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homme au service de l'état, et non pas un mercenaire aux gages d'un prince.

Ce n'est pas le climat de Saint-Domingue, mais bien ce mode d'embarquement et de traitement qui fait germer dans le sang de ces malheureux, après quinze jours de traversée, les maladies qu'ils apportent dans cette colonie, et que le séjour pestiféré des bâtimens, la nourriture mal saine et la chaleur d'un soleil presque perpendiculaire, ont entretenu dans une fermentation continuelle durant une traversée de deux mois et quelques jours et qui se développent ensuite d'une manière si terrible par rapport aux fatigues et aux privations sans nombre qu'ils éprouvent dans leurs marches contre les insurgés, et surtout par l'odeur pestilentielle des corps morts, des hommes, des chevaux, des mulets et autres animaux qu'on néglige toujours d'enterrer.

Je dirai plus, je soutiens que les maladies chroniques qui enlèvent les soldats à leur arrivée à St.Domingue, ou quelques tems après leur débarquement, ne sont pas locales à ce pays, elles ne sont que les suites naturelles de l'inconduite passée des individus, les restes des maladies qu'ils ont contractées en Europe, et dont ils ne sont pas radicalement guéris à l'époque de leur embarquement, lesquels restes s'aggravent par une traversée longue, gênante, mal choisie, par une chaleur excessive, par une inactivité qui tient de l'apathie

qui engourdit leurs sens, qui empêche les fonctions de l'estomac; par un air fétide, par une eau corrompue, par des vivres salés qui corrompent la masse du sang, et finalement par la malpropreté journalière dans laquelle ils se trouvent, et dans laquelle malheureusement on les laisse en général trop souvent.

Pour obvier à ces maux, il convient que les troupes soient logées dans des bâtimens préparés exprès pour les recevoir.

Les bâtimens destinés à transporter les troupes à Saint-Domingue, doivent être distribués de la manière suivante. Le fond de la calle, depuis le panneau de l'arrière, jusqu'au panneau de l'avant doit contenir des briques, des pierres, ou les objets pesans du gouvernement, tels que canons, obusiers, mortiers, chaînes, boulets, bombes, fer de toute espèce, plonib, cuivre, ancres, etc. arimés de manière à former un niveau franc, recouvert de menu bois, au-dessus duquel on mettra des petits barreaux en travers, à trois pieds de distance les uns des autres, les bouts portant et assujettis sur les vrégués de chaque côté.

On établira sur ces barreaux, un tillac en planches, clouées et calfeutrées; la hauteur de ce tillac aux planches de l'entrepont, doit être de six pieds, ce tillac doit se terminer dans la partie de l'avant à la perpendiculaire de l'iroire de l'arrière du neau de cette partie, et à la perpendiculaire de l'iroire de l'avant du panneau de l'arrière.

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Aux deux extrémités du tillac, on établira des montans debouts, qui seront cloués un bout sur le tillac, et l'autre sur les iroires et les barreaux du navire dans sa largeur. On formera sur ces montans, à partir du tillac, une cloison en planches jointes jusqu'à 4 pieds 6 pouces de hauteur, au-dessus desquelles on fixera des traverses à clairvoyes pour laisser circuler l'air et empêcher les soldats de passer dans les extrémités du navire. Dans l'intérieur et autour de cette séparation, dans la longueur du bâtiment, on peut établir des planches de 10 pouces de large, fixés sur le vrégage avec des vertivelles ; ces planches seront soutenues de distance en distance, par des pitons de fer portant sur le tillac, ce qui servira de banc pendant le jour, et qu'on reploiera pour la nuit.

La troupe sera logée dans cette enceinte, elle couchera sur la toile fourure, sur les matelas et sur les couvertures du gouvernement, qu'elle portera tous les matins sur le pont, pour les aërer. Une demi-heure après, une escouade, de ces mêmes soldats, descendra dans leur logement, le nétoiera et le parfumera. Le soir, un quart d'heure après que la chambre aura été parfumée, les soldats y rapporteront leurs lits; à l'entrée de la nuit, on mettra un sceau de chaque côté de l'archipompe, pour recevoir leur urine pendant la nuit, on les ôtera à la pointe du jour, et l'on punira sévèrement ceux qui urineront la nuit ou le jour sur le tillac. On placera un escalier large et commode au

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grand panneau, pour que les soldats descendent dans leur quartier. Leurs armes, leurs gibernes, leurs sakos, seront fixés au-dessus des bancs, et tout autour de leur logement, où ils mangeront. Les officiers inspecteront tous les jours sur le pont matin et soir, leurs soldats et leur cazerne, après qu'elle aura été parfumée.

Au moment de l'embarquement, il conviendrait de donner aux soldats, un gilet et un pentalon de drap brun ou bleu, à la matelote, afin de ménager leurs habillemens militaires, qui se gâtent par le gaudron, qui s'usent par le frottement contre les diverses parties du navire, et qui les gênent pour monter, descendre et agir sur le pont, durant les

manoeuvres.

Le capitaine fera placer les vivres dans les extrémités qui se trouvent en avant et en arrière des cloisons de séparation; son équipage, les musiciens, sergens et les coucheront dans l'en

les

caporaux

trepont s'il y a place, mais séparés des marins. Le capitaine, ses officiers, les officiers de troupes et les passagers, occuperont les logemens de chambre. Aussitôt que l'armée sera appareillée, on établira des ventouses en toile, pour renouveller l'air de la calle et on les laissera nuit et jour, si le tems le permet.

Tous les vivres, boissons ou liqueurs quelconques du gouvernement, doivent être embarquées dans des bâtimens où il n'y a point de soldats pour éviter les dilapidations et les désordres. Les

poudres seront embarquées sur des bâtimens bons voiliers, ne faisant pas d'eau et n'ayant point de troupes à bord.

Les bâtimens de guerre, dont les équipages sont déjà assez nombreux pour occuper toutes les places à coucher, ne doivent point porter de troupes.

J'estime qu'un navire de trois à quatre cents tonneaux pourra porter commodément dans sa cale, distribuée comme ci-dessus, de 150 à 200 soldats, non compris les officiers et sous officiers qui sont logés au-dessus d'eux; par conséquent 200 bâtimens de 400 tonneaux chaque, porteront 40,000 hommes qui ne seront pas abimés par la traversées Chaque bâtiment doit avoir un bon chirurgien et non pas un frater.

La vie d'un blanc dans ces climats destructeurs étant très précieuse, il serait à souhaiter que le gouvernement défendit sous les peines les plus sévères, de mettre aucun animal vivant dans la calle et dans l'entrepont; ils doivent être parqués sur le pont ou sur les gaillards. Il serait à propos d'autoriser les chirurgiens de chaque bâtiment, à embarquer des pierres à filtrer pour les matelots et pour les soldats; à prendre à bord, de la marmelade de carottes, de l'oseille, du celeri et d'autres légumes confits, pour en faire tous les jours, ou au moins trois fois par semaine, une petite soupe maigre qu'on donnerait par supplément à l'équipage et à la troupe. Quant aux lègumes qu'on distribue pour leur

repas, le

gou

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