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serviteurs et de leurs vassaux, dont une partie, qu'ils s'étaient approprié par la conquête, leur payait des redevances soit en denrées, soit en travaux. Cet affreux systême, dis-je, est pernicieux aux colonies, puisque la culture des terres, par la raison du climat et la nature des productions, exigeant plus de célérité, ne peut que souffrir extrêmement de l'absence de ses agens, qu'on occupe loin de leurs atteliers à des ouvrages publics, souvent inutiles et toujours faits pour des bras oisifs. Il était accompagné d'autres restrictions qui répugnaient à la raison, à la politique, et qui furent une des causes de la ruine de cette brillante colonie.

Car si les corvées étaient préjudiciables aux propriétaires de toute description, elles étaient insupportables et injustes pour les hommes de couleur et les nègres libres, qu'on obligeait à servir trois ans dans la maréchaussée, et, à l'expiration de ce terme, à travailler sur les grands chemins.

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Les routes royales, les desséchemens de marais, le curement des ports, etc. doivent être faits et entretenus par les chaînes du gouvernement. Les routes de traverse et de communication d'habitation en habitation, ainsi que les canaux et la propriété d'eau, doivent être entretenus par les propriétaires riverains et adjacens, et par tous ceux qui sont obligés de se servir de ces routes pour

exploiter et desservir leurs habitations, et de ces canaux qui fournissent à chacun d'eux l'eau dont 'il a besoin.

15°. Que les colonies, qui payent toutes les dépenses de gouvernement que la métropole fait pour elle, ne soient pas assujetties à ne cultiver que pour la métropole et comme il lui convient. Cet assujettissement est le plus onéreux des tribus ; il devrait tenir lieu de tous les impôts, parce qu'en Europe la subsistance et la consommation intérieures sont le but principal du travail des terres et des manufactures, et qu'on ne destine à l'exportation le superflu; tandis que dans les îles tout doit. être envoyé au-dehors, la vie et les richesses y étant précaires.

que

Qu'en Europe, la guerre ne prive le manufacturier et le cultivateur que du commerce extérieur, la ressource de l'intérieur leur reste; au lieu que dans les colonies, les hostilités anéantissent tout: il n'y a plus de ventes, plus d'achats, plus de circulation. Le colon ne retire pas ses frais; il court de plus le risque de voir ses nègres s'insurger, dévaster ses propriétés et attenter à ses jours.

Qu'en Europe, l'habitant peu aisé cultive son petit terrein à proportion aussi utilement que celui qui est riche et qui a de grands domaines, tandis que dans les îles, l'exploitation de la moindre habitation exige des dépenses immense; que les dettes d'Europe sont en général des dettes de particulier à particulier, que l'Etat ne souffre pas de ces dettes

intérieures, tandis que celles des colonies sont occasionnées par les frais considérables de l'exploitation, par le prix excessif des marchandises, par le peu de valeur des denrées coloniales, par la guerre, par les pertes sans nombre qui résultent du chapitre incalculable des événemens, qui font regarder certains habitans plutôt comme les fermiers du commerce, que comme les propriétaires des habitations; par la capitation sur chaque tête de noir, enfant, infirme, vieillard, qui sont plus à charge qu'utiles; par la capitation sur les nègres morts après que le recensement a été fait; par la capitation triple imposée sur les habitans absens de la colonie, après avoir consacré les trois quarts de leur vie sous un ciel brûlant pour accroître par des travaux hasardeux la prospérité publique; par la pratique insensée de confisquer les nègres nondéclarés, puisque le cultivateur noir étant un capital, sa confiscation diminue la culture et anéantit l'objet même pour lequel le droit est établi; par la nécessité de vendre qui oblige le colon et le négociant à perdre habituellement, l'un sur ses denrées, l'autre sur ses marchandises, pour payer au fisc le retour de l'impôt de la capitation des noirs et des mulâtres, dont la charge retombe définitivement sur le cultivateur des îles, qu'il soit perçu dans la première, dans la seconde ou dans la centième main; enfin par la prohibition malentendue où l'on tient le commerce des colonies, et par l'attaque continuelle qu'on fait à la cultiva

tion des îles par des impôts, au lieu de l'encourager par des libéralités dont la métropole retirerait tous les bénéfices.

Pour remédier à tous ces maux, que le gouver, nement réduise tous les impôts à un seul; il y aura moins d'embarras, moins de lenteurs, moins de frais, et par conséquent la marchandise pourra être donnée à meilleur marché.

Que le Gouvernement ordonne que les richesses des colonies ne paient tribut à la métropole qu'en y débarquant, et que les armateurs ou les consignataires répondent de leurs cargaisons jusqu'à leur arrivée en France. Le colon, dégagé de toutes les entraves et de la multiplicité des frais de son île, se croira libre et privilégié, lors même que, par la diminution de ses denrées, ou par le surcroît du prix qu'il mettra à celles d'Europe, il aura réellement porté par contre-coup tout le poids de l'impôt qu'il ignore.

Bien entendu que tout bâtiment français ou étranger qui ne sera pas destiné pour un des ports de France, paiera la totalité des droits de sortie avant de quitter la colonie.

Toutes les productions des îles étaient assujéties, en entrant dans le royaume, à un droit connu sous le nom de domaine d'occident, et qui était fixé à trois et demie pour cent, avec deux sols par livres. Leur valeur, qui servait de règle au paiement du droit, était déterminé dans le mais

de janvier et de juïllet; on la fixait à vingt ou à vingt-cinq pour cent au-dessous du cours réel. Le bureau d'occident accordait une tarre plus considérable que ne fesait le vendeur dans le commerce. Que le Gouvernement ajoute à cet impôt celui du même rapport, à peu près, que les denrées payaient aux Douanes des Colonies, ceux qu'on payait dans l'intérieur de ces îles, le Gouvernement se trouvera avoir à peu de chose près, tout le revenu qu'il tirait de ses établissemens du Nouveau-Monde.

Que la caisse destinée à recevoir les droits établis sur les productions des colonies, soit entiè rement séparée des Fermes du royaume; que l'argent y reste toujours comme en dépôt, pour couvrir les dépenses de ces établissemens. Le Gouverment, par ce moyen, connaîtra plus exactement la situation des affaires publiques dans les pays éloignés; il y recouvrira le crédit qu'il a tout à fait perdu depuis long-tems, quelque besoin qu'il en ait, surtout dans un tems de guerre, parce que le colon qui a continuellement des fonds à faire passer en Europe, les donnera volontiers pour des lettres-de-change, et que le négociant n'hésitera pas à faire au Gouvernement les avances dont il aura besoin, lorsqu'ils seront assurés tous les deux que les traites ne souffriront ni délais ni difficultés.

Si l'on croyait que ce mode de payement pour

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