Page images
PDF
EPUB

(13 septembre.) Les nouveaux commissaires, Santhonax, Polverel et Ailhaud arrivent au Cap français avec 8,000 hommes de troupes d'élite. Ils suppriment l'asseblée coloniale, font arrêter le gouverneur et toutes les personnes qui s'opposent à leurs mesures bientôt ils se déclarent ouvertement les protecteurs des nègres libres et des mulâtres. Les blancs demandent l'élection d'une nouvelle assemblée coloniale; au lieu de cela, une commission intermédiaire, composée de six blancs, membres de l'assemblée dissoute, et de six mulâtres, est instituée. Des insurrections éclatent dans diverses provinces de l'île. L'assemblée législative décrète que le commandement de la colonie, est incompatible avec la qualité de propriétaire dans son étendue. Galbaud, gouverneur estimé, est obligé de se démettre par ce motif. Son frère, homme courageux et entreprenant, l'invite à ne pas obéir tous deux réunissent douze cents marins et un corps nombreux de volontaires, avec lesquels ils marchent vers l'hôtel où étaient les commissaires. Ceux-ci, protégés déjà par des troupes régulières et les gens de couleur, ne sont pas rassurés; ils demandent des secours aux nègres révoltés, et leur offrent le pardon du passé, une entière liberté pour l'avenir, et le pillage de la ville. Les deux généraux, Jean-François et Biassou, rejettent cette proposition.

(1793, 21 juin.)- Macaya, un des principaux nègres insurgés, moins scrupuleux que les précédens, entre dans la ville du Cap, à la tête de trois mille esclaves, et fait un massacre général; les blancs et le gouverneur veulent se réfugier à bord des vaisseaux, mais un corps de mulâtres les surprend et les extermine; un grand nombre périt aussi dans l'incendie de la ville. Les commissaires épouvantés se mettent en sûreté et en observation sur un vaisseau de ligne.

Beaucoup de colons abandonnent Saint-Domingue, et passent dans les îles voisines. Plusieurs familles se retirent en Angleterre, et sollicitent la protection du gouvernement.

Le ministère anglais profite de la déclaration de guerre faite par la France, et donne ordre au général Williamson, gouverneur de la Jamaïque, de faire une descente dans la partie française de Saint-Domingue.

(19 septembre.)- L'expédition arrive à Jérémie, où elle est reçue sans difficulté.

(4 octobre.) Elle occupe la forteresse et le Hâvre du cap Saint-Nicolas; plus tard les paroisses de Jean Babel, de SaintMarc, d'Arcahaye, de Boucassin et de Léogane, se soumettent également aux Anglais.

[ocr errors]

(1794.) Le Gap Tiburon, et la forteresse de l'Aeul, sont emportés.

( 1er juin. ) -Le général Whyte'arrive avec un renfort de 1,465 soldats de ligne, bien disciplinés, et attaque Port-au-Prince, de concert avec le commodore Ford. Après une résistance vigoureuse, les Français sont obligés d'évacuer la ville; les Anglais y trouvent un riche butin. Les commissaires se retirent avec deux mille personnes, et deux cents mulets chargés d'objets précieux. Désespérant de conserver la colonie, ils s'embarquent pour retourner en France.

Cependant l'intempérie du climat produit la mortalité dans les troupes anglaises, et les nègres qui commencent à être aguerris, sont toujours sous les armes.

[ocr errors]

(1795, 22 juillet.) La paix est conclue entre la France et l'Espagne; cette puissance cède à perpétuité tous ses droits sur la partie espagnole de Saint-Domingue à la république fran= çaise.

(1797, mai.) L'Angleterre envoie à Saint-Domingue un nouveau corps d'armée de 7,000 hommes, et donne le commandement en chef au général Sincoé, officier distingué. Celui-ci fait toutes les dispositions qui sont en son pouvoir pour défendre les conquêtes des siens, contre les nègres qui, affranchis par les commissaires civils dans les premiers momens du danger, veu

lent assurer leur liberté en repoussant l'invasion des auxiliaires de leurs anciens maîtres.

Toussaint-Louverture, * qui avait déjà déployé beaucoup de courage et de talens militaires, à la tête des nègres, est nommé par le gouvernement français, chef des armées de Saint-Domingue. Secondé par Rigaud, autre général noir, il force les Anglais à évacuer successivement plusieurs places.

(1798.) — Enfin le général Maitland, commandant en chef de l'armée d'occupation, après avoir demandé d'abord une trève d'un mois, fait un traité avec Toussaint, par lequel il cède toutes les possessions des Anglais, qui reconnaissent Saint-Domingue comme puissance indépendante et neutre.

