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propriété par l'ordonnance royale ni par la loi; et s'ils restent propriétaires, il en résulte que l'ordonnance et la loi seront inutiles. Cependant il est bien constant que le président d'Haïti n'a entendu donner les 150 millions que comme une indemnité représentative des propriétés appartenant aux anciens colons.

On a cité l'exemple des créanciers, comme une dérogation au droit commun. Mais on n'a pas fait attention que ces créanciers conservent, tous leurs droits à l'égard de leurs débiteurs s'ils sont solvables; seulement ils ne peuvent former opposition sur l'indemnité que jusqu'à concurrence de la portion qui leur est attribuée. Ainsi la dérogation ne frappe pas les créanciers qui ne vou→ draient pas faire opposition.

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On a cité la loi de 1814. M. Dudon est trop versé dans la connaissance de notre droit nouveau, pour ne pas se rappeler le motif qui a empêché d'insérer dans cette loi le mot restitution. La loi de 1814 a été considérée comme une loi de libéralité; on a dit : l'Etat qui rend les biens non-vendus les rend à qui il veut. De même que sous Bonaparte, en rendant des bois, non-vendus, aux anciens propriétaires, on donnait à l'un une forêt qui avait appartenu à l'autre. Je conviens qu'en regardant les 150 millions comme une pure libéralité, vous devez écar. ter du partage, non-seulement les légataires et les donataires, mais encore les frères, les sœurs, les neveux et les nièces, et en outre, ne distribuer ce secours, entre les colons actuellement existans, que dans la proportion de leurs biens.

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Mais il faut reconnaître que c'est une indemnité re

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présentative de la propriété; et alors il n'y a pas de motif pour s'écarter du droit commun. Tous les héritiers, soit par la volonté de l'homme, soit par les dispositions de la loi, doivent être admis à prendre la part qui reviendrait à leur auteur dans cette indemnité.

L'objection que M. de Martignac a proposée à l'amen dement de M. Bonnet, a frappé tous les bons esprits. Quoi ! les héritiers auront payé les dettes des colons, et ils n'auront pas, dans l'indemnité, quelque dédommagement! M. Bonnet, pressé par l'argument, a reconnu que ceux-là devaient participer à l'indemnité. Mais il n'a pas fait attention que ce n'est pas seulement quelques dettes de l'indemnité qu'ils ont payées, mais toutes les dettes de la succession. Messieurs, quand on part d'un principe faux, on arrive à des conséquences fausses. Ne soyons pas plus sages que la loi, et adoptons l'article en rejetant les quatre amendemens.

L'amendement de M. Duhamel et le sous-amendement de M. Bonnet, réunis par leurs auteurs, ne sont point accueillis.

LA COMMISSION propose de terminer le 2o paragraphe de l'article en discussion, par ces mots : purement et simplement.

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La rédaction nouvelle de ce deuxième paragraphe, présentée par M. Breton, dans les termes déjà rapportés, n'est point prise en considération.

La discussion s'établit sur l'amendement de la commission qui est combattu par M. DE MARTIGNAC. On a cru voir, dit l'orateur, une lacune dans la loi du 25 avril 1825, résultant de l'omission des mots purement et simplement,

qu'on vous propose d'ajouter aujourd'hui à une disposition semblable; c'est au contraire en parfaite connaissance de cause que la loi a été faite ainsi. Il s'est établi à ce sujet une discussion assez longue, et la disposition a été maintenue dans les termes mêmes du projet de loi relatif à l'indemnité des émigrés. La proposition qui vous est faite aujourd'hui fut faite également à la chambre des pairs. On observa aussi, comme on l'a fait dans le rapport de la commission, qu'il ne suffisait pas de se prévaloir d'une acceptation conditionnelle, qui excluait toute charge de la succession, et qu'il fallait qu'il y eût quelques moyens de favoriser des héritiers qui auraient accepté loyalement la succession, avec toutes ses charges. On répondit devant la chambre des pairs, qu'on avait dû suivre les règles établies par l'article 790 du Code civil qui ne permet de revenir sur une succession répudiée, que dans le cas où celte succession n'aurait pas été acceptée par d'autres. On s'est bien gardé d'ajouter dans cet article les mots purement et simplement, qui n'auraient pas concordé avec d'autres dispositions. En effet, Messieurs, il est des individus dans la société qui ne peuvent pas accepter purement et simplement une succession. Il n'est permis aux tuteurs d'accepter pour les mineurs que sous bénéfice d'inventaire. Vous voyez qu'en adoptant la proposition de la commission, vous priveriez les mineurs des avantages de cet article. C'est donc, comme je l'ai dit, avec connaissance de cause, que cette disposition a été ainsi rédigée, et il y a lieu de la maintenir, ainsi qu'elle a été maintenue dans la loi du 25 avril. »

