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s'en présente, et de négresse qui n'achève les blessés.

Hommes, femmes, enfans, vieillards, portant des vivres, du bois, du fourage, tout, jusqu'aux domestiques, leur servent d'espions; souvent ils emploient entre eux un jargon inconnu aux Européens, ou quelques signes qui les mettent au fait de ce qu'ils désirent savoir.

Lorsqu'ils apportent du sirop, du tafia, des cannes à sucre et des fruits percés, les soldats doivent les leur faire goûter, et les contraindre à avaler ce qui peut paraître suspect, afin de n'être point empoisonné eux mêmes, parce qu'ils mettent du mancenilier ou autre bois dangereux dans les comestibles qu'ils apportent, pour se débarrasser des blancs. Comme les crabes sont sujettes à manger de ces bois, il faut les renfermer dans un baril, les y nourrir pendant dix jours avec du bois patate pour les purger de leur venin, après quoi on peut les manger.

Lorsque les nègres et les négresses entrent en ville ou en sortent, les soldats doivent visiter scrupuleusement leurs charges pour les empêcher d'ap porter des articles prohihés et d'emporter des munitions; ils ne doivent avoir aucune liaison, ni relation quelconque avec les rebelles, les officiers ne sauraient trop y tenir la main.

150. Les sorties en général, doivent être combinées et exécutées sur-le champ, et suivant la distance des lieux, elles doivent se faire depui

dix heures du soir jusqu'à deux heures du matin, pour cacher la marche des troupes et prendre des positions favorables; parce que les nègres redoutent trop les affaires nocturnes pour s'y exposer: Ils veillent dans leurs camps jusqu'à une heure du matin; ils s'endorment ensuite avec confiance, et se levent généralement à trois heures pour cuire leurs vivres ou attaquer un poste.

Cependant s'il doit y avoir clair de lune, les nègres marchent quelquefois une heure avant son lever, pour tâcher de surprendre la place qu'ils veulent attaquer à l'apparition de cet astre. Quelquefois par un tems couvert et pluvieux, ils viennent tenter un coup de main, d'autres fois ils ap portent des vivres dans un poste pour l'examiner, et le dimanche d'après, étant rassemblés en force dans les environs du poste, ; ils foncent dessus avec une intrépidité sans égale, tandis que les autres amusent les soldats par leurs contes, ou en faisant différens lots de leurs légumes.

16°. Les chefs doivent bien se pénétrer de cette vérité, que les négres en voyant dans le jour tous nos mouvemens, ils dressent leurs embuscades bien plus sûrement, et que d'ailleurs le soleil depuis dix heures du matin jusqu'à cinq heures du soir, est pernicieux aux Européens nouvellement débarqués.

170. La premiére attaque des nègres est terrible, parce qu'ils foncent sans réflexion et en faisant des hurlemens affreux. Un quart d'heure de bonne

contenance suffit pour les ébranler, et leur déroute suit de près leur étonnement. Ils ne tiennent pas à une surprise, et ils ignorent l'art de se rallier et de faire une retraite honorable.

18°. Que l'armée, autant que faire se peut, ne séjourne ni dans les villes, ni dans les plaines; qu'elle campe dans les mornes, sous des tentes, pour n'être pas exposée dans les premiers mois, à un serein humide, froid, et par conséquent pernicieux aprés la forte chaleur du soleil. L'ouverture des tentes doit faire face à la mer, pour que les soldats ne reçoivent et ne respirent pas les exhalaisons de l'intérieur du pays, qui se trouvera empesté par l'odeur des corps morts des hommes, des chevaux, des mulets et autres animaux qu'on néglige toujours d'enterrer. En tems de paix, il conviendrait de faire camper les troupes dans les hauteurs qui avoisinent les villes.

Lorsque l'armée se mettra en route, qu'elle se forme en colonnes mobiles de 1,500 hommes chaque, pour lors en chassant les brigands du nord vers le sud, elle formera une chaîne qui occupera la plaine, le bas et le milieu, les sommets et le revers des mornes. En leur interceptant tous les chemins, elle ne leur laissera aucun salut dans la fuite, ni l'espoir d'échapper à la vengeance du gouvernement français.

19. avant de les attaquer, il serait je crois à propos, que chaque division fut pourvue de quel ques exemplaires d'une proclamation générale,

qu'on leur ferait parvenir, portant: « Amnistie » pour les individus qui rentreront dans l'ordre sur-le-champ. et des médailles pour ceux qui se distingueront par leur bonne conduite, leur » zèle et leur fidélité. >>

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20o. L'armée étant en campagne, la terreur doit être à l'ordre du jour, le soldat doit exterminer sans pitié ceux qui rejetteront l'amnistie. La douceur dans ce cas, serait faiblesse aux yeux de ces barbares, et elle deviendrait encore une fois fatale aux blancs.

Description, produits et ressources de Saint-
Domingue.

Saint-Domingue, après l'île de Cube, est la plus grande des Antilles. Elle fut découverte par Christophe Colomb, en 1492, elle est aussi la plus fertile, la plus populeuse et la plus riche des colonies d'occident. Ses rivages abondent en poissons délicieux, en huitres excellentes en coquillages rares, en corail et autres productions maritimes, en écrevisses, en homars, en crabes, en tortues de plusieurs espèces, et en mines diverses.

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Le premier objet des avanturiers espagnols, lors de la découverte de cette île, fut de chercher jusques dans les entrailles de la terre l'or et l'argent qui pouvaient s'y trouver. Leur cupidité s'en

flamma à la vue de ce métal précieux, elle ne connu plus de bornes, et 1,500,000 natifs paisibles et inoffensifs, expirèrent sous les coups de leurs vainqueurs. Quand les mines commencèrent à s'épuiser, les plus industrieux, parmi les conquérans, se livrèrent à la culture du cacao, du gingembre et du sucre, mais la majeure partie de ces avanturiers, à la découverte des nouvelles mines du Mexique, abandonnèrent à leurs bestiaux le sel de Saint-Domingue, qu'ils avaient dépeuplé de ses légitimes propriétaires. C'est ainsi que la tyrannie de l'homme convertit les habitations fertiles de ses semblables, en un désert. Les crimes de cette nature reçoivent tôt ou tard le châtiment qu'ils méritent; les Espagnols en firent l'expérience.

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Leur départ d'une île qui n'avait pu satisfaire leur soif pour l'or et l'argent, fournit l'occasion à une bande d'avanturiers déterminés, d'aller s'y établir. Cette association d'hommes de tous les pays était en général des habitans français et anglais, qui furent par la suite si bien connus sous le nom de boucanniers. Forcés par les Espagnols à quitter les propriétés qu'ils possédaient dans l'île de Saint-Christophe, ils vinrent en 1630, dans des canots avec leurs femmes et leurs enfans, se réfugier à la Tortue, qui n'était point alors occupée. Cette petite île est située à deux lieues au nord de Saint-Domingue ; vingt-cinq espagnols, qui la gardaient, se retirèrent à la première sommation.

Les avanturiers des deux nations ne furent pas

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