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(1660.). Les deux métropoles continuant à abandonner leurs sujets établis dans le Nouveau-Monde, ceux-ci font directement une convention qui assure à chaque peuple les possessions que les évènemens de la guerre lui avaient données, avec une ligue offensive et défensive pour forcer les naturels du pays à accéder à cet arrangement. La France obtient la Guadeloupe, la Martinique, la Grenade, et quelques autres propriétés : la Barbade, et quelques îles de peu d'importance échoient à l'Angleterre ; Saint-Christophe reste en commun.

(1665.) La France porte enfin un regard d'intérêt sur la nouvelle colonie; elle choisit pour la gouverner un gentilhomme d'Anjou, nommé Bertrand d'Ogeron, ancien capitaine de navire, et que des revers, dans ses courses maritimes, avaient obligé, en 1656, de se fixer durant plusieurs années parmi les boucaniers. Il avait étudié leur caractère et acquis leur confiance; à une grande sagesse, il joignait des vues profondes en administration. La colonie prend sous sa direction une forme et une importance nouvelles.

La compagnie des Indes ayant le commerce exclusif de l'Amérique, était alors créée depuis peu, par un édit du roi 28 mai 1664).

(1675.) Le digne Bertrand d'Ogeron meurt dans une honorable pauvreté, laissant aux colonies un souvenir durable de ses

vertus.

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(1676.) M. de Pouancey, son neveu, lui succède; il s'applique à affermir et perfectionner le système d'administration adopté par son prédécesseur.

Les colons, quittent la péninsule de Samana, trop exposée aux

<< peau sans autre bord qu'un bout rabattu sur le devant; des souliers sans a bas: tel était l'habillement de ces barbares. Leur ambition se bornait à avoir un fusil qui portât des balles d'une once, et une meute de vingtcinq ou trente chiens, »>

attaques des Espagnols, et s'établissent d'après son ordre au Cap Français, qui est fortifié par ses soins.

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(1682.) — Mort de M. de Pouancey; il laisse la colonie dans une situation déplorable.

(1683.) — M. de Cussy est appelé au gouvernement; il parvient avec peine à étouffer l'esprit de révolte qui régnait parmi le peuple. Les flibustiers avaient répandu partout le désordre: la colonie était dans un tel état de démoralisation, que l'on n'y respectait plus ni religion ni justice.

(1684.) Deux commissaires sont chargés par le ministère français de prendre, de concert avec le gouverneur, les moyens propres à l'amélioration de la police intérieure.

Ils établissent à cet effet des cours de justice dans toutes les provinces, et au petit Goave, un conseil suprême destiné à juger en dernier ressort; mais les entraves apportées au commerce rendent leurs mesures peu efficaces.

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(1689.) La France apprécie l'importance de la possession de Saint-Domingue; la conquête de la partie occupée par les Espagnols, est résolue dans ces circonstances.

M. de Cussy, chargé de l'expédition, y met autant d'intelligence que de bravoure, et après quelques jours de marche, à la tête de huit ou neuf cents hommes, il entre sans coup-férir dans San-Yago, que les Espagnols avaient abandonné à la nouvelle de son approche.

(1690.) Mais bientôt les Espagnols, au nombre de trois mille, obligent les Français à sortir de la ville, et marchent sur le Cap-Français. De Cussy fait des efforts héroïques pour les arrêter, mais sa faible troupe est vaincue; il tombe lui-même sur le champ de bataille : les assaillans mettent tout à feu et à sang.

(1691.) La métropole envoie à Saint-Domingue un gouverneur dont le mérite répond à la difficulté des circonstances; il force la flotte espagnole qui bloquait presque tous les ports français à s'éloigner, repousse avec avantage les attaques sur terre

de la nation ennemie, et au-dedans fait rentrer dans le devoir les flibustiers qui, profitant du péril où se trouvait la colonie, avaient armé contre elle.

(1694.)- L'intrépide Ducasse entreprend de punir les Anglais de leurs dispositions hostiles contre Saint-Domingue; il fait une descente à la Jamaïque, endommage les villes, et se rembarque avec trois mille nègres, une grande quantité d'indigo et d'autres marchandises précieuses qu'il a enlevés à l'ennemi.

(1695.) — Les Anglais cherchent à se venger, et aidés des Espagnols, ils fondent sur Saint-Domingue, pillent le Cap-Français, et assiègent Port-de-Paix, que la trahison force Ducasse à rendre cependant les vainqueurs ne profitent point habilement de leurs succès.

A cette époque la colonie de Sainte-Croix est transférée à Saint-Domingue, de l'ordre du roi.

(1697.)- Le gouvernement autorise les particuliers à armer plusieurs vaisseaux pour conquérir Carthagène, l'une des villes les plus riches de l'Inde; les boucaniers et le gouverneur Ducasse se joignent à la flotte commandée par le commodore Pointis. La place est prise.

