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ART. délais sont les mêmes que ceux qui ont été fixés pour les réclamations relatives à l'indemnité des émigrés.

5.

<< Si nous nous occupons, maintenant, de la liquidation nécessaire pour la répartition de l'indemnité, nous reconnaîtrons promptement que cette opération ne saurait être faite que par une commission spéciale. On avait pensé qu'elle pourrait être confiée aux conseils de préfecture; mais un moment de réflexion suffit pour apercevoir qu'il n'y a aucune analogie entre la liquidation qui doit fixer l'indemnité des colons, et la liquidation qui doit fixer celle des émigrés. Pour celle-ci, il s'agit de déterminer la valeur des biens situés dans le département même dont le conseil est appelé à donner son avis, d'après des actes de l'administration passés et conservés sur les lieux. Pour celle-là, au contraire, il s'agit de déterminer la valeur de biens situés dans un autre hémisphère, sans qu'aucune base légale puisse être assignée. Les conseils de préfecture manqueraient de moyens de s'éclairer; ils manqueraient de termes de comparaison; ils ne pourraient par conséquent se former aucune jurisprudence, et l'on verrait adopter autant de modes de liquidation qu'il y aurait de conseils. Il était donc nécessaire de concentrer l'opération dans la capitale, à portée de tous les renseignemens que contiennent les archives des ministères. Une commission spéciale sera, à cet effet, nominée par le roi; elle sera divisée en trois sections, qui prononceront séparément.

« Il fallait prévoir le cas où les parties intéressées contesteraient la décision rendue, et ne pas les priver du second jugement, de l'appel dont nos lois, soit dans les matières judiciaires, soit dans les matières administrati

ves, garantissent à tous la salutaire ressource; mais il ART. n'est pas besoin de vous faire remarquer qu'il s'agit ici d'une matière toute particulière : ce ne sont point les lois et ordonnances du royaume qu'on doit appliquer; la commission prononcera en quelque sorte comme un grand jury d'équité. C'est donc en elle-même qu'on a dû chercher les moyens de rectifier une décision surprise ou erronée. Aussi, le recours au Conseil d'État est-il sagement remplacé par celui qu'on formera devant les deux sections qui n'auront point concouru à la décision attaquée : les deux sections réunies statueront définitivement.

« Un commissaire du roi sera établi, auprès de la commission, pour requérir le renvoi, devant les tribunaux, des questions d'état ou de propriété qui s'élèveraient; il sera chargé de proposer sur la valeur des immeubles, et sur la quotité des indemnité réclamées, les réquisitions qu'il jugera utiles aux intérêts de la masse, et d'interjeter appel des décisions rendues par une des sections, -devant les deux autres sections, comme nous venons de l'expliquer.

<«< La création de ce commissaire était peut-être une simple mesure d'administration dont il n'aurait pas été nécessaire de faire l'objet d'un article du projet de loi; mais cette création nous paraît utile, et puisqu'elle vous est soumise, nous devons vous proposer de l'approuver. Nous ferons seulement observer à vos Seigneuries que l'article qui la concerne serait mieux placé immédiatement auprès de l'article qui institue la commission dont ce magistrat sera partie intégrante, ou le complément. L'ardeviendrait alors l'article 6, et l'article 6 du pro→

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jet prendrait le n° 7.

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6.

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« Ce dernier article porte que la commission statuera sur les réclamations, d'après les actes et documens qui seront produits devant elle. Il l'autorise à employer même la voie d'enquête.

