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et l'Angleterre, dans le cours des deux premières années après la réduction de Saint-Domingue, et dans les guerres subséquentes, si le gouvernement le jugeait à propos, il conviendrait d'informer les Américains, et les puissances neutres de l'Europe, que le commerce des colonies françaises leur est ouvert jusqu'à la paix, moyennant les droits d'entrée et de sortie; qu'elles peuvent porter dans leurs ports les objets de première nécessité, comme farine, vin, fromages, beurre, huile, salaisons de toute espèce, pois, légumes, fruits, savon, chandelles, liqueurs, toutes sortes d'objets alimentaires, des toiles, des draps, des vêtemens, de la fayance, de la porcelaine, des tuiles, des ardoises de manufactures française, des merrains, du feuillard, des bois de construction, du chanvre, du lin, du bray, du suif, du gaudron, des feuilles de cuivre, du fer, des briques, des pierres de tailles et du marbre. Les puissances neutres prendraient en retour les trois quarts de leurs chargements en café, un huitième en mélasse, et le huitième en sucre brut de troisième qualité.

Le commerce français aurait cours comme en tems de paix, il porterait aux colonies ce qu'il jugerait à propos, et ferait ses chargemens de retour en café, sucre, coton, indigo, cacao, taffias, sirops, cuirs écaillés, drogues médicinales, gayac, acajou, campêche, etc. Il résulterait de cette mesure, que les puissances du nord tireraient direc tement des colonies françaises les productions

dont elles auraient besoin ; qu'elles les auraient à meilleur marché que eelles des colonies anglaises, et que l'Angleterre serait obligée de garder les siennes en magasin pour ne pas perdre le fret, la commission, le transport, et le bénéfice que son commerce fait exclusivement dans ses îles.

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Le planteur français ayant la faculté de voir dans ses ports, pour y commercer, plus de bâtimens que de coutume, trouvera conséquemment un plus grand débouché, et recevra les objets dont il a besoin en plus grande abondance et à meilleur marché. Cette permission, jointe à la disparution. des entraves et des charges, n'exposeront plus Saint-Domingue à être envahie, à être encombrée de denrées coloniales, et à manquer de provisons et de marchandises européennes, parce que les puissances qui commerceront avec cette île auront intérêt à la garantir, à lui enlever toutes les denrées qui peuvent tenter ses voisins, à lui fournir ce dont elle aura besoin; et que le colon, par reconnaissance pour la protection paternelle du gouvernement, s'attachera davantage à la conservation de son pays, et s'empressera de multiplier ses efforts pour prévenir ou pour repousser toute invasion de la part de l'ennemi.

Puisse la métropole se persuader de cette vérité, que pour nourrir une colonie en Amérique, il lui faut cultiver une province en Europe. Ce surcroît de culture augmente sa force intérieure, sa richesse réelle; et les travaux des colons peuvent être re

gardés comme la cause principale du mouvement rapide qui agite notre globe, en ce qu'ils doublent et triplent l'activité de l'Europe entière.

12°. Que le gouvernement ôte à cette compagnie, qui commença à exploiter les colonies en 1664, avec la somme modique de 45,000 liv. (son privilège exclusif); c'est-à-dire le pouvoir d'affamer les colonies, de vendre les esclaves et les mar· chandises d'Europe à des prix exhorbitans, et même au poids de l'or, tandis qu'affectant de paraître ne pas se soucier des denrées coloniales, ils forcent par là le malheureux habitant à donner sa récolte à un vil prix, après lui avoir extorqué quinze à vingt livres pesant par cent sur son café, son sucre, son coton, son indigo; ils le tiennent dans un état d'asservissement qui l'empêche de se libérer entièrement, et lui ôtent le courage et les moyens non-seulement de défricher de nouveaux terreins, mais même de se procurer toutes les ressources et toutes les jouissances que cette île fournit; ce qui désespère l'habitant et le force ou à fuir son pays natal, ou à y végéter dans une oi sive et coupable indifférence.

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En effet, n'est-il pas odieux que pour se discul

du reproche de la plus illégale usure, on vous dise que l'incertitude des spéculations commerciales, les banqueroutes, les naufrages, les avaries, le fret, le coulage, les non-valeurs, les longs crédits, ne permettent pas au commerce de borner ses bénéfices au taux de l'intérêt que la loi auto

rise? Et l'habitant qui ne doit rien, qui paye comptant, qui peut attendre que la concurrence des acheteurs lui permette d'exiger un prix raisonnable de sa récolte, déplaît au commerce; car messieurs les négocians vous diront que le bénéfice sur la denrée qu'ils exportent des colonies, couvrant à peine les frais d'armemens, ils ne se retrouvent que sur celui qu'ils ne font pas toujours (disentils encore) sur les marchandises qu'ils y portent; et en attendant, tel qui portait la balle il y a trente ans, a fait bâtir un palais et marié sa fille à un grand seigneur.

Quand on songe que le négociant vend souvent des toiles pourries, des vins falsifiés, des provisions gâtées à un prix extravagant; des nègres jusqu'à 2800 liv. et même 3000 liv., que l'on avait il y a cent ans à cent écus, tandis que l'Anglais les vend en interlope de 12 à 1400 liv.; je demande quels doivent être les bénéfices du commerce français ?

En 1700, le prix d'un nègre était de 600 liv.; celui d'une négresse, de 450 liv., et du café à 6 s. Aujourd'hui, le plus haut prix momentané du café est à 20 s. (argent des îles, ce qui fait environ 15 s. tournois), tandis qu'il vaut 25 s. et plus en France; et celui d'un nègre, de 2400 liv. à mille écus. Ainsi, pendant que le cultivateur a tout au plus triplé son prix, le commerçant qui, pour suivre la proportion et maintenir la balance, devait également tripler le sien, l'a au moins quintu

plé, et se permet par conséquent l'usurpation d'un cinquième et plus. Comme il n'est pas inoui qu'un négociant, favorisé par la fortune, soit parvenu à gagner quelques millions, sans éprouver aucun des accidens ci-dessus, et même, indépendamment des pertes qu'il a pu faire, je demande s'il n'est pas tenu de rembourser à chacun des acheteurs le surfait judaïque qu'il a ajouté au prix légal de sa marchandise; et si quelqu'un a jamais eu connaissance d'un pareil trait de probité, je le somme d'en nommer l'auteur.

13o. S'il était permis de manufacturer à SaintDomingue, 1°. une partie de son coton avec le coton soyé de Siam, produit par un arbre qui croît naturellement dans cette île; 2°. les autres productions qu'elle fournit, et qui se perdent faute d'encouragement, cette nouvelle branche d'industrie ajouterait un nouveau lustre à cette colonie, tout en augmentant le bénéfice du trésor de la mère-patrie.

14°. Que le gouvernement abolisse les corvées, une des principales causes de la perte de SaintDomingue.

Cet usage destructeur du gouvernement féodal tomba par degrés, à mésure que Fautorité des rois, sous l'appât de l'affranchissement des peuples, vint à sapper l'indépendance et la tyrannic de ces nobles qui servaient l'Etat, non de leur bourse, mais de leurs personnes, de celles de leurs

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