Toussaint, après avoir affranchi le sol de Saint-Domingue, s'occupe d'y faire fleurir les arts et l'agriculture: il oblige les nègres au travail; mais ils peuvent choisir leurs maîtres, et reçoi

* Il naquit de parens esclaves, vers l'an 1745, dans la plantation du comte de Noé, non loin du Cap-Français ; sa bonne conduite lui gagna l'affection du bailli ou directeur (M. Bayou de Libertas), qui lui enseigna à lire et écrire, et l'ôta aux travaux de la terre pour en faire son postillon. Toussaint employa alors ses loisirs à acquérir des connaissances qui ornèrent son esprit, adoucirent ses mœurs, et le mirent en état de prétendre à de plus hautes destinées. - En 1791 il refusa obstinément de prendre part aux premiers mouvemens révolutionnaires.-Plus tard et après avoir satisfait à la reconnaissance envers son maître, en lui donnant les moyens de se soustraire à la fureur des noirs et de subsister, il joignit le corps du général Biassou, et fut nommé son lieutenant. Bientôt le commandement de la division lui échut. Son regard était vif et percant; doué d'une extrême sobriété il suivait ses projets avec une constance à toute épreuve; il était d'une intégrité remarquable et respectait toujours son serment; jamais il n'abusa de l'autorité illimitée dont il fut revêtu. - Il était naturellement doux et généreux. Il montra dans l'administration intérieure de St.-Domingue, la même sagacité, la même prudence et la même humanité qui l'avaient distingué sur le champ de bataille. — Chéri des nègres, il mérita

-

encore l'estime de tous les étrangers qui eurent des relations avec lui.

vent un salaire convenable. Les églises sont rétablies. L'ancien système d'administration coloniale était détruit; Toussaint sent la nécessité de donner des lois à sa patrie; il prépare donc une constitution, en s'aidant des lumières de plusieurs européens d'un mérite distingué.

(1801, juillet.) → La constitution rédigée est soumise à l'assemblée générale des représentans des districts, qui l'adopte; elle est ensuite publiée au nom du peuple, et l'ile déclarée indépendante.

(Octobre.) La paix est conclue entre la France et l'An ́gleterre. Bonaparte, premier consul, conçoit le dessein de se rendre maître de Saint-Domingue. Une flotte de vingt-six vaisseaux de guerre, et d'un grand nombre de bâtimens de transport, est appareillée dans les ports de la France. On y embarque 25,000 hommés d'élite, sous les ordres du général Leclerc, chef de l'expédition; la flotte est commandée par l'amiral Villaret.

(28 décembre.) L'armement met à la voile, et arrive à la baie de Samana, sur la côte orientale de Saint-Domingue. L'attaque des trois principales places est résolue; le général Kerversau est dirigé sur Santo-Domingo *, le général Boudet sur Port-au-Prince, et le général Rochambeau sur le fort Dauphin. Le généralissime se charge de la prise du Cap-Français.

[ocr errors]

(1802, 2 février.) La division Rochambeau entre dans le fort Dauphin, sans éprouver de résistance.

[ocr errors]

(3.) — Le général Leclerc arrive devant le Cap, et se dispose à prendre possession de la ville. Christophe, qui la commande, sentant l'impossibilité de la défendre, y fait mettre le feu, et se retire en bon ordre avec ses troupes, ses troupes, emmenant plus de 2,000 blancs comme ôtages. Les Français, entrés dans place, s'efforcent d'éteindre l'incendie; mais ils ne parviennent

[ocr errors]
[ocr errors]

* Toussaint avait placé sous sa domination, la partie de l'île cédée à la France, par les Espagnols.

[ocr errors]

qu'à sauver un petit nombre de maisons. La division aux ordres du général Boudet s'empare heureusement de Port-au-Prince.

les

Toussaint qui, au moment de l'invasion, était dans l'intérieur de l'île, n'en est pas plus tôt informé, qu'il se met en état de résister. Malgré ses premiers avantages, le chef de l'expédition redoutant avec raison un ennemi non moins dangereux par sa bravoure éclairée que par son ascendant sur les nègres, cherche moyens de l'amener à une soumission favorable à la France. Les deux enfans de Toussaint, enlevés à leurs études à Paris, et qui ont reçu des instructions analogues aux vues du capitainegénéral, sont envoyés à leur père, accompagnés de leur précepteur celui-ci est porteur d'une lettre flatteuse et pleine d'artifice du premier consul, au citoyen Toussaint, général en chef de l'armée de Saint-Domingue. En cas de rejet des propositions du général Leclerc, les enfans doivent être ramenés parmi les Français, et considérés comme ôtages.

Toussaint, déjà attendri à la vue de ses enfans, est ébranlé par la lettre du premier consul; il demande néanmoins le temps de réfléchir sur les ouvertures qui lui sont faites. Ses fils lui sont présentés une seconde fois; l'âme de Toussaint est partagée entre la tendresse paternelle et sa sollicitude pour les nègres ses compagnons enfin, il fait à ceux-ci, le sacrifice de ses enfans: l'un d'eux veut partager le sort de son père, et reste avec lui; l'autre retourne parmi les Français.

(17.)—Alors le général Leclerc met Toussaint et Christophe hors la loi, ordonnant, par une proclamation, à tous les citoyens, de les poursuivre et traiter comme les ennemis de la république.

En même temps les hostilités suspendues durant les négociations recommencent, et les Français emploient toutes sortes de moyens pour exciter à la défection les troupes de Toussaint et les habitans en général; ils déclarent solennellement à ceux-ci, que leur liberté sera respectée, quelle que soit leur couleur.

« PreviousContinue »