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exhalent un air brûlant, corrosif et fébrile dans les endroits qui avoisinent les marais, et dans les lieux surtout où la côte, retrécie par le dos des montagnes, reçoit des flots et des rochers, une double réverbération du soleil.

Les mornes qui couronnent ces plaines sont en général fort peu élevés, et n'ont rien qui repoussent l'habitant; la nature, au contraire, s'est plu à renfermer ses trésors dans leur sein, à les ceindre d'une verdure éternelle, tendre, émaillée et parfumée, et à couronner leurs sommets de sapins, d'acajou, de gayac, d'ébéniers et de bois satinés jaune et rose. Dans ce climat fortuné, l'amoureuse et tendre sensitive se pâme à l'approche du voyageur; ses pieds foulent de toutes parts les plantes aromatiques et médécinales; après son passage, elles se redressent encore pour lui offrir leurs vertus. Des guirlandes de fleurs suaves richement bigarées, et des groupes de fruits dorés et succulens qui font courber les arbres sous leur poids, charment et tiennent en extase ses sens vaincus par tant de richesses.

Plusieurs de ces montagnes peuvent être cultivées jusqu'à leur cime; elles sont coupées par des intervalles remplies de plantations de caffiers, de cacaoyers et de très-belles indigoteries. Dans ces vallées délicieuses, on savoure à loisir les délices d'un printems éternel. L'année n'a que deux saisons également belles. La terre y réunit continuellement les charmes et les richesses: une fleur n'attend

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pas l'autre, et le fruit qui leur succède porte l'encens et la vie, dans la bouche du voyageur altéré.

De quelque côté qu'on tourne ses 'regards, on est enchanté par la variété des objets colorés d'une lumière pure; ici, c'est une rivière paisible dont les eaux limpides permettent de compter à loisir le sable ou le gravier de son hit, sur lequel de nombreux poissons attendent sans défiance, le filet qui doit les arracher à leur élément et à la vie; là, des troupeaux immenses de bêtes à cornes, de chevaux, de mulets, de moutons, et des volées de pigeons, de canards, de dindes, d'oies, de gibier de terre et de mer, proclament de toutes parts le bonheur de l'existence. L'odorat est agréablement satisfait par le parfum des sucreries, et l'attention de l'observateur s'égare malgré lui au bruit des moulins, des voitures et du mouvement incalculable d'une habitation; le ciel est tempéré pendant le jour par des brises continuelles, et les nuits constamment fraîches préparent un soleil moins brûlant. Les habitans des plaines où cet astre darde ses rayons les plus vifs, vont dans les montagnes respirer un air frais et boire des eaux salubres.

A l'incroyable fertilité de ses terres, SaintDomingue joint encore l'avantage de réunir à ses arbres fruitiers ceux des quatre parties du monde. Ceux à épices y prospèrent à merveille; la cochenille en outre y est naturelle, ainsi que le nopal et la raquette, dont on n'a pu fixer la superbe couleur qui ne le cède en rien à la pourpre des anciens

Son sol est couvert de forêts vieilles comme le tems sous un mauvais gouvernement tout périt, sous un bon gouvernement l'exploitation bien étendue de ces forêts, fournirait tous les bois nécessaires à la construction.

Nous avons le fer, le cuivre; une prime légère nous procurerait des chanvres, qui. quoique courts, sont meilleurs que les chanvres étrangers, puisqu'ils prennent mieux le gaudron. N'avons-nous pas d'ailleurs le pitre, le maho, les cousins, la ventresse de bananiers, etc. qui ont cela de particulier que, mis en corde, ils se resserrent davantage lorsqu'ils sont mouillés, au point d'être obligé de les couper si on fait un nœud, et qui se rompent moins facilement que les cordages des bâti-mens que l'on emploie au même usage.

Les résines, poix, gomme et gaudron y sont communs.... et nous portons notre argent aux nations voisines et lointaines!... Sous un bon gouvernemens on se persuadera facilement qu'il y aurait de l'économie à établir des chantiers dans les forêts même. (Voyez pour la population des noirs, au bas du tableau ci-contre, savoir population du nord, de l'ouest et du sud.)

On comptait avant la révolution 578,340 carreaux de terre en culture dans la partie française de Saint-Domingue. Le carreau a 350 pieds de chaque côté. Le travail d'un nègre y produisait 498 livres par an, tandis qu'il n'en donne que 192 à la Jamaïque. Le produit moyen d'un carreau de

terre était de 3489 livres pesant de sucre brut, et de 2500 pesant de café.

Aperçu d'une sucrerie de cent carreaux.

Cent carreaux de terre représentaient 430,500 toises, distribués comme suit:

En savannes servant d'assiette aux bâtimens, et de paccage aux animaux. Aux nègres, pour la plantation de leurs

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Carreaux.

T

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ΙΟ

4 93

En herbes de guinée pour les animaux.
En cannes à sucre.

3 1/

67

Pour les chemins, les divisions dont la

majeure partie est plantée en patates

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Surface de la sucrerie en total.... 100

Cette terre, qui est supposée du second ordre, coûte à Saint-Domingue 3000 livres coloniales le carreau, ou 2000 livres tournois au change de 33 liv. pour 100, faisant en totalité

200,000 liv.

Sur cette terre, il y avait en bâtimens

et en ustensiles pour.

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,

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100,000 liv. 4,000 50,800

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400,000

6,000

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560,400 liv.

( 79 )

Le produit d'une pareille habitation est de 450,000 p. de sucre qui, à 30 liv. le quintal, font. . . 150 milliers de sirop à 12 liv. le quint.

Total.

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135,000 liv. 18,000

153,000 liv.

A la Jamaïque, une terre de 600,000 toises de surface, cultivée par 250 nègres, ne produisait que 240,000 p. de suere, valant 72,000 livres.

A Saint-Domingue, une terre de 340,500 toises de surface, cultivée par 200 nègres, ne produisait que 450,000 pains de sucre, valant 153,000 liv., étant vendu au même prix que les sucres de la Jamaïque,

A Saint-Domingue, il faut déduire :

1o. La nourriture des nègres, qui se réduisait à peu de choses, parce qu'ils avaient chacun une portion de terre à cultiver, et que l'habitant en outre faisait planter des vivres et des grains pour

eux.

2o. Les frais de l'économe pour régir et guider les noirs.

30. L'imposition,

:‹4o. La réparation des pertes de nègres et de bestiaux opérée par les mortalités, par les débordemens, l'entretien des bâtimens. Toutes ces dépenses montaient à 54,754 liv. qui, déduits de 153,000 liv., laissent 96,246 liv. qui représentent lintérêt du capital à 12. pour 100, et 480 liv. par tête de nègre.

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