Page images
PDF
EPUB

développées; et cette proposition ne paraît pas en ellemême susceptible d'une objection sérieuse.

Cependant il faut avouer quelques inconvéniens qui s’rattachent. Depuis l'époque à laquelle la propriété justifiée ainsi a été acquise, le nombre des esclaves peut avoir subi de grandes variations.

La commission n'a pas cru que par une disposition spéciale, on pût prévenir l'inconvénient que son respect pour la vérité lui commandait de signaler. Exiger du réclamant la preuve qu'il n'avait pas diminué, par des ventes, le nombre d'esclaves originairement indiqué dans son contrat d'acquisition, c'était exiger une preuve négative que le colon lui-même, et à plus forte raison ses héritiers, seront dans l'impossibilité de faire.

Le seul remède peut consister dans la faculté qu'aura la commission de liquidation d'opposer, à une telle demande, les preuves affirmatives qu'elle aura pu se procurer. Il lui restera le droit incontestable d'exiger l'affirmation des réclamans; et cette dernière ressource, qui souvent est employée par les magistrats pour mettre fin à leurs incertitudes, ne sera peut-être pas sans utilité pour trouver le moyen de réduire des demandes exagérées et garantir la masse contre des prétentions sans fondement.

D'un autre côté, il serait possible qu'une personne, après avoir acquis une habitation négligée depuis long-temps, eût employé un capital plus ou moins considérable à y placer des esclaves. Si l'on ne fait droit à sa réclamation que d'après le nombre indiqué au contrat, elle éprouvera une lésion évidente.

Sans doute, si l'augmentation du nombre des esclaves, pour accroître la culture et l'exploitation de cette propriété, est prouvée, le réclamant obtiendra justice : mais s'il n'a

[ocr errors]

point de documens à cet égard; si ces documens sont ou paraissent insuffisans, et ne se rattachent point à la propriété pour laquelle il réclame, il n'y aura aucun remède. Il est des positions contre lesquelles échouent nécessairement les efforts de la prévoyance humaine.

[merged small][ocr errors]

Il serait possible que des titres d'acquisition produits par un réclamant, n'offrissent pas même de renseignemens sur le nombre d'esclaves attaché à la culture de sa propriété. Si le prix moyennant lequel elle lui a été transmise est exprimé, soit par un capital, comme dans les contrats de vente, soit par la preuve de la valeur corrélative, comme dans les échanges, les partages, il est nécessaire de s'y arrêter pour fixer la proportion dans laquelle on doit l'amettre à l'indemnité.

On ne saurait dissimuler que des réclamans pourront, dans quelques circonstances, être traités peu favorablement; qu'il en résulterait entre deux réclamans réduits à ce même mode de preuve, une inégalité relative; par exemple, lorsque le contrat de l'un sera ancien, que celui de l'autre sera d'une date récente.

Il y a une différence certaine entre deux habitations égales en quantité et qualité de fonds et en produit, dont l'une aurait été vendue en 1770, et l'autre en 1790. Dans cet intervalle, l'augmentation a été plus ou moins sensible et progressive; celui qui aurait acheté en 1790, ou peu auparavant, serait donc mieux traité que celui qui aurait acheté en 1770 ou peu après; et cependant, l'un et l'autre ont perdu une habitation égale en valeur.

C'est encore une de ces positions dans lesquelles il faut

céder à la force des événemens, et ne pas abandonner quelque chose de bon pour la vaine espérance d'atteindre un mieux chimérique.

§ VII.

Quoique la commission ait rédigé les articles relatifs au mode de liquidation par les produits, par le nombre d'esclaves ou par la valeur d'acquisition, d'une manière assez précise pour que chaque réclamant eût la faculté de choisir, elle a pensé qu'une disposition spéciale était nécessaire pour lever toute incertitude.

