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peu de mots les motifs qui nous portent à donner la pré- ART férence au projet présenté par le ministère.

Votre commission a pensé qu'introduire dans la succession d'un même individu un ordre de successibilité qui s'arrêterait à tel degré de parenté pour certaines portions de ses biens, tandis que cette même successibilité s'éten◄ drait à des degrés plus éloignés pour les autres portions de la même succession, ce serait changer le droit commun, sans une nécessité suffisamment justifiée; introduire une espèce de rétroactivité, occasionner des injustices à l'égard des héritiers qui déjà ont accepté les successions.

Ce serait modifier le droit commun: car en principe les lois des successions doivent être égales pour tous, et la succession du même individu ne saurait être soumise à deux législations différentes dans le même pays. L'utilité n'en est pas suffisamment justifiée; en effet, s'il est convenable que dans quelques matières spéciales, le législateur déroge au droit commun; c'est lorsque la nécessité de cette dérogation est tellement liée au système qu'il établit, que sans cela, ce système se trouverait en quelque sorte paralysé, et perdrait les avantages qu'on en espérait. Votre commission a reconnu que dans le plus grand nombre de cas, la mesure qui réduirait de quelques degrés la successibilité au droit de l'indemnité, se bornerait à procurer un accroissement de parts à des héritiers plus proches, sans profiter au fonds commun; et cependant c'était ce motif qui paraissait le plus plausible pour autoriser une dérogation aux lois des successions.

Ce serait introduire une sorte de rétroactivité: car à l'instant du décès d'un individu, ceux que la loi dont il

ART est sujet, déclare ses héritiers, sont investis de tous droits actifs et passifs, en quelque chose qu'ils consistent, quelque part qu'ils soient situés, encore que le défunt en įgnorât l'existence. Ces héritiers sont investis de plein droit, en vertu de la plus ancienne règle de la législation française: L mort sa isit le vif, son plus prochain héritier habile à lui succéder; cette règle écrite littéralement dans l'article 318 de la coutume de Paris, était par cela même, la loi de Saint-Domingue, conformément à l'article 34 de l'édit du 28 mai 1664; cette règle a continué d'être en vigueur, puisqu'elle est répétée dans le Code civil.

Si l'on admettait aujourd'hui, à l'égard de l'indemnité destinée aux colons, des principes qui excluraient du droit d'y succéder certains parens que la loi du décès faisait héritiers, on rétroagirait donc sur des droits qu'ils ont acquis à l'instant même de ce décès.

On ferait plus, on exposerait ces héritiers du sang et de la loi à éprouver une injustice qui ne pourrait être prévenue que par de nouvelles dérogations au droit commun, et par l'infirmation des droits acquis à des tiers. Ces héri tiers du sang et de la loi, en acceptant la succession, se sont rendus débiteurs envers les créanciers, de toutes les dettes du défunt; mais en compensation de cette charge, ils ont droit de percevoir tout l'actif présent ou espéré, connu ou inconnu de ce même défunt. 'Si, par l'effet d'une loi nouvelle, ils sont exclus d'une partie de cette succession, il faut donc aussi qu'ils soient déchargés d'une partie des dettes; et comment établir cette sorte de dislocation et d'allivrement, sans une série de dispositions toutes excepfionnelles, dont la rédaction présenterait des difficultés

peut-être insurmontables ? Il ne suffit pas de proposer le ART. changement d'un principe général qui se rattache à d'autres parties de la législation, il faut en envisager, en prévoir toutes les conséquences, et coordonner ce changement avec les lois conservées et l'équité.

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Votre commission sait que les principes qu'elle vient de présenter sommairement avaient été étudiés avec soin et discutés avec profondeur par un grand nombre des membres de cette chambre, lors de la présentation de la loi du 27 avril 1825. Quoique les circonstances ne soient pas tout-à-fait les mêmes, les principes sont invariables: elle ne croit donc pas qu'il soit nécessaire d'entrer dans de plus longs développemens pour motiver l'adoption du projet de loi sous ce rapport.