M. PARDESSUS répond: « Il ne s'agit pas d'examiner

s'il y a eu lacune dans la loi d'indemnité des émigrés. Cette loi a été faite et devait être faite sur un système tout différent de celui qui peut présider à la rédaction de celle dont nous nous occupons en ce moment. Nous ne pouvons nous dissimuler que la loi d'indemnité ne soit une loi tout-à-fait d'exception. Il n'y a pas un de ses articles qui ne déroge au droit commun; et la raison en est simple: car si ces dérogations n'étaient pas ici nécessaires, il n'y aurait pas de loi à faire, et une ordonnance eût suffi.

Quant aux règles à suivre relativement à l'hérédité, la commission nommée par l'ordonnance du 1er septembre, s'est trouvée assez embarrassée. Cette commission avait été d'avis qu'il fallait sur ce point déroger au droit commun pour éviter dans certains cas une grande injustice. Nous avons aussi examiné si relativement aux renonciations de la succession, il n'y avait pas lieu aussi à une dérogation : n ous avonsdû voir que telle était la pensée du ministère, et que cette pensée n'avait pas été bien expliquée dans sa rédaction.

En effet, Messieurs, lorsqu'on accepte une succession purement et simplement, on fait un véritable contrat aléatoire; car quelque minimes que soient les produits que l'on en retire, on n'est pas moins tenu au paiement de toutes les dettes, tandis que celui qui accepte sous bénéfice d'inventaire ne s'oblige à rien. Nous avons pensé qu'il n'y avait pas de raison pour que celui-ci profitât de l'indemnité au détriment d'un héritier du sang.

On nous présente un argument qui en apparence a quelque force; on nous dit qu'il y a des personnes qui

ne peuvent accepter que sous bénéfice d'inventaire. Il n'y a que les mineurs et les interdits: si l'amendement de la commission a pour objet de faire tort à ces personnes, ne l'adoptez pas, car nous n'avons pas eu l'intention de proposer une injustice; mais si les mineurs ne perdent rien, ils n'ont pas à se plaindre. Il est facile de vous le démontrer par un exemple.

Un père a été massacré à Saint-Domingue, laissant deux enfans, l'un majeur, l'autre mineur; le majeur a renoncé à la succession, le tuteur l'a acceptée pour le mineur sous bénéfice d'inventaire; eh bien, trouvez-vous juste que le majeur ne puisse pas prendre sa part dans l'indemnité? Nous proposons que l'indemnité soit partagée entre les deux frères, et que l'acceptateur sous bénéfice d'inventaire ne puisse exclure le frère majeur. C'est d'après ces motifs que nous persistons dans l'amendement. >>>

M. LE MINISTRE DE L'INTÉRIEUR s'attache à réfuter les observations du rapporteur de la commission; il s'exprime ainsi; « Je n'adopte pas l'opinion que la pétition d'hérédité soit un contrat aléatoire; elle n'est pas plus un contrat aléatoire qu'une vente; car si, dans la vente, l'acquéreur a calculé la valeur de la propriété, l'héritier qui accepte a aussi calculé les bénéfices qu'il retirera de la succession. Le principe de la loi est celui-ci : quand on a répudié une succession, on peut la reprendre jusqu'à ce qu'elle ait été acceptée. Et pourquoi? Parce que l'héritier peut exercer un droit qu'il a refusé d'exercer, tant qu'un autre droit n'est pas acquis. Mais quand il y a acceptation, il y a un droit acquis auquel il ne peut être dérogé.

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