« On aurait desiré pouvoir donner à la liquidation une règle fixe et déterminée, ainsi que cela a eu lieu pour l'indemnité allouée aux émigrés; mais, comme nous l'avons déjà indiqué, il n'était pas possible d'établir une similitude. La spoliation des émigrés a été consommée par des actes réguliers qui ont établi ou fourni des bases pour l'évaluation de leurs biens. Si ces bases, appliquées à la liquidation de l'indemnité, ont l'inconvénient de blesser souvent l'équité, du moins elles ont l'immense avantage d'exclure l'arbitraire, et de permettre à chacun de vérifier lui-même la liquidation qui le concerne. A SaintDomingue, au contraire, la spoliation des colons, consommée successivement au milieu du carnage et des flammes, n'a été accompagnée d'aucun acte qui ait attribué une valeur à leur propriété. Il faut, après trente années, chercher à recounaître celle qu'elles avaient quand ils en furent dépossédés. La commission préparatoire a cherché à fixer des règles d'évaluation. Ce seront d'utiles jalons pour guider la marche de la commission de liquidation; mais ces règles ne partant point d'un acte authentique, comment pourrait-on les opposer aux titres primitifs que les réclamans auraient à présenter ? Le projet de loi a donc déféré à la commission le soin de fixer la valeur des inmeubles, d'où doit résulter la répartition de l'indemnité. Il statue seulement que ces immeubles seront appréciés d'après la valeur commune des proprié tés dans la colonie en 1789.

« Quelques personnes ont cru qu'il pourrait résulter ART. de la règle ainsi posée, dans bien des cas, un effet contraire à la justice distributive. Un colon a pu améliorer, accroître sa propriété en 1790 et 1791, et cependant l'indemnité qu'il réclamerait ne serait calculée que sur la valeur de cette propriété en 1789.

<«< Si cette interprétation était fondée, elle irait plus loin. On devrait en induire que celui qui n'était devenu propriétaire qu'après 1789, serait exclu du partage de l'indemnité. Telle n'est pas l'intention du projet de loi, et ses termes ne nous paraissent point ambigus. Il suffit, pour s'en convaincre, de lire le paragraphe en entier: <«<< Les biens seront appréciés, suivant leur consistance « à l'époque de la perte, et d'après la valeur commune « des propriétés dans les colonies en 1789. »

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<«< Ainsi, l'immeuble pour lequel on prétend à l'indemnité sera considéré tel qu'il était au moment où le propriétaire en a été dépouillé: mais sa valeur sera calculée sur la valeur commune des propriétés en 1789. Cette année est l'année normale qui doit servir de mesure uniforme. Si cette règle n'avait pas été établie, chaque réclamant aurait prétendu faire adopter l'année qu'il aurait cru la plus avantageuse à ses intérêts.

« On estime à 1,500 millions environ, la valeur des immeubles qui donneront droit à l'indemnité. La portion des 150 millions afférente à chacun des réclamans será donc environ du dixième de la valeur des immeubles qui lui appartenaient. C'est dans cette proportion que l'indemnité sera provisoirement fixée. Nous disons provisoirement, puisque la proportion exacte entre l'indemnité

ART. et les réclamations ne pourra être connue et déterminée que lorsque toutes ces réclamations auront été présentées et liquidées.

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<< Le gouvernement de Saint-Domingue doit verser les 150 millions en cinq années: l'indemnité sera, par conséquent, délivrée aux réclamans par cinquième, d'année en année.

<«<Lorsque la liquidation sera complètement achevée, on comparera le montant des indemnités particulières à la somme des 150 millions. Si la somme totale des liquidations est inférieure, la répartition du dernier cinquième sera augmentée proportionnellement; si elle est supérieure, cette répartition sera aussi proportionnellement diminuée.

« Les cinquièmes, remis aux réclamans, porteront intérêt à dater du jour où les fonds correspondans auront été versés dans la caisse des dépôts et consignations.. << Cet intérêt sera réglé à trois pour cent, comme cela est fixé pour tous les fonds déposés dans la même caisse. << La marche de la liquidation ayant été tracée, et le mode de paiement se trouvant déterminé, il fallait songer aux droits que les créanciers auraient à faire valoir.

<«< Si la loi était restée muette à cet égard, si elle s'en était rapportée au droit commun, les créanciers auraient mis opposition à la délivrance de l'indemnité accordée à chacun des colons; et on peut dire que cette indemnité aurait passé tout entière dans leurs mains:

« Il est admis, sans contestation, que les colons de Saint-Domingue, pris dans la généralité, devaient au moins une année du revenu de leur habitation. Si nous

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