Cette liberté de choix semble, au premier coup-d'œil, difficile à justifier. On peut dire que le produit connu étant en général le moyen le plus sûr d'arriver à l'évaluation d'une propriété, et les autres moyens n'étant que subsidiaires et fondés sur des présomptions, le réclamant n'a pas le droit de donner la préférence à ceux-ci, puisque, suivant les règles les plus familières de la logique et de la jurisprudence, la présomption cède à la vérité du fait.

occupe,

Mais est-il exact de dire que, dans la position qui nous la véritable valeur d'une habitation sera connue par un ou même par quelques états de produits ? Et l'évaluation faite d'après ces documens, ne tient-elle pas aussi de la nature des présomptions?

[ocr errors][ocr errors]

Tel colon pouvait avoir fait de grandes dépenses pour mettre sa propriété en valeur, sans avoir encore obtenu de produits proportionnés à ses avances. Serait-il juste de ne pas lui permettre de fonder sa réclamation sur le nombre des esclaves dont il avait meublé son habitation, et qui, en ne les considérant qu'individuellement et dans

leur prix d'achat, en augmentaient la valeur? c'est surtout au caféières que cette observation est applicable.

Des circonstances accidentelles, la négligence, l'infidélité même d'un gérant, peuvent avoir atténué le produit d'une ou de quelques années; et de ce que ce produit était atténué, ou par quelque accident, ou par fraude, la valeur de la propriété n'était pas moindre.

La commission a fait tout ce qui dépendait d'elle pour mettre en proportion les divers modes d'appréciation; si, entre les bases qu'elle propose, il y a quelque inégalité, cette inégalité est au préjudice des évaluations qui ne sont pas faites d'après les produits, et la raison en a été expliquée. Il ne peut donc y avoir aucun inconvénient à laisser le choix aux réclamans. Si celui qui aura dans ses mains la preuve du produit de sa propriété, ne lui donne pas la préférence, c'est que, dans la réalité, par l'effet des causes qui ont été indiquées, ou d'autres semblables, cette base lui occasionnerait une véritable lésion, et l'équité ne permet pas de lui refuser la faculté du choix; c'est un nouveau. moyen de secours qui lui est dû.

§. VIII.

Les bases proposées jusqu'à ce moment ne sont relatives qu'aux biens ruraux, ou à des établissemens dont les produits peuvent être évalués d'après le nombre des esclaves attachés à leur exploitation; il est nécessaire, pour compléter cette partie de son travail, que la commission indique aussi le moyen d'apprécier les propriétés urbaines, qui n'étaient pas un objet de culture, et à proprement parler d'exploitation. La connaissance de la valeur capitale ou du loyer, qui peut servir à le former, est indispensable. Il ne serait possible d'admettre aucune autre base. C'est dono

sur l'un ou l'autre de ces élémens qu'on doit se fixer pour déterminer la portion d'indemnité due pour ce genre de propriété.

§ IX.

La commission a supposé jusqu'à présent que des titres ou des documens de nature à y être assimilés, seraient représentés. Elle doit, pourcompléter toutes les hypothèses, prévoir celle où des réclamans (et peut-être le nombre ne sera considérable) n'auraient d'autre ressource, pour justifier les produits de leurs propriétés, que la preuve testimoniale.

Depuis long-temps, les dangers de cette preuve, placée autrefois au plus haut degré de faveur, et presque la seule que connussent les législations anciennes, ont été signalés et reconnus par les législateurs modernes. Cependant le Code civil lui-même la permet en faveur de ceux qu'une force majeure a privés de leurs titres. C'est la disposition formelle de l'art. 1348 qui n'a fait que répéter celles de l'ordonnance de 1667 et des lois plus anciennes.

Il n'est donc pas possible d'interdire la preuve testimoniale; mais elle ne doit être permise qu'avec des précautions que la commission indique d'après des dispositions d'analogie puisées dans le droit commun.

S X.

Il reste à indiquer une position plus embarrassanté encore que celles qui nous ont occupés jusqu'à ce moment; il peut arriver que des documens assez clairs, assez précis pour convaincre un homme raisonnable, soient produits à la commission de liquidation; que, justifiés en quelque sorte par les indications des plans officiels de la colonie, ils démontrent que le réclamant était propriétaire d'une habita

« PreviousContinue »