatifs à la vie économique de la Révolution française a été indiquée dans une première circulaire, en date du 24 mars 1904. Maintenant que les Comités sont constitués, il importe de préciser leur rôle et leur fonction. Tel est l'objet de la présente circulaire, dont vous voudrez bien donner connaissance, lors de sa prochaine séance, au Comité que vous présidez.

Le cadre des travaux des Comités sera, comme il va de soi, celui des travaux de la Commission elle-même, c'est-à-dire qu'il sera normalement limité, dans les conditions qu'a définies la circulaire du 24 mars, par les dates de 1789 et de l'an vIII. La même circulaire a donné une liste sommaire des diverses questions qui rentrent dans ce cadre; il est bon de la reproduire ici :

État économique et industriel de la France en 1789, surtout d'après les cahiers des paroisses, ceux des corporations, etc.

Associations professionnelles et compagnonnage. Liquidation des communautés d'arts et métiers.

Droits féodaux; leur persistance et leur abolition graduelle.

Inventaire des biens nationaux (biens d'église et biens des émigrés), actif et passif; leur vente, assignats et billets de confiance.

État et transformations de la production et des échanges.
Agriculture.

Industrie; mines.

Commerce intérieur et extérieur; douanes, compagnies privilégiées.

Progrès de l'outillage industriel et agricole et des procédés techniques.

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