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de la chambre a pensé qu'il fallait supprimer le chiffre 1789. Je dois dire qu'après un examen plus attentif, l'amendement de la commission paraît offrir un inconvénient, car il y a nécessité d'indiquer à la commission de répartition, d'après quelle valeur des propriétés elle devra se déterminer. Autrement elle pourrait se fixer, tantôt d'après la valeur de 1790, tantôt d'après celle de 1789 et même de 1791, ou bien de 1788. Il y a donc nécessité d'indiquer une époque pour la seconde partie de l'opération; il ne s'agit plus que de savoir quelle époque est la plus convenable.

La commission préparatoire avait essayé de connaître quelle avait été la valeur commune des denrées dans la colonie pendant un certain nombre d'années. Elle avait pensé qu'on pouvait prendre un certain nombre d'années, comme quatorze; qu'en diminuant de ces quatorze années les deux plus faibles, et en prenant la moyenne proportionnelle des douze restantes, on aurait un moyen terme assez exact. Mais cette opération n'était pas facile pour Saint-Domingue; car les mercuriales n'existent pas pour un terme aussi long. La commission avait pensé que 1789 était une époque favorable. Je ne crois pas que nous devions nous écarter de ce moyen terme; mais il me semble qu'il faudrait que la rédaction fût faite en ce sens, qu'elle laissût à la commission d'exécution, le droit de se déterminer par les connaissances qu'elle pourra se procurer sur les biens, sans avoir égard à telle ou telle année. C'est pour atteindre ce but que je propose de rédiger ainsi l'art. 7.

« La commission statuera sur les réclamations d'après les actes

et documens qui seront produits devant elle, même par voie d'enquête, si elle le juge convenable.

Elle appréciera les biens suivant leur consistance à l'époque de la perte, et d'après la valeur commune des propriétés dans la colonie en 1789. >>

Cet amendement est accueilli sans opposition.

La chambre passe à la discussion de l'amendement de M. Duhamel, qui, s'il était adopté, serait inséré après la disposition qui vient d'être votée.

M. Duhamel, pour coordonner son amendement avec la rédaction de M. Pardessus, sanctionnée par la chambre, remplace l'année 1790, énoncée dans sa proposition, par l'année 1789.

Cette proposition développée par son auteur, n'étant pas appuyée, n'est point mise aux voix.

L'article 6, originairement 7o, est ensuite adopté avec les diverses modifications dont nous avons rendu compte.

CHAMBRE DES PAIRS.

ART. 6.

« La Commission statuera sur les réclamations, d'après les actes et documens qui seront produits devant elle, même par voie d'enquête, si elle le juge convenable.

« Elle appréciera les biens suivant leur consistance à l'époque de la perte, et d'après la valeur commune des propriétés dans la colonie, en 1789.»

LA COMMISSION propose de transporter cet article à la place du 7o, qui deviendrait alors l'article 6, et d'insérer à la suite de celui-ci, la disposition additionnelle ci-après:

« Le capital des créances, dites de Saint-Domingue, anté

rieures au 1er janvier 1792, et ayant pour cause des dons, legs, ventes d'habitations, de nègres, ou des avances faites pour la culture, est réduit dans la même proportion.

« Il ne pourra être fait aucune répétition d'intérêt.

« Néanmoins les créanciers conserveront l'intégralité de leurs droits, sur les immeubles possédés par les colons avant le 1er avril de la présente année. Tout acte ou transaction, passé relativement au paiement des créances ci-dessus mentionnées, sortira son plein et entier effet. »

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M. LE VICOMTE LAINÉ pense que l'amendement proposé par la commission, renverse les lois générales et les lois spéciales.

