Page images
PDF
EPUB

ART. à discuter celles où le projet de loi diffère de l'avis de la commission. Quant aux points sur lesquels nous nous trouvons d'accord avec elle, je ne pourrai rien faire de mieux que de me référer aux motifs développés dans son rapport.

1; Par l'art. 1o, qui est conforme au projet de la com

2:

mission, nous vous demandons de renoncer en faveur des colons, aux droits qu'aurait l'Etat de participer à l'indemnité, soit pour les propriétés publiques qui lui appartenaient, soit pour les propriétés particulières qui lui seraient échues par deshérence.

L'art. 2 admet à réclamer l'indemnité les anciens propriétaires de biens fonds situés à Saint-Domingue, ainsi que leurs héritiers, légataires, donataires ou ayans-cause. La commission avait proposé de déroger au droit commun et de n'admettre à l'indemnité que les anciens colons, leurs acquéreurs, donataires ou légataires, leurs héritiers en ligne directe, leurs frères ou soeurs et descendans de frères ou soeurs.

Vous pèserez, Messieurs, les diverses considérations qu'on peut faire valoir pour appuyer l'une ou l'autre de ces propositions. La commission les a soigneusement recueillies; mais ne doutons pas que d'après son exposé même, vous ne pensiez avec nous qu'il convient de donner la préférence à la disposition qui a pour but de maintenir le droit commun. - Les colons sont dépossédés de fait depuis plus de trente ans, mais leurs droits sur leurs propriétés étaient demeurés intacts. Personne assurément n'eût songé à les leur contester, le jour où la France eût reconquis la colonie. L'ordonnance du 17 avril n'a pro

duit sur ces droits d'autre effet que de faire perdre à la ART. possibilité de leur exercice, l'éventualité du rétablissement de l'autorité du roi à Saint-Domingue, et, en même temps, elle a stipulé un dédommagement pour la perte de cette éventualité. A qui doit appartenir le dédommagement? A celui sans doute qui eût exercé le droit. Cette conséquence nous a paru si incontestable, que nous avons cru impossible de ne pas l'admettre, quelque puissantes que soient d'ailleurs les considérations qui ont déterminé, dans un sens contraire, l'avis de la commission.

Nous sommes d'accord avec elle pour exclure de toute participation à l'indemnité, ceux qui ont pu ou pourront recevoir à Saint-Domingue, où ils ont le droit de posséder, le dédommogement de leurs pertes.

L'article 4 fixe les délais dans lesquels l'indemnité devra être réclamée, sous peine de déchéance.

L'article 5 porte qu'il ne sera perçu aucun droit de succession pour l'indemnité, et que les titres et actes qui seront produits pour la réclamer, soit par les anciens colons, soit par leurs créanciers, seront dispensés de l'enregistrement et du timbre. Nous n'avons pas un instant balancé, Messieurs, à faire de ce vou de la commission, un article du projet de loi. Vous apprécierez les motifs qui ont dicté cet article aussi bien que l'article premier; de semblables dispositions n'ont pas besoin d'être justifiées devant vous.

Par les art. 6, 7, 8 et 9 la liquidation et la répartition de l'indemnité sont confiées à une commission divisée en trois sections, de telle sorte qu'on puisse déférer les

3.

4.

5,

6.

7. 8.

ART. décisions de l'une au jugement des deux autres qui se

9

7.

réuniront pour statuer sur les appels. Un commissaire du Roi sera chargé des fonctions du ministère public, et veillera spécialement à la conservation et à la défense des intérêts de la masse.

Cette commission, ainsi constituée, fixera, d'après les actes et les documens produits devant elle et même par voie d'enquête, s'il y a lieu, la valeur qu'avaient, en 1789, les immeubles donnant lieu aux réclamations, l’indemnité sera fixée provisoirement au dixième de leur valeur, sauf à ce qu'après la liquidation, l'excédent ou le déficit, s'il y en a, accroisse ou diminue la répartition des derniers cinquièmes, au centime le franc du montant des indemnités liquidées.

La lecture attentive du travail de la commission préparatoire vous fera connaître, Messieurs, l'impossibilité d'insérer dans la loi des dispositions plus explicites et d'y tracer des règles fixes et des bases positives d'évaluation. Les efforts tentés à cet égard par les hommes les plus capables de résoudre des difficultés qui n'eussent pas été insolubles, n'ont d'ailleurs pas été inutiles: les bases d'évaluation qu'ils ont indiquées, fourniront presque toujours à la commission de liquidation, les moyens les plus sûrs pour parvenir à fixer la valeur des propriétes perdues; mais la multiplicité de ces bases qu'il fallait nécessairement diversifier, afin qu'elles pussent au besoin se suppléer les unes aux autres, offrirait un grand danger si ces mêmes bases étaient consacrées par la loi, et si quelques-uns des réclamans en se contentant de faire les productions les plus favorables pour eux, pouvaient, la loi à la

1

main, exiger que leurs pertes fussent évaluées à un taux que ART. la commission, d'après d'autres documens et son intime conviction, reconnaîtrait exagéré.Quelle que pût être d'ailleurs la diversité des bases fixées par la loi, à quoi servirait-elle pour régler l'indemnité d'un très grand nombre de réclamans qui se trouveront dans l'impossibilité de produire les documens nécessaires à leur application et pour lesquels il faudra nécessairement recourir à la voie de l'enquête et de la preuve testimoniale.

Nous avons donc pensé, Messieurs, que les bases présentées par la commission, devaient être indiquées comme guide utile dans l'ordonnance d'exécution; mais qu'elles ne pouvaient être imposées par la loi comme règles immuables de la liquidation, sans s'exposer à la rendre injuste, quelquefois même impraticable.

Nous avons suppléé autant qu'il a été possible de le faire à cette absence de bases légales, que la matière et les circonstances semblent exclure, par toutes les garan ties que la combinaison des formes nous a paru pouvoir présenter. Nous regardons comme d'un grand intérêt sous ce rapport, la faculté de l'appel et l'intervention d'un commissaire du Roi, et c'est dans cette vue que nous avons ajouté cette dernière proposition à celles de la

commission.

Enfin, Messieurs, nous avons pensé comme elle, que ́10. les créanciers des colons ne devaient être autorisés à former saisie-arrêt sur l'indemnité, que pour la dixième partie du capital de leur créance. N'est-il pas juste, en effet, qu'après un tel naufrage, les victimes d'un malheur commun soient admises à partager, dans la proportion de

ART. leurs pertes, les tristes débris échappés à la tempête? L'un doit-il être traité comme si rien n'eût péri, l'autre, comme si rien n'eût été sauvé? L'indemnité se réduit, pour les colons, au dixième des propriétés qu'ils ont perdues à Saint-Domingue; réduire également au dixième les droits que leurs créanciers pourront exercer sur l'indemnité, c'est, à notre avis, un acte de justice qui eût suffi pour rendre une loi indispensable, alors même qu'aucune disposition relative à l'indemnité des colons n'eût nécessité l'intervention législative.

loi

Telles sont, Messieurs, les dispositions du projet de que nous sommes chargés de vous présenter; heureux si vous jugez que nous avons réussi à rendre possible une opération qui présentait des difficultés presque insurmontables; plus heureux encore, si son exécution devenue, par le concours de vos lumières, plus facile, plus prompte, vient apporter enfin quelque soulagement à de grandes infortunes.

« PreviousContinue »