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Le sort de Saint-Doiningue a été fixé par l'ordonnance royale du 17 avril dernier. Cette ordonnance stipule des avantages commerciaux pour la France, et le paiement de 150 millions d'indemnité aux anciens colons; en même temps, elle concède aux habitans actuels de cette île, l'indépendance de leur gouvernement.

Le roi a usé du droit qui lui appartient de faire les traités et ordonnances nécessaires à la sûreté de l'État. L'acte souverain du 17 avril a lié la France à l'egard des habitans de Saint-Domingue, comme elle a obligé ceux-ci à l'exécution des conditions qui sont le prix de la conces▾ sion qui leur est faite.

Si l'on pouvait contester l'inviolabilité de semblables emgagemens contractés par le Gouvernement du roi, il n'y aurait plus de traité possible, et la France resterait dans l'impossibilité de garantir ses intérêts les plus chers, moyens qu'ont à leur disposition tous les autres États. Mais, à côté de cette inviolabilité des engagemens

par

les

du souverain, se trouve placée la responsabilité ministérielle, pour garantir que les intérêts du pays ne seront jamais sacrifiés dans de pareilles transactions.

Nous avons contresigné l'ordonnance du 17 avril qui nous a paru commandée par l'intérêt du pays, et nous vous devons compte de nos motifs. C'est par là que doit commencer l'exposé que nous avons à vous faire des dispositions de la loi que S. M. nous a chargés de vous présenter, pour régler la répartition entre les colons de l'indemnité qui leur est réservée.

Lorsque, par le traité du 30 mai 1814, fut stipulée la restitution de plusieurs de nos colonies, de la part des puissances qui les possédaient alors, rien de semblable ne put avoir lieu pour la partie française de l'île de SaintDomingue, qui n'était au pouvoir d'aucune de ces puissances; mais elles reconnurent au roi de France, le droit de ramener sous son obéissance la population de cette colonie, même par la voie des armes, et l'engagement fut pris par elles de n'y point mettre obstacle, sous la réserve néanmoins que leurs sujets pourraient continuer à faire le commerce dans les ports de l'île, qui ne seraient ni occupés ni attaqués par les troupes françaises.

Telles furent les conditions, tant patentes que secrètes, mises à cette époque au rétablissement des droits de la France sur Saint- Domingue. L'abolition de la traite, ajournée d'abord à cinq ans, et effectuée ensuite dès 1815, vint modifier encore notre situation nouvelle à l'égard de cetle ancienne colonie.

Le Gouvernement, avant d'employer la force, dut essayer tous les moyens possibles de ramener à l'obéissance les habitans de l'île. Les diverses tentatives qui furent faites

n'aboutirent à rien pendant long-temps. En 1824, elles se terminèrent par l'envoi de commissaires chargés de faire l'offre d'avantages commerciaux et d'une indemnité pour les colons, en échange de la concession de l'indépendance. de leur Gouvernement. Cet arrangement était non-seulement le seul qui nous fût offert, mais encore le seul dont l'exécution fût possible, et le Gouvernement eut à se dé— cider enfin, soit à en adopter les bases, soit à entreprendre la conquête. Il n'était plus possible de différer la dé— termination. Quelques mois de plus ajoutés aux dix années qui s'étaient écoulées, sans que la France fit valoirses droits sur Saint-Domingue, et la voie des armes de venait indispensable, pour garantir l'honneur du pays. Le succès n'était pas douteux; mais il nécessitait des sacrifices d'hommes et d'argent sans compensation aucune : depuis l'abolition de la traite, la restauration de la colonie de Saint-Domingue était devenue impraticable. L'intérêt de l'humanité, celui du commerce français, lui des anciens colons, celui des habitans actuels de l'île, tout s'accordait pour faire préférer à la voie des armes celle d'une transaction, Elle a eu lieu dans la forme et dans les termes publiés aussitôt après sa conclusion. Vous reconnaîtrez sans doute, Messieurs, comme l'a reconnu la France entière, lorsqu'elle a vu l'acte du 17 avril, que, dans la situation donnée, il était impossible de mieux concilier la dignité de la couronne avec les autres intérêts

du pays.

ce

Dira-t-on que l'on eût pu exiger des avantages commerciaux su, érieurs à ceux qui ont été stipulés? Nous ne pensons pas que personne puisse élever une pareille prétention; et quant au montant de l'indemnité, voici les

bases d'après lesquelles il nous semble juste de l'apprécier.

En 1789, Saint-Domingue fournissait annuellement environ 150 millions de produits. En 1823, elle avait fourni aux exportations en France, pour. 8,500,000 fr. A celles en Angleterre, pour. A celles aux Etats-Unis, pour.

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Elle avait donc produit environ. >La moitié de ce produit a dû être ab`sorbé par les frais de culture et autres charges de la propriété: reste donc, pour la part des propriétaires du sol, un revenu net de.

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8,400,000

13,100,000 fr.

30,000,000

15,000,000

La valeur des biens-fonds dans les colonies se calcule sur dix années du revenu 150 millions nous ont donc paru la somme qui pouvait être exigée, comme le montant de l'indemnité due aux anciens colons auxquels la 'concession de l'indépendance du gouvernement d'Haïti enlevait la chance de recouvrer leurs propriétés par suite du rétablissement possible de l'autorité du roi à Saint-Domingue. Si nous avions conservé quelques doutes sur l'exactitude de ces appréciations, ils eussent été levés depuis que nous avons entendu les colons, appelés par le roi à préparer les moyens de répartition que nous venons vous soumettre, déclarer que le montant de l'indemnité qu'ils vont recevoir suffirait pour payer leurs anciennes habitations au prix qu'elles valent aujourd'hui.

Mais si l'acte dont je viens d'exposer devant vous les motifs, appartenait exclusivement au pouvoir royal, et ne pouvait être ni préparé ni consenti par des disposi

tions législatives, plusieurs de ses conséquences nécessitent l'intervention de la loi, et forment la matière du projet que nous allons soumettre à vos délibérations. Ainsi que nous l'avons dit, l'ordonnance royale a réservé aux anciens colons une indemnité de 150,000,000 fr. Cette somme doit être versée, pour leur compte, par cinquième, à la caisse des dépôts et consignations.

Mais quels seront les colons qui jouiront de cette indemnité? Quelles sont les pertes qui leur donneront le droit d'y participer? Quelles preuves devront-ils produire à leurs réclamations? Par qui ces réclamations seront-elles jugées? Quelles seront les proportions et les bases de la répartition? L'Etat lui-même fera-t-il valoir ses droits à l'indemnité pour les propriétés qu'il possédait à Saint-Domingue? Usera-t-il de ceux qui lui appartenaient sur les successions en déshérence? Exigera-til l'enregistrement des actes qui seront produits à l'appui des réclamations? Enfin, pour quelle portion de leurs titres, les créanciers des colons pourront-ils exercer le droit de saisie-arrêt sur l'indemnité de leurs débiteurs?

Telles sont, Messieurs, les importantes questions que la loi qui vous est proposée a pour objet de résoudre.

Une commission choisie par le roi parmi les anciens colons, les administrateurs et les négocians qui ont eu le plus de rapports avec Saint-Domingue, a déjà consacré trois mois à leur examen. S. M. nous a ordonné de joindre au projet de loi le travail de cette commission. Vous y trouverez des documens utiles et la justification des principales dispositions qui vous sont soumises. Je vais les parcourir devant vous, Messieurs, en me bornant

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