« Les contrats sont des lois particulières que les contractans ont le droit de se faire. Ces lois sont à l'abri de l'atteinte des gouvernemens; elles ne sont pas sujettes à rapport. Elles ne peuvent être détruites que par le consentement des deux parties. Elles ne sont rendues vaines que par l'insolvabilité. C'est sur ce principe que repose la propriété, et par conséquent la société. Les chambres ont respecté ce principe relativement aux contrats passés à Saint-Domingue, ou qui avaient pour objet les propriétés de cette île. Le premier consul, sans consulter les assemblées législatives, prit sur lui d'accorder un sursis aux débiteurs; mais l'arrêté de 1802 (19 fruct. an x) respecte les contrats. Il suspend la prescription, permet les mesures conservatoires, les poursuites judiciaires, sauf l'exécution du jugement. Tous les sursis postérieurs con

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* Les motifs de cette proposition étant développés dans le rapport de la commission, page 150, nous croyons inutile de les rappeler ici. (Note des auteurs.)

servent les droits du contrat, et le dernier, accordé par la loi de 1818 en contient la réserve expresse en faveur des créanciers. Depuis six ans que le sursis est levé, les actions ont été exercées: tout est rentré dans le droit. L'autorité législative, en France, a jugé qu'il avait été assez longtemps suspendu. La raison en est que la loi s'est reconnue impuissante pour détruire les lois particulières faites sous la garantie des lois antérieures.

La commission et quelques orateurs, sans contester ces principes, veulent les circonscrire. Les désastres de Saint-Domingue sortent, disent-ils, de l'ordre commun; les esclaves ont tout fait périr, et l'ordonnance du 17 avril a disposé des propriétés privées. Tout extraordinaires que soient ces désastres, ils ne sont pas hors de la condition des contrats. Il y a eu chez les anciens, chez les modernes, d'autres révoltes d'esclaves. Surinam avait été ravagé, la Jamaïque fumait encore, des tremblemens de terre avaient englouti des villes à Saint-Domingue; dans les Antilles, au milieu des esclaves, la terre tremble au propre et au figuré. Les terres près des volcans s'achè-tent, et le vendeur conserve son titre après l'éruption qui emporte la terre.

Parler du droit politique pour se donner la faculté d'altérer les contrats, c'est faire la plus dangereuse des confusions. C'est l'amendement qui ferait juger par un étrange droit politique, ce qui doit l'être par les règles du droit civil établi avant les contrats dont il s'agit. Dire que la loi en réduisant les propriétaires du sol au dixième, en laissant toute l'action des créanciers, les dépouille pour cause d'utilité publique des neuf autres dixièmes; c'est se méprendre évidemment sur les faits et sur le

droit. La loi ne dépouille pas les colons du sol; mais, fes trouvant déjà dépouillés, elle leur dit : Pour répartir la somme stipulée à cause de la perte consommée, chacun aura d'abord le dixième de sa terre; puis, s'il y a un excédent, la répartition s'en fera dans les proportions. C'est pour régler les intérêts des colons entre eux que la loi parle de dixième. Cependant, disait la commission, la loi s'étant déjà interposée entre le débiteur et le créancier, le droit de la législation, pour intervenír, est donc reconnu. La loi s'est interposée pour suspendre l'action : c'est une faculté qu'elle laisse quelquefois anx tribunaux, mais en suspendant l'action elle l'a conservée expressément. Elle avait bien en 1814, desiré des renseignemens pour concilier; mais depuis, sans les avoir eus, ou parce qu'ils ont confirmé le droit, elle a levé tout sursis alors même que les colons n'avaient plus d'espérance. Les lois spéciales ont dit aux créanciers: Nous n'avons pas le droitd'altérer les contrats, et, après six ans, l'amendement prononcerait la créance sera réduite, l'action sera restreinte! Le noble pair passe à l'examen des raisons inhérentes à l'amendement. La commission a eu le dessein de faire entre les propriétaires du sol perdu et les créanciers qui ont conservé leur titre une transaction que les lois n'ont pas le droit de faire. Eh bien! la transaction projetée n'a pas même lieu. On a fait deux catégories: l'une des créanciers antérieurs à 1792, l'autre des créanciers postérieurs. A ces derniers, la commission conserve toute la plénitude du droit, non- seulement sur tous les biens silués en France, sur tout l'actif du débiteur, mais encore sur l'indemnité, sur tous les objets saisissables ache

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