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LE MINISTRE DE L'INSTRUCTION PUBLIQUE ET DES BEAUX-ARTS à M. le Président du Comité départemental d

Dans sa séance du 27 novembre 1903, la Chambre des députés a voté le projet de résolution suivant présenté par M. Jaurès :

La Chambre invite le Gouvernement à proposer, dans le budget du futur exercice, le crédit nécessaire pour commencer le classement et la publication des documents d'archives relatifs à la vie économique de la Révolutior. française (assignats, vente des biens d'église et des biens des émigrés, subsistances, maximum, manufactures, partage des communaux, etc.).

Au cours de la discussion qui avait précédé le vote, M. Jaurès avait prononcé, pour justifier le dépôt de son projet, un discours dont voici les passages essentiels :

Le fond de l'histoire ne consiste pas dans le développement extérieur des formes politiques. Il est bien certain que c'est le jeu des intérêts économiques, des forces sociales, qui détermine le mouvement de l'histoire et qui lui donne un sens. Or, tandis que, pour l'histoire de la Révolution française, c'est-à-dire pour l'histoire des origines mêmes du monde moderne,... les publications de documents d'ordre politique se sont multipliées, qu'il y a déjà des collections du plus haut intérêt scientifique et

VIE ÉCON. DE LA RÉVOL. N° 1.

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historique, comme les publications relatives à la Commune de Paris, dont notre ancien collègue M. Sigismond Lacroix a la direction, comme les publications de M. Aulard sur la Société des Jacobins, il n'y a sur les documents qui intéressent la vie économique et sociale profonde de la Révolution française aucune collection de documents.

Ces documents sont dispersés dans les archives; ils ne sont même pas classés, et, fussent-ils classés, il serait impossible à un travailleur isolé d'en prendre connaissance. Voilà pourquoi il faut que l'État, par une publication d'ensemble, mette au service des historiens qui veulent aller jusqu'au fond des choses les moyens nécessaires de travail.

Je ne reprends que d'un mot car il y aurait beaucoup à dire, mais ce n'est vraiment pas le lieu ou le moment l'énumération rapide que j'ai donnée dans mon projet de résolution.

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Il est bien certain, par exemple, qu'au point de vue des cahiers, dans lesquels s'est formulée d'abord la pensée de la France nouvelle, il y a eu déjà des publications. Nos Archives parlementaires contiennent des documents importants; mais elles se sont arrêtées presque toujours aux cahiers des districts, c'est-à-dire aux cahiers revus, corrigés, simplifiés, mutilés. Il n'y a qu'un très petit nombre de documents, comme ceux par exemple relatifs au diocèse d'Autun, qui aillent jusqu'aux cahiers des paroisses, c'est-à-dire jusqu'à l'expression originelle et originale de la pensée du paysan lui-même, et il y aura en ce sens un très grand effort de recherches et de documentation pour retrouver jusqu'à sa source la pensée révolutionnaire de la France moderne.

De même, pour tout ce qui touche aux biens nationaux, à leur vente, aux procédés financiers par lesquels cette vente a été rendue possible, il y a déjà quelques publications sur le transfert des biens de l'église, des émigrés et des nobles aux classes nouvelles de possédants. Vous savez, Messieurs, combien longues ont été sur cet objet les controverses des partis...

Il y a eu quelques études résumées très intéressantes, mais qui ne s'appliquent qu'à un petit nombre de régions. Il faut que pour chaque département nous ayons le tableau statistique de la vente des biens nationaux pour pouvoir faire la ventilation entre les diverses classes, déterminer avec exactitude s'il y a eu morcellement ou simplement transfert en bloc, d'une classe à une autre, pour les assignats, pour ces innombrables créations de billets de secours, de billets de confiance, qui ont donné alors aux prédécesseurs de M. Rouvier tant d'embarras, tant de difficultés, vu l'insuffisance du nombre des assignats, surtout des petits assignats, car à l'origine, on n'avait créé que des assignats d'une valeur élevée. Pour faire face aux besoins de la circulation, de la consommation courante, les villes, les communes, les municipalités, les districts avaient créé des billets de confiance, mais qui avaient entraîné toutes sortes de diflicultés, de complications.

