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ANALYSE

DU RAPPORT AU ROI,

Fait par LA COMMISSION chargée de rechercher et proposer le mode de réclamation, les bases et les moyens de répartition de l'indemnité des colons.

§ I.

Il s'agit de fixer les bases d'appréciation des propriétés, et par suite la portion que chaque réclamant aura droit d'obtenir dans le fonds de 150 millions.

La commission a considéré comme un préalable nécessaire, de connaître dans quelle proportion probable la somme destinée aux colons, était avec la valeur totale des pertes. Il faut, pour cela, rechercher le produit commun de la colonie.

Deux états dressés à des époques voisines de l'année où les désastres ont commencé, savoir: L'état de 1788, rédigé en 1789 par M. Barbé-Marbois, et l'état de 1789, rédigé en 1790 par M. de Proissy, sont les seuls renseignemens authentiques qu'il ait été possible de se procurer sur la richesse de la colonie. Ceux de 1790 et de 1791 n'existent point, et il est facile d'en connaître la cause.

Néanmoins, les états de 1788 et 1789 eux-mêmes, ont paru susceptibles de quelques augmentations. (La commission, après en avoir expliqué les motifs, arrive à ce résul

tat que): 1o la quantité du sucre blanc, exportée de la colonie, s'élève, en prenant le terme moyen entre 88 et 89, 58,872,120 livres, à quoi il faut ajouter le produit de la consommation intérieure qui ne figure point dans les états officiels, et de quelques exportations frauduleuses possibles, total, 67,999,960 livres, poids de marc.

2o Le produit en sucre brut, est, d'après le terme moyen de 88 et 89, de 93,375,406 livres. Par les motifs cidessus, la commisssion l'élève à 107,499,600 livres poids de

marc.

3o Le produit en café, calculé d'après les mêmes bases, est de 83,500,083 livres, poids de marc.

4o La commission évalue le produit annuel et commun des cotons, à 7,999,920 livres, poids de marc.

5o Le produit annuel et commun de l'indigo, à 3,360,000 livres, poids de marc.

6° Celui du cacao, à 659,750 livres, poids de marc.

7° La commission porte en ligne de compte, dans la masse des produits de la colonie, une quantité de 20,000 boucauts de sirop.

8° Le produit annuel de la colonie, en tafia, à 2,000 barriques.

La commission donne à ces diverses denrées, les appréciations suivantes : le millier de sucre blanc, 440 fr.; le millier de sucre brut, 250 fr.; le millier de café, 600 fr.; le millier de coton, 1200 fr.; le millier d'indigo, 6,000 fr.; le millier de cacao, 440 fr.; le boucaut de sirop, 73 fr.; la barrique de tafia, 86 fr.

En appliquant ces appréciations aux denrées dont le produit vient d'être constaté, on trouve un total de 128,677,126 fr.

On doit encore mettre au rang des revenus de la colonie, quelques parties de bois d'acajou, de gaïac, de campêche,

de canéfice, de rocou, de caret; de l'huile de palma-christi, et autres matières ou denrées qui, n'étant pas sujettes à des droits d'exportation, ne figuraient point dans les états officiels; on peut, d'après des données très probables, en élever le produit moyen à 1,500,000 fr.

De plus, les propriétés urbaines et emplacemens dans les villes, susceptibles d'une valeur locative, étaient un objet de produit dont la commission, d'après divers renseignemens, et les rôles de l'imposition payée en raison du loyer, porte le montant à 5,000,000 fr.

Il en résulte que le revenu de tous les objets susceptibles d'être appréciés par cette base, s'élève à 145,077,126 fr.

Pour former la valeur capitale des propriétés qui produisent ce revenu, la commission s'est livrée à une double opération.

En évaluant les diverses espèces de propriétés d'après la valeur vénale commune de chacune, et en calculant par conséquent le prix moyen des sucreries par douze fois le revenu, celui des caféières et des maisons par neuf fois le revenu, celui des cotonneries, indigoteries, cacaoteries, et autres propriétés diverses, par huit fois le revenu, elle a trouvé un capital de 1,444,219,856 fr.; mais en calculant d'après l'opinion générale que l'ensemble de toutes les propriétés immobilières de la colonie, indépendamment des différences relatives de valeur résultant du genre de culture et de produit, devait être formé par dix fois le revenu, la commission a trouvé que ce capital formait 1,450,771,260 fr.

Mais ces objets ne sont pas les seules propriétés perdues; il faut y ajouter celles des guildiveries, pour lesquelles le produit en tafia ne représenterait pas la valeur capitale en totalité, les tanneries, briqueteries, fours à chaux, les hattes consacrées à la nourriture des bestiaux, et les places à vivres produisant des fruits ou légumes, lorsque ces

hattes ou places à vivres étaient indépendantes d'habitations. A l'aide de calculs d'approximation, la commission la valeur capitale de ces objets peut être portée à 25,000,000 fr.

croit que

Enfin, des esclaves non attachés aux habitations ou établissemens qui ont fait l'objet des précédentes évaluations, appartenaient à des maîtres qui les employaient dans des ateliers, les louaient pour travailler, voiturer, naviguer. Ce genre de produits n'était pas aussi de nature à figurer dans les états officiels, mais ils n'en constituent pas moins une valeur maintenant perdue, dont il faut aussi apprécier le montant.

D'après les états officiels et les renseignemens que la commission s'est procurés, elle pense que ce nombre peut être présumé de 58,000, dont, eu égard à la nature viagère de cette propriété, elle a porté le pur total à 116,000,000 fr.

Les esclaves consacrés à la culture et aux établissemens déjà désignés, se trouvent par le fait, compris dans la valeur de ces objets, dont ils étaient en quelque sorte partie intégrante et l'instrument principal de production.

Ces élémens conduisent à conclure qu'on est aussi près que possible de la vérité, lorsqu'on évalue le capital de la colonie à un milliard cinq cent quatre-vingt-un millions sept cent soixante-onze mille deux cent soixante francs.

La somme de 150 millions, destinée aux colons, serait donc à peu-près un dixième de la valeur capitale des propriétés qu'ils ont perdues.

Mais ce dixième recevra un accroissement assez considérable, dont il n'est pas possible, il est vrai, d'indiquer la quotité, quoiqu'il soit facile d'en prouver la certitude. En effet, les calculs ci-dessus supposent que quiconque était propriétaire à Saint-Domingue, sera admis à réclamer, et fera sa réclamation dans les délais fixés. Mais, si l'on consi

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