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blanche par des récompenses ou des exemptions qu'il envoye à cet effet des filles

pauvres, modestes et laborieuses, et non pas des femmes sans vertu, sans honneur. Que chaque propriétaire ou individu blanc soit tenu de se marier, ou au moins d'avoir pour compagne une femme de sa couleur, sous peine de payer double imposition, et d'être exclu de tous les emplois; s'il persistait à vivre avec une négresse ou une mulâtresse; que sa propriété soit confisquée au profit de l'Etat ou de sa famille, si elle n'a point déméritée; et si par suite de son concubinage il venait à avoir des mulâtres, qu'il soit condamné aux travaux publics pendant trois ans, et banni hors de la colonie.

23o Comme les colons ont eu autrefois à leur disposition, pour défricher et cultiver leurs terres, des hommes qui avaient mérité la mort pour des crimes, mais que, par un esprit de politique humaine et raisonnée, on faisait vivre et travailler pour le bien de la nation, qui avait eu ensuite la consolation de les voir abjurer leurs erreurs, devenir cultivateurs, chefs de famille et citoyens paisibles, le gouvernement pourrait alors envoyer les criminels du royaume, après qu'ils auraient subi un an d'emprisonnement; ils serviraient, ainsi que les filles publiques, à former ces établissemens éloignés qui se trouvent dans les montagnes les plus élevées. Tous les déportés qui se marieraient avec ces filles de joie, ou qui s'arrangeraient avec elles pour

demeurer ensemble, recevraient la liberté, vingt carreaux de terre, une truie ou une chèvre pleine, des instrumens aratoires, des grains, des provisions et des habillemens pour la première année; les célibataires qui n'auraient point de compagnes continueraient leur esclavage pendant un certain nombre d'années, à l'expiration desquelles ils ne recevraient en propriété que dix carreaux de terre chaque, avec deux poules et un coq, ou trois canards femelles et mâle, ou deux paires de pigeons, ou un dindon et une dinde, ou enfin deux oies, male et femelle, avec les instrumens aratoires, les grains, les provisions et des habillemens pour la première année; que le gouvernement prenne sur lui de faire les avances nécessaires aux défrichemens, une partie de récoltes, des colons passera alors pour se libérer avec lui; et que chaque année, par forme de récompense, il donne aux trans· portés attachés à la glèbe des plants d'arbres fruitiers d'Europe, des Indes ou de la colonie.

Il est à propos d'avertir les nouveaux établissans de s'abstenir de coucher dans les six premiers mois dans les lieux qu'ils auront défrichés, parce que les exhalaisons d'une terre nouvellement dépouillée de ses bois sont pernicieuses à la santé; il faut qu'ils fixent leurs tentes ou leurs huttes provisoires autant que possible au vent, pour ne pas être infectés par les vapeurs d'une plantation neuve, et à trois ou quatre cents pas de la lisière

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de leurs défrichemens, et dans les bois. Ils doivent avoir l'attention de ne pas couper un seul arbre autour de leurs logemens. Le séjour des bois est sain, il offre une fraîcheur salutaire pendant la plus grande chaleur du jour, et empêche cette surabondance de transpiration qui fait périr la plupart des Européens par la sécheresse et l'acrimonie d'un sang inflammable et dépouillé de son fluide. Il convient aussi qu'ils aient du feu pendant la nuit dans leur cases, pour diviser le mauvais air qui pourrait s'y être introduit; et soit qu'ils défrichent les terres ou qu'ils les ensemencent, ils ne doivent commencer à travailler, jusqu'à ce que le sol soit bien purgé et bien consolidé, qu'à dix heures du matin, c'est-à-dire après que le soleil aura divisé les vapeurs, et que le vent les aura chassées. Après un certain laps de tems, ils pourront travailler à toutes les heures du jour, sans avoir rien à craindre pour leur santé.

24°. Que le Gouvernement établisse des maisons d'éducation où tous les individus blancs y seront instruits, les uns gratis, et les autres aux frais de leurs familles et du Gouvernement; ces dépenses seront payées par la colonie, car il est ridicule de voir les jeunes colons aller recevoir en France une éducation diamétralement opposée au genre de vie qu'ils doivent mener à Saint-Domingue, et n'apporter à leur retour que l'esprit de débauche, de luxe, de fatuité et de dissipation qu'ils ont

puisé dans les grandes villes où ils ont passé les premières années de leur enfance, et qui leur fait concevoir une aversion insurmontable pour les travaux de l'agriculture et le genre de vie paisible et simple que l'on mène dans ce pays. Cette émigration impolitique est sans contredit la plus forte cause de l'augmentation des dettes coloniales; c'est au Gouvernement à donner l'exemple aux habitans pour les engager à former une bibliothèque de tous les livres économiques, en quelque langue qu'ils aient été écrits; à procurer aux personnes valides des deux sexes une occupation convenable à leur caractère; à récompenser tout homme qui aura introduit dans la colonie un art nouveau ou qui aura perfectionné un art déjà connu; à donner une pension à tout journalier qui, après quarante ans d'un travail assidu et d'une réputation saine, n'aura pu amasser des fonds suffisans pour passer ses derniers jours sans inquiétude; à dédommager enfin tout habitant ou tout individu que le ministère ou le magistrat aura opprimé.

25°. Toutes les fois qu'il a été question du châtiment que la métropole devait infliger aux rebelles de Saint-Domingue, les opinions se sont partagées en raison du ressentiment, de l'intérêt et de la cupidité des individus. Ceux qui avaient à pleurer la mort d'un parent, d'une épouse ou d'une maîtresse chérie désiraient venger leur mort sur tout ce qui était homme; ceux qui avaient reçu des

services de ces mêmes individus, ou qui avaient des propriétés, proposaient de faire un choix pour le nombre des victimes; et ceux enfin qui spéculaient sur le trafic de ces misérables, soutenaient que la colonie ne serait jamais tranquille, si on ne les détruisait pas tous jusqu'au dernier.

Les crimes atroces et réfléchis de ces monstres in humains nécessitent certainement un exemple, pour ôter désormais à leurs confrères d'Afrique l'envie de se porter à des excès aussi révoltans, que ni la servitude ni les mauvais traitemens qu'ils peuvent avoir éprouvés dans certains cas, ne sauraient justifier. Comme ils considèrent maintenant cette colonie comme une propriété que le sort de guerre a mis en leur pouvoir, le Gouvernement ne saurait prendre trop de précautions pour s'en emparer et pour s'y maintenir, parce qu'il ne peut plus désormais se fier à leurs promesses ni à leur

la

soumission.

Tous les chefs, jusqu'au grade de caporal, doivent disparaître de St.-Domingue.

Ceux des rebelles armés qui sé soumettront sans coup férir à l'arrivée ou au passage de l'armée française, et qui aideront à réduire les autres, doivent avoir la vie sauve et être considérés en outre comme troupe disponible aux ordres du Gouvernement, qui les emploiera comme bon lui semblera, et même hors de la colonie s'il le juge nécessaire; cela doit se faire avec beaucoup de pré

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