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Cet envoi ne doit avoir lieu qu'après avoir été mûrement pesé, et sous la responsabilité person

nelle du vice-roi.

17°. Que le gouvernement abolisse l'égalité des partages d'une seule habitation, entre plusieurs enfans ou co-héritiers.

Ce partage, qui semble dicté par la nature et qui était nécessaire dans la formation des colonies, fixer des hommes qui, pour la plupart, pour y n'avaient quitté leur patrie que pour chercher à se former une propriété, ayant réduit les héritages par une suite de population, de successions et de partages sous-divisés, à la juste mesure que démandent les facilités de la culture, feraient rentrer une division ultérieure de terreins dans leur premier néant; parce qu'en Amérique la nature des denrées, qui sont d'un grand prix, l'incertitude des récoltes peu variées dans leur espèce, la quantité d'esclaves, de bestiaux, d'ustenciles nécessaires pour une habitation, supposent des richesses considérables qu'on n'a pas dans les colonies, et qui se réduiront à rien, si le partage des successions continue à morceler, et à diviser de plus en plus les terres.

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En effet, si trois enfans se partagent également une succession de trente mille livres de rente, ils seront tous ruinés, parce que celui qui aura les établissemens aura moins de terres et moins de nègres; les deux autres seront également ruinés, parce qu'ils ne pourront pas exploiter leurs

portions sans faire bâtir, et sans transgresser sur le terrein les uns des autres. Si, par suite de ce partage, les nègres des co- partageans venaient à perdre leurs places à vivres, leurs maisons et leurs petites commodités, ils ne manqueraient pas de voler des vivres, des bois pour se construire de nouvelles chaumières, des poules et d'autres objets semblables, aux dépens des héritiers ce qui mettrait bientôt la désunion parmi eux Et si, pour surcroît de malheur, l'héritage avait des dettes, que deviendrait-il par le partage?

Il me semble qu'il serait plus avantageux pour l'état et pour le particulier, qu'un,des enfans eût la totalité de l'habitation, après qu'on aurait fait l'inventaire des dettes, de la terre, des bâtimens, des meubles et des immeubles. Co à qui l'habitation devrait rester, paierait paierait aux créanciers, à chaque récolte, le quart des revenus jusqu'au parfait paiement, avec l'intérêt que la loi accorde; il ne garderait pour lui qu'un huitième des revenus, il abandonnerait le reste aux deux autres co héritiers, et leur paierait les intérêts de leur proportion dans le capital, jusqu'au parfait paiement. Parce moyen, on pourra forcer les habitations à se libérer des dettes dont elles sont obérées.

Ceux qui seraient dépouillés et sacrifiés en quelque façon à la fortune publique, trouveraient des dédommagemens convenables dans la sagesse

paternelle du gouvernement, qui leur accorderait de nouveaux terreins où ils employeraient leur industrie à augmenter les richesses de l'état.

Des hommes habitués au climat, familiarisés avec la culture de ce pays, encouragés par l'exemple, par les secours et par les conseils de leur famille; aidés enfin par les esclaves, les instrumens aratoires que l'état leur aurait fournis, seront plus propres que des vagabonds ramassés dans la boue de l'Europe, à augmenter l'opulence et la prospérité d'une colonie. Quand la population deviendra trop forte, le gouvernement, alors, pourra encourager le superflu d'une riche colonie, à fournir le nécessaire à une peuplade naissante.

18°. Que le gouvernement supprime la contrainte personnelle, ainsi que la saisie-réelle de la terre et du mobilier!

L'idée qu'on s'était formée jusqu'à ce jour, que les Antilles ne pouvaient être cultivées que par des nègres à la houe, et non par de blancs avec des charrues, jointe à l'intérêt direct que le commerce avait à propager une erreur de cette nature, et à ne point favoriser ceux qui desiraient essayer le second expédient, força l'habitant des îles qui avait peu, ou point de capitaux pour commencer les premiers établissemens, à recourir au commerce, pour avoir des nègres, des instrumens aratoires, et tout ce qui lui était nécessaire.

Ces secours onéreux accordés et acceptés avec trop de facilité; la mortalité effrayante des nègres

malsains, que le commerce vendait sans honte ; les marchés qu'il faisait avec l'habitant, payables à trois mois de vue, au lieu de l'être trois mois après la récolte; la mortalité naturelle ou forcée des nègres, des animaux; les pertes occasionnées par les sécheresses, par les débordemens, par les insectes, par le feu et par les secousses convulsives de la nature, ont donné naissance à cette quantité de dettes qui se sont multipliées à mesure que les défrichemens se sont étendus. Dettes que quelques habitans ont encore augmentés par le peu de soins que certains d'eux prenaient des nègres nouveaux qui demandent à être assujettis à un régime tout particulier, jusqu'à ce qu'ils soyent parfaitement acclimates.

L'égalité des partages entre differens co-héritiers, a formé des créanciers dans le sein des colonies, indépendamment de ceux du déhors. A mesure qu'elles s'enrichissaient, les créances augmentaient en raison de la multiplicité des parta

ges, de sorte que la surabondance de la population est restée dans l'oisiveté, créancière des héritages qu'elle n'occupait pas, ce qui la rendit inutile et même onéreuse à la culture.

Une politique mal ́entendue voulut forcer les colons à ne dépenser qu'une partie de leurs revenus, pour consacrer le reste à l'acquit de leurs engagemens. Les commerçans ne considérèrent pas qu'il n'y avait rien de moins raisonnable que d'établir ce système de privations dans les colonies.

Ils oublièrent que le crédit était incontestablement la base de leurs liaisons utiles avec les colonies et que la restitution totale de leurs fonds, leur oterait tous les bénéfices qu'ils pouvaient en retirer.

Si l'on forçait la libération, elle serait prompte, mais aux dépens de la culture. Car, enfin, les habitans riches qui pourraient faire cette économie, sont ceux précisément qui ne doivent rien; ceux d'une fortune médiocre, se voyant bornés aux objets peu chers d'une nécessité absolue, seraient réduits à faire peu de denrées, ou à les donner pour rien, ce qui anéantirait les échanges, puisque les négocians ne vendraient que ce qu'il faut pour le besoin ou pour le luxe des habitations formées. Le colon riche enverrait lui-même ses produits en Europe, il tirerait ses consommations d'Europe; ses correspondans n'auraient plus que la simple commission, et la colonie deviendrait commercante.

Si la métropole exigeait des espèces pour le défaut de la vente de ses marchandises, tout l'or qu'on tire d'une partie du Nouveau-Monde refluerait alors dans l'autre, et au bout de dix ans d'un commerce semblable, les îles offriraient à l'Angleterre un dédommagement sûr de la guerre qu'elle pourrait entreprendre pour envahir les possessions lointaines de la France.

C'est à tort que les commerçans se plaignent depuis quarante ans, que les retards qu'ils éprou

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