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d'exercer ainsi sur elle un dernier acte de souveraineté, qui, en concédant un fait accompli, constate la reconnaissance du droit, en stipule le rachat, et assureen même temps de nouveaux avantages à notre commerce, et à d'anciens malheurs des soulagemens inespérés.

« Messieurs, votre jugement ne peut pas être douteux; nous l'attendrons avec confiance.

« Nous ne fatiguerons pas en ce moment votre attention par un examen détaillé des dispositions du projet de loi, des objections auxquelles elles ont donné lieu, et des réponses qui ont été faites à ces objections. Vous avez sous les yeux le travail de la commission préparatoire nommée par le roi, l'exposé des motifs soumis à l'autre chambre, et tous les discours prononcés dans la discussion.

« Nous vous prierons seulement d'observer que, pour trouver la solution de la plupart des difficultés qui ont été et qui peuvent encore être élevées, il convient de se bien fixer sur la nature et le caractère de l'indemnité qu'il s'agit de répartir entre les colons, Ce n'est pas un secours donné par l'Etat ; ce n'est pas une réparation accordée à des malheurs depuis long-temps irréparables; c'est le prix des droits éventuels qu'auraient eu à exercer les colons, si le roi eût rétabli, par la voie des armes, son autorité à Saint-Domingue. Ce prix est fort supérieur, sans doute, à la valeur des débris qu'eussent retrouvés les colons après les nouveaux désastres, et les destructions nouvelles qu'eût entraînés la conquête. Envisagée sous son véritable point de vue, l'indemnité ne pouvait donc porter que sur les valeurs immobilières qui seules eussent pu

être recouvrées, et elle devait être accordée à tous ceux, et seulement à ceux qui eussent eu des droits à exercer.

« Appelés, Messieurs, à examiner de nouveau si dans une matière aussi difficile, le projet de loi pourvoit suffisamment à tous les intérêts, vous reconnaîtrez du moins que nous n'avons rien négligé pour atteindre ce but, et vous vous empresserez de vous associer à ce nouvel acte de la justice et de la bonté royales. »

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<«< Lorsque le roi remonta au trône de ses ancêtres, SaintDomingue était séparé de la France. Les négociations tentées pour faire rentrer, sous les lois de la métropole, cette importante colonie, furent sans succès. Un gouvernement régulier s'y était formé. A l'abri de ce gouvernement, l'ordre, l'agriculture et le commerce avaient reparu Les négocians français allaient trafiquer dans les ports où ils trouvaient un accueil amical; cependant notre pavillon ne pouvait s'y déployer. La guerre avait cessé, des relations fondées sur d'anciens souvenirs qui avaient surmonté de récentes inimitiés, s'étaient successivement rétablies entre les deux pays; mais la paix n'avait pas été proclamée. Un tel état de choses blessait la dignité de la couronne, et compromettait la sécurité de ses sujets, qui ne pouvaient invoquer la protection de leur pavillon: il devait avoir un terme.

«En déclarant aux habitans de la partie française de Saint - Domingue qu'il leur concédait l'indépendance pleine et entière de leur gouvernement, le roi a assuré, à l'Etat des avantages commerciaux et aux anciens colons une indemnité de 150 millions de francs.

« Cet acte solennel de la puissance royale a été l'objet de violentes attaques. On a prétendu qu'aucune partie du royaume, qu'aucune de ses possessions coloniales ne pouvait être cédée sans la sanction de l'autorité législative. Si telle était la loi fondamentale, nous devrions nous hâter de le reconnaître et de le déclarer; mais ce n'est ni par les exemples douteux des tristes périodes de notre histoire, ni par les maximes contradictoires du droit public de notre ancienne monarchie, que cette question doit être résolue. La Charte a clairement prononcé : le roi déclare la guerre, fait les traités de paix, d'alliance et de com

merce.

<«<Les chances incertaines des armes peuvent amener des revers; l'enchaînement des circonstances peut exiger que, pour le bien de l'Etat, le souverain cède une partie de son territoire : serait-il expédient que la cession fût ratifiée par la législature? il est au moins douteux que son autorité pût s'exercer utilement dans ces conjonctures où la force des évènemens décide, où leur marche rapide commande une prompté résolution; mais quelles que soient les opinions sur cette question difficile, on tombera d'accord que ce ne serait point ici le cas de l'examiner, et que c'est dans l'état actuel de nos lois que nous devons apprécier et juger. Écartons de douloureux 'souvenirs, et qu'il nous suffise de reconnaître que les termes

de l'art. 14 de la Charte ne laissent point place à l'incer titude.

« L'acte qui légitime la séparation de Saint-Domingue n'a pas, à la vérité, la forme d'un traité. On peut soutenir qu'il aurait été préférable d'adopter ce mode usité pour fixer les stipulations contractées entre les nations. On peut aussi soutenir que la volonté du monarque, s'exprimant comine si elle avait seule à statuer, s'est manifestée d'une manière plus digne et plus élevée; mais cette discussion serait aujourd'hui sans intérêt. Qu'on eût donné la préférence à l'un ou à l'autre de ces modes, on ne contestera point que l'ordonnance du 17 avril 1825 n'a de commun 'que le nom avec les autres actes de l'autorité royale ainsi intitulés. Ce n'est pas par les caractères extérieurs de sa ré'daction, c'est d'après sa nature intrinsèque qu'elle doit être classée. Elle est dans le domaine du droit des gens: les effets qu'elle était et qu'elle est destinée à produire en fout un véritable traité. Or, c'est au roi seul, nous le répétons, qu'il appartient de faire les traités.

<«< Les chambres ne pouvaient donc être appelées à discuter l'ordonnance qui contient celui dont une des stipulations va vous occuper. La puissance royale a agi dans la sphère où elle dispose sans partage; mais ceux qui ont conseillé les actes qui se passent dans cette sphère élevée, n'en sont pas moins soumis à la responsabilité qui pèse

'sur tous les conseils donnés à la couronne. Les ministres ne cherchent point à l'éluder; ils vous ont noblement demandé d'examiner si l'acte qu'ils ont contresigné serait én effet contraire aux intérêts et à la dignité de la France?

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