Mais, ce même article 2 présente une autre difficulté qui mérite toute votre attention. Il prévoit sagement le cas où des successions de colons qui n'offraient aucun espoir d'actif à leurs héritiers, auraient été ou délaissées pendant un temps si long, qu'on pourrait, d'après le droit commun, en introduire une répudiation tacite, ou répydiées expressément par un acte de renonciation, Il ne veut pas que cette répudiation soit opposée aux réclamans, si ce n'est par les héritiers qui ont accepté. Cette proposition empruntée à la loi du 27 avril 1825, se présente avec un grand caractère d'autorité.

Cependant, Messieurs, notre devoir est de vous faire remarquer que ces mots : si ce n'est par les héritiers qui auraient accepté, peuvent entraîner des conséquences qui ne sont ni sans difficultés, ni, permettez-nous de le dire,

ART. sans une sorte d'injustice, dans la généralité absolue qu'on voudrait leur attribuer.

Une succession peut être acceptée purement et simplement ou sous bénéfice d'inventaire. Celui qui l'accepte purement et simplement, contracte d'une manière irrévo cable, l'obligation de payer toutes les charges, quelque considérables qu'elles soient; il en fait sa dette propre; ily affecte tous ses biens personnels présens et à venir. Celui qui accepte sous bénéfice d'inventaire, ne s'oblige point personnellement aux dettes et charges de la succession ; il ne doit qu'un compte de tout l'actif aux créanciers, sans pou. voir être tenu des dettes sur ses biens.

L'article 7. de la loi du 27 avril, dans lequel a été puisée la disposition du projet actuellement soumis à votre délibération, ne fait aucune distinction entre ces deux positions si différentes. Il eût été à desirer qu'une discussion plus étendue vous eût donné lieu d'exprimer clairement que la répudiation d'hérédité ne pourrait être opposée que par ceux qui auraient accepté purement et simplement. Il ne nous appartient pas de préjuger ce que les tribunaux décideront à cet égard, si la question s'élève à l'occasion de l'article 7 de la loi du 27 avril; comment après avoir étudié l'esprit d'équité qui présidait à cette loi, et les motifs qu'elle a eus de déroger au droit commun, en relevant de leur renonciation les héritiers des victimes de la confiscation, ils pourront décider s'il peut être étendu aux acceptations sous bénéfice d'inventaire; s'il n'est pas dans l'intention du législateur, uniquement applicable aux héritiers qui ont accepté purement et simplement, puisque ces héritiers ayant couru tous les risques de l'adition d'hé

rédité, notamment celui d'être tenus personnellement et ART indéfiniment de toutes les dettes, et fait un acte, en quel

que sorte aléatoire, on ne doit pas leur enlever des profits même inespérés.

Mais puisque des doutes peuvent s'élever, et qu'appelés par l'objet même qui est soumis à vos délibérations, à relever de nouveau de l'effet d'une répudiation expresse ou tacite les héritiers des colons, vous avez à déclarer les limitations dont cette faveur est susceptible, votre commission croit qu'il est convenable de s'exprimer catégoriquement, de ne laisser aucune matière à l'incertitude; elle vous propose, en conséquence, un amendement rédigé dans cette intention.

Enfin, l'article 2 admet, indépendamment des héritiers donataires et légataires, les ayans-cause.

Cette expression ayant-cause ne peut évidemment s'appliquer qu'à des acquéreurs ou à des créanciers.

Appliquée aux acquéreurs, elle n'a rien que de conforme aux règles de la justice. Celui qui, par un acte translatif de propriété à titre onéreux; a acquis les droits d'un autre, n'est pas moins favorable que celui qui les a reçus à titre gratuit. Il est inutile de faire remarquer que n'ayant pas plus de droits que son cédant, il sera tenu des mêmes obligations.

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Appliquée aux créanciers, l'expression ayant-cause est également conforme au droit commun. L'article 1166 du Code civil autorise les créanciers à exercer les droits de leurs débiteurs. Il ne peut donc y avoir de difficulté sur ce point.

Mais plusieurs Mémoires ont été adressés à votre com

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