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saine philosophie, veut que les changemens nécessités par l'esprit du siècle, s'opèrent sans ébranlement.

Les états généraux du royaume sont convoqués pour délibérer sur les plus graves objets, et les représentans du tiers-état sont appelés en nombre égal à ceux des deux autres ordres réunis.

Cette mesure produit une grande sensation dans toutes les colonies françaises; Duchilleau, gouverneur de Saint-Domingue, s'oppose en vain aux assemblées qui se forment dans les paroisses et les provinces; ces assemblées décident que les colons ont droit d'envoyer des députés aux états-généraux; elles en choisissent dix-huit qui s'embarquent aussitôt; ils arrivent en France peu après que les états-généraux se sont déclarés Assemblée nationale; mais cette assemblée n'en admet que six.

Un grand nombre de mulâtres résidant à Paris, se lient avec quelques hommes d'un esprit supérieur, aux vues philanthropiques desquels on peut reprocher trop d'exagération *. Ils composent une société dite amis des noirs, qui demande à haute voix l'abolition de la traite des nègres et de l'esclavage.

La déclaration des droits de l'homme, rédigée par l'Assemblée nationale, vient prêter un appui aux réclamations de cette société, fortifier les espérances des gens de couleur à Saint-Domingue et inspirer des craintes bien fondées aux colons. - Ceux de la partie du nord de l'île, forment une assemblée provinciale au Cap-Français; leur exemple est suivi dans les provinces de l'Ouest et du Midi. Divisées d'opinions sur plusieurs points importans, ces

où le conseil des Indes prononçait en dernier ressort, sauf quelques cas d'exception. Ce conseil avait la direction générale des affaires civiles, ecclé siastiques, militaires et commerciales, et proposait tous les réglemens qui étaient adoptés à la majorité d'un tiers des membres. — Une cour de commerce était instituée pour connaître des affaires moins importantes.

Le vice-roi de la Nouvelle-Espagne avait la colonie sous sa surveillance; un siège archiepiscopal y était établi, et l'inquisition en vigueur. *MM. Brissot, La Fayette, Grégoire et autres.

assemblées décident néanmoins d'un commun accord, que si le roi ne leur a point envoyé d'instructions avant trois mois, elles gouverneront la colonie.

(8 mars.)-L'Assemblée nationale, pour arrêter les désordres naissans, décrète que les colonies ne sont pas comprises dans la constitution décrétée pour le royaume et ne doivent pas être assujetties à des lois incompatibles avec leurs convenances locales et particulières; l'Assemblée autorise les habitans à lui faire connaître leur vœu sur la constitution qui leur convient.

(16 avril.)—Une assemblée générale de Saint-Domingue a lieu à Saint-Marc; elle est composée des représentans du Cap, du Port-au-Prince, des Cayes et de ceux de plusieurs autres paroisses.

Cependant les assemblées provinciales continuent à exercer les fonctions qu'elle s'étaient attribuées; elles décident qu'à l'avenir, les gens de couleur jouiront des mêmes droits que les blancs.

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(28 mai.) La grande assemblée coloniale public un décret de constitution en 10 articles fondamentaux, dont le premier porte: <<< Pour tout ce qui a rapport à la direction intérieure de la colonie, << l'assemblée de ses représentans . a seule l'autorité législa<< tive. >> On lit dans l'article 6 qu'il appartient à ces représentans de proposer des réglemens relatifs aux rapports commerciaux et autres rapports communs; qu'en conséquence tous les décrets de l'Assemblée nationale rendus en pareille matière, ne seront mis à exécution dans la colonie, qu'après avoir été approuvés par l'assemblée générale.

Les habitans du Cap-Français se révoltent contre l'assemblée générale et en demandent la dissolution à Peynier gouverneur général. Cette dissolution est par lui ordonnée et motivée sur ce que les membres de cette assemblée, se sont montrés traîtres et rebelles. - Ceux-ci résistent, soutenus par 400 gardes nationaux et un grand nombre de leurs commettans; le gouverneur aidé de Mauduit, colonel du régiment Européen, rassemble des forces

pour assurer l'exécution de son ordre de dissolution; la guerre ́intérieure allait commencer lorque l'assemblée se décide spontanément (8 août) à passer en France pour se justifier auprès du roi et de l'Assemblée nationale. Cette détermination excite l'admiration et la reconnaissance du peuple.

(Septembre.)-Toutefois l'Assemblée nationale, loin d'approuver la conduite de ces représentans, annulle leurs décrets, et les fait mettre en prison.

(12 octobre.)-Jacques Ogé, mulâtre, élevé en France et qui avait été admis dans la société des amis des noirs, arrive à SaintDomingue pour soulever les hommes de couleur.-Il établit son camp à la Grande-Rivière, à 15 milles environ du Cap-Français; ses deux frères et un nommé Marc Chavanne lui servent de lieutenans; mais il ne peut attirer sous ses drapeaux que 200 hommes, la plupart indisciplinés.