Cependant la colonie française est réduite à un état de dépérissement tel, que les habitans songent à abandonner l'île; le gouverneur de San-Yago fait déjà occuper le Cap-Français par ses troupes, quand la paix de Ryswick conclue entre la France et l'Espagne, vient changer la face des choses. Cette nation cède aux Français, la partie occidentale de Saint-Domingue.

(1698.)-La partie du sud de l'île est concédée par le gouvernement français, pour trente ans, à une compagnie qui prend le nom de Saint-Louis, à la charge par elle d'y transporter, dans l'espace de cinq ans, quinze cents blancs et deux mille cinq cents noirs; de distribuer des terres à tous ceux qui en demanderont; et de leur vendre des esclaves, payables seulement trois

ans après. Cette compagnie a le monopole exclusif du commerce dans toute la partie de l'île qu'elle vient d'obtenir.

(1703.) — Ducasse, nommé commandant de la flotte française, est remplacé pour la direction de la colonie, par Auger, qui avait gouverné avec distinction la Guadeloupe.

Un commissaire-intendant ayant l'administration civile, est créé; Deslandes est revêtu de cette fonction. La mort enlève le gouverneur et lui, en octobre 1705, et février 1706.

(1715.) Les cacaotiers de l'île, qui étaient devenus-une source abondante de richesses, périssent tous; les colons appauvris par cet accident, voient augmenter leur misère par la dépréciation des billets ou assurances de la compagnie du Mississipi, qu'ils ont reçus pour prix de leurs denrées.

(1726.)-La compagnie de Saint-Louis est entièrement ruinée par la cupidité de ses agens; elle fait l'abandon de ses privilèges, qui sont transmis par le roi, à la compagnie des Indes. Celle-ci est vue avec défaveur à Saint-Domingue.

(1754.) Cependant la colonie a repris un aspect florissant; les divers produits de l'île s'élèvent à 30 millions environ, et les importations à 42 millions 462,000 livres. On y compte 14,000 habitans blancs, près de 4,000 mulâtres libres, et 172,000 nègres; 592 plantations de sucre, 3,379 d'indigo, 98,446 de cacaotiers, 6,300,377 cotonniers, 63,000 chevaux et mulets, 93,000 béles à cornes, etc. *

* La partie française de St.-Domingue était administrée par un gou#erneur général et un intendant nommés par le roi ; ils avaient des pouvoirs distincts et une autorité commune; lorsqu'ils administraient conjointement, feur puissance était sans bornes; ils promulguaient les lois, nommaient à tous les emplois et présidaient les cours supérieures de justice.—Il en existait deux sous le nom de Conseil Supérieur, l'une au Cap pour la province du Nord, et l'autre au Port-au-Prince pour celles de l'Ouest et du Sud.

Ces conseils enregistraient les ordonnances du roi, celles du gouverneur et de l'intendant, et statuaient sur l'appel des décisions des juridictions

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Jusqu'en 1789, époque de la révolution française, aucun évènement mémorable ne vient enrichir l'histoire de SaintDomingue.

(1789.)—Un déficit dans les finances, l'inégale répartition de l'impôt, et des privilèges excessifs accordés à la noblesse et au clergé, avaient réduit la nation à un état de malaise qui engendre une crise générale. Le vertueux Louis XVI, éclairé par une

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inférieures établies dans la colonie.

-On pouvait aussi attaquer les arrêts

de ces cours, devant le roi, en son Conseil d'État.

Les taxes étaient imposées par une Assemblée dite Coloniale composée du gouverneur général, de l'intendant, des présidens des conseils supérieurs, des procureurs généraux du roi et de plusieurs chefs de la milice.

Les habitans étaient divisés en trois grandes classes, 1 les blancs purs; 2o les gens de couleur et les nègres de condition libre; 3° les nègres esclaves.

Les gens de couleur étaient dans un état qui approchait de l'esclavage; ils ne pouvaient occuper aucune charge publique; les professions qui exigeaient une éducation soignée, leur étaient interdites; ils étaient tenus, à l'âge requis, de servir trois ans dans un corps militaire nommé la maréhaussée. Après ce temps, on les assujétissait durant une grande partie de l'année, aux corvées instituées pour la réparation des chemins publics; ils étaient, en outre, forcés de s'engager dans la milice de leur province ou district, sans recevoir de paie, et de s'équipper à leur frais.—Les peines établies contre eux en cas de délit et crime, étaient d'une extrême sévérité. Ils avaient la capacité d'acquérir autant de terres que leurs moyens le permettaient.

(Nos lecteurs qui voudraient avoir des notions plus complètes sur le gouvernement intérieur de la colonie et l'état des gens de couleur à toutes les époques, les trouveront dans l'ensemble des dispositions législatives, des décisions judiciaires et administratives, applicables à Saint-Domingue, que nous rapportons à la suite de cet abrégé historique. ),

La partie Espagnole de l'île, sans jouir d'une prospérité égale à la colonie Française, mieux protégée par son gouvernement, avait acquis plus d'importance que précédemment: elle avait des municipalités, la justice y était administrée par six juges respectables, qui composaient une des onze cours d'audience des colonies, et ces cours envoyaient leurs décisions en Espagne,

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