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Nous n'aurons sur tous ces points des documents authentiques que lorsque l'État voudra bien ouvrir ses archives et les mettre à la disposition de tous les chercheurs.

En suite au vote émis par la Chambre, le Ministre de l'Instruction publique prit, le 23 décembre 1903, l'arrêté suivant :

ART. 1. Une Commission chargée de rechercher et de publier les documents d'archives relatifs à la vie économique de la Révolution française est constituée près le Comité des travaux historiques et scientifiques.

ART. 2. Sont nommés membres de cette Commission :

MM. JAURÈS, vice-président de la Chambre des députés, président;
GUILLEMAUT, sénateur:

PRADAL, sénateur;

RIVET, sénateur;

BARTHOU, député;

CLÉMENTEL, député ;

DEVILLE, député;

AULARD, professeur à la Faculté des lettres de l'Université de Paris;
BOISSONNADE, professeur d'histoire à l'Université de Poitiers;"

BRETTE, publiciste ;

CARON (Pierre), archiviste aux Archives nationales;

DEJEAN, directeur des Archives;

ESMEIN, professeur à la Faculté de droit de l'Université de Paris;
FAURE (Fernand), professeur à la Faculté de droit de l'Université de
Paris;

GIDE, chargé de cours à la Faculté de droit de l'Université de Paris;
GLASSON, membre de l'Institut, doyen de la Faculté de droit de l'Uni- ·
versité de Paris;

LAVISSE, membre de l'Académie française, professeur à la Faculté des lettres de l'Université de Paris:

LEVASSEUR, membre de l'Institut, président de la section des sciences économiques et sociales du Comité des travaux historiques et scientifiques, administrateur du Collège de France;

LIARD, vice-recteur de l'Académie de Paris:

SAGNAC, professeur adjoint d'histoire moderne à l'Université de Lille;
SÉE (Henri), professeur d'histoire à l'Université de Rennes;
SEIGNOBOS, maître de conférences d'histoire à l'Université de Paris;

MM. SELIGMAN, avocat, membre de la Commission des missions scientifiques

et littéraires;

SERVOIS, directeur honoraire des Archives;

LACROIX (Sigismond), ancien député;

BAYET, directeur de l'Enseignement supérieur au Ministère de l'Instruction publique;

SAINT-ARROMAN (DE), chef du 5 bureau de la Direction de l'Enseignement supérieur au Ministère de l'Instruction publique;

BAR (DE), rédacteur au 5° bureau de la Direction de l'Enseignement supérieur au Ministère de l'Instruction publique.

La Commission ainsi constituée s'est réunie pour la première fois le 28 janvier 1904. Elle a d'abord complété son bureau, qui est composé comme suit :

MM. JAURES, président;

AULARD, BARTHOU, Sigismond LACROIX, vice-présidents;

CARON, CLEMENTEL, DEVILLE, secrétaires.

Elle s'est ensuite attachée à déterminer en premier lieu, les moyens pratiques d'action qui lui sont indispensables pour s'acquitter de sa mission; en second lieu, le programme de ses

travaux.

Sur sa proposition, le Ministre de l'Instruction publique a décidé la création de Comités départementaux, formés par arrêtés et comprenant, à côté de l'inspecteur d'académie et de l'archiviste du département, membres de droit, un nombre variable de personnes qualifiées, par leur situation et leur compétence, pour organiser et mener à bien, dans le ressort du Comité dont elles feront partie, l'enquête préliminaire, et pour y assurer, dans les meilleures conditions, la mise au jour des documents recueillis. L'action utile de ces Comités, qui se tiennent en rapports directs avec la Commission, reçoivent d'elle des instructions et lui rendent compte de leur exécution, est garantie et amplifiée par la collaboration que leur fournissent des correspondants, choisis, autant que possible, à raison d'un ou plusieurs par commune, et dont ils guident les recherches.

(1) D'autres membres ont été nommés ultérieurement, par arrêtés successifs. L'on trouvera ci-après, à la page 54, l'état, au 15 mai 1906, des membres de la Commission.

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