Le gouverneur envoie des troupes contre lui; son camp est investi, sa troupe tuée ou prise, en grande partie; le reste fuit; Ogé lui-même avec un de ses frères et Chavanne, se réfugient chez les Espagnols.-Le gouverneur Blanchelande obtient leur extradition et les fait supplicier.

Cette victoire sur les révoltés et le décret de l'Assemblée nationale contre les membres de celle de Saint-Domingue, excitent la haine des mulâtres contre les blancs et le mécontentement général.

(1791)-Le gouvernement envoie à Saint-Domingue, un renfort de troupes pour maintenir la tranquillité; l'esprit d'insubordination s'empare de ces soldats et se communique à ceux que commandait déjà Mauduit; le colonel est assassiné par eux. Leur crime

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L'attaque par lui dirigée contre l'assemblée de St.-Marc et des gardes nationaux qui la protégeaient, lui avait attiré la haine de ceux-ci, qui l'avaient fait passer dans l'esprit de ses soldats.

inspire bientôt l'horreur, et le régiment qui l'a commis est désarmé et ramené prisonnier en France.

(15 mai)-L'Assemblée nationale décrète, sur la proposition de l'abbé Grégoire, appuyée par Robespierre, * que tous les gens de couleur, résidant dans les colonies françaises et nés de parens libres, auront droit aux mêmes privilèges que les citoyens français, entre autres à ceux de voter pour le choix des représentans et de siéger dans les assemblées provinciale et coloniale.

A la nouvelle de ce décret accueilli avec joie par les hommes de couleur, les blancs manifestent hautement leur indignation à Saint-Domingue, et se disposent à employer la force au besoin pour en arrêter l'exécution; (9 août) les paroisses procèdent aussitôt à l'élection de nouveaux députés qui se réunissent à Léogane, en prenant le titre d'assemblée générale de la partie française de Saint-Domingue.

Les mulâtres alarmés prennent les armes; les nègres de plusieurs habitations, se joignent à eux; ils se répandent ensemble dans les environs du Cap, brûlant les habitations et donnant la mort aux blancs de tout âgé et de tout sexe.

La consternation est générale : les femmes et les enfans se réfugient à bord des vaisseaux; les hommes se mettent en état de résister, commandés par le gouverneur; mais les nègres étant nombreux et acharnés, continuent à ravager le pays que les blancs sont forcés d'abandonner.

L'insurrection qui s'était d'abord déclarée dans les environs du Cap, c'est-à-dire dans le Nord de la colonie, s'étend rapidement dans les provinces de l'Ouest.

(11 septembre.) Les mulâtres et nègres insurgés, battent les troupes qu'on envoie contre eux du Port-au-Prince et s'approchent de la ville pour l'incendier, lorsque les mulâtres blessés

« Périsse jusqu'à la dernière de nos colonies, dit cet homme d'o<dieuse mémoire, plutôt que de sacrifier un iota de nos principes. >>

de ne pouvoir obtenir sur les nègres, l'ascendant qu'ils avaient espéré, se prêtent à une réconciliation. Le traité accorde une amnistie pour le passé et met en pleine vigueur le décret national du 15 mai.—( 20 septembre.) L'assemblée générale approuve cet acte, et déclare que des privilèges considérables seront accordés aux mulâtres nés de parens esclaves.

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(24.) La tranquillité semble rétablie, mais un décret de l'Assemblée nationale anuulant celui du 15 mai, paraît aux mulâtres, une trahison de la part des blancs qui sont présumés, par eux, avoir sollicité cette détermination. Une haine implacable les anime contre ceux-ci; les hostilités recommencent. Port-SaintLouis est pris; un tiers du Port-au-Prince est brûlé; les rebelles sont cependant repoussés par la garnison qui avait été renforcée; les nègres et les blancs rivalisent de cruauté.

(décembre) — Mirbeck, Roume, et Saint-Léger, commissaires civils nommés par l'Assemblée nationale pour rétablir la paix et la subordination à Saint-Domingue, arrivent au Cap-Français; ils sont reçus avec déférence, publient l'arrêté du 24 septembre, et peu de jours après, proclament une amnistic générale pour tous ceux qui, dans un délai déterminé, déposeront les armes et prêteront le serment requis par la nouvelle constitution.

Cette mesure et l'autorité illimitée qu'ils s'attribuent, perd les commissaires dans l'opinion publique ; leur pouvoir s'évanouit à défaut de troupes pour le faire respecter, et ils sont obligés de revenir en France.

(1792)-L'Assemblée législative reconnaît et déclare (4 avril) que les hommes de couleur et nègres libres des colonies, doivent jouir, ainsi que les colons blancs, de l'égalité des droits politiques; que trois nouveaux commissaires seront envoyés à SaintDomingue, avec forces suffisantes pour rétablir l'ordre, et que des députés seront élus par les membres de l'assemblée coloniale, pour faire connaître à l'Assemblée nationale, le vœu des colons concernant la constitution de l'île.

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