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« Considérant que ce droit n'ayant pas été fixé dans « la personne d'Albert - Jos. Degrady, puisqu'il est « mort avant la naissance de l'enfant, il n'a pu aussi « le transmettre; qu'il s'ensuit que les demandeurs, «< comme héritiers d'Albert-Jos. Degrady, sont ici con

tradicteurs illégitimes, et que l'enfant doit être « maintenu dans l'état où il était au moment de la << mort du mari;

a Considérant que la loi n'a aucun égard à la décla«ration de la mère, et qu'elle ne peut mériter ici au<< cune attention;

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« Le tribunal déclare que Victoire-Joséphine Degrady est enfant légitime de Jeanne - Victoire - Su«sanne Degrady, et d'Albert-Jos. Degrady, renvoie en conséquence la partie défenderesse des conclu«sions formées contre son état. »

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Appel de ce jugement.

Pour le faire réformer, la partie appelante a dit : Que l'enfant était né le 164.e jour a dater du mariage;

Que de cette naissance prématurée, il résultait que le mari avait eu le droit de le désavouer;

Que ce désaveu avait eu lieu; qu'à la vérité le mari avait désavoué l'enfant avant sa naissance; mais qu'il était indubitable, que cette circonstance ne pouvait rendre le désaveu nul, 1.o parce que la loi n'exige pas qu'il soit postérieur à la naissance; 2.0 parce que dans les deux suppositions, soit d'une naissance antérieure, soit d'une naissance postérieure au 180.

jour, ce désaveu pouvait produire son effet, car, dans le cas d'une naissance antérieure au 180. jour, le désaveu du mari suffisait seul, indépendamment de toute autre preuve, pour faire rejeter l'enfant désavoué; et dans le cas d'une naissance postérieure au 180.e jour, ce désavcu n'était pas inopérant, puisqu'il était le commencement d'une action, par laquelle le mari lui-même, ou ses héritiers, pouvaient encore au moyen de la preuve de l'impossibilité physique de cohabitation, parvenir à faire déclarer l'enfant illégitime; 3. parce que ce système de nullité pourrait en outre avoir l'effet terrible de porter une femme coupable à faire périr son mari, pour empêcher le désaveu de son enfant.

Ce désaveu n'est pas contenu dans un acte extrajudiciaire, il a été reçu par le président du tribunal de première instance; il est vrai qu'il y est donné comme motif d'une demande en divorce, mais en même-temps l'acte énonce en termes exprès, que l'enfant n'est pas d'Albert-Jos. Degrady; or, cela doit fuffire, puisque la loi n'exige pas des termes sacramentaux, c'est une erreur de prétendre qu'en pareil cas, c'est-à-dire, lorsque l'enfant est né avant le 180.e jour, le désaveu du mari doive être appuyé de la preuve du fait qu'il y a eu imposibilité physique de cohabitation: cette preuve, ou toute autre, n'est requise que lorsque l'enfant est censé conçu dans le mariage.

En supposant la nullité du désaveu fait par le mari, celui qui a eu lieu après la naissance de l'enfant par les héritiers serait à l'abri de toute attaque;

S'il était nécessaire, pour rendre ce dernier désaveu

valable; de l'étayer de preuves évidentes, cette tâche serait bientôt remplie : ces preuves résultent de l'époque de la naissance de l'enfant; de la déclaration de la mère même, donnée le jour de son accouchement ; du mandat donné par elle aux gens de l'art, présens à son accouchement, pour les charger de présenter son enfant à l'officier de l'état civil, comme un enfant naturel; du contenu des registres de l'état civil; et enfin des aveux faits au nom de la mère par-devant le bureau de conciliation.

D'autre part, il est contraire aux principes reçus en matière de presciption, de prétendre éloigner la réclamation des héritiers, sous prétexte qu'ils seraient obligés d'attendre qu'ils soient troublés dans la possession des biens de la succession, avant de pouvoir agir; que d'ailleurs une exception de cette nature ne pourrait avoir qu'un effet suspensif, et que néanmoins le premier juge l'a considérée comme péremptoire, en renvoyant tout simplement les défendeurs de la demande contre eux formée.

Le tuteur de l'enfant et sa mère présentaient à la Cour tous les motifs énoncés dans le jugement de première instance; ils leur donnaient une nouvelle force par le développement, en observant qu'un enfant, né même avant le 180.e jour ne doit pas être déclaré illégitime ipso facto; que la maxime: Pater est is, etc., et la disposition contenue dans l'art. 312 du code, qui adopte cette même maxime, établissent une présomption légale en faveur de l'enfant né pendant le mariage, que cette présomption subsiste et doit subsister aussi long-temps qu'elle n'est pas détruite par une présomption contraire, que cette présomption contraire ne peut être établie que par une preuve qui consta

te qu'il y a eu impossibilité de cohabitation; que dans l'espèce il n'existe aucune preuve, qu'ainsi la présomption favorable à l'enfant demeure dans toute sa force;

Que cette jurisprudence avait été celle de tous les parlemens de France, dont on rapportait une foule d'arrêts, qui avaient prononcé la légitimité d'un grand nombre d'enfans, dont les uns étaient nés dans le sixième mois du mariage, mème antérieurement, et les autres après le onzième, à compter de la dissolution du mariage, ou plus tard encore;

Qu'il esi bien vrai que la légitimité d'un enfant, né avant le 180.e jour, peut être contestée, mais qu'il ne s'ensuit point, que par cela seul que cette légitimité peut être contestée, l'enfant doive être déclaré illégitime;

Que la loi ne laisse point à l'arbitrage du mari, la faculté de rendre illégitime tout enfant né avant le 180o. jour; que c'est au juge à examiner, si la preuve que la loi lui permet de faire, pour établir la non légitimité, est recevable et concluante, ou si elle ne l'est pas ;

Que l'article 318 du code prouve que le désaveu n'est rien par lui-même, et que la naissance anticipée ne suffit pas pour l'autoriser, puisque, si cette circonstance suffirait, il serait inutile d'intenter une action contre l'enfant, et de lui nommer un tuteur ad hoc, pour le défendre;

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et

Que, dans l'espèce, l'enfant n'avait pas même été désavoué par Albert Degrady; que l'acte en question n'avait eu pour objet qu'une demande en divorce, que des termes énonciatifs, exprimés dans un acte étranger, ne pourraient jamais constituer un désaveu formel;

Que le désaveu de ses héritiers ne méritait aucunement l'attention de la Cour, parce que ceux-ci n'avaient pas le droit de désavouer l'enfant de leur fils, et par ce qu'ils ne l'avaient foudé sur aucune preuve;

Que les déclarations de la mère étaient nulles et insignifiantes, ayant été dictées par la douleur et l'obsession, et parce que c'est une maxime reconnue, qu'on ne peut alléguer sa propre turpitude; que d'ailleurs toutes ces déclarations avaient été révoquées et annullées par la mère elle-même.

«

ARRÊT TEXTU EL.

<< Victoire-Joséphine Degrady, née, le 13 ventôse « de la présente année, de la dame Jeanne-Victoire« Susanne Degrady, épouse du sieur Albert-Joseph Degrady, doit-elle être déclarée enfant légitime de « ce dernier?

«

<< Vu les articles 314 et 317 du code civil, ainsi * conçus, etc., etc. :

«Attendu que Victoire-Joséphine Degrady est née « le 164.e jour après le mariage de sa mère avec le «sieur Albert Degrady; qu'ainsi, pour la désavouer, « il n'est pas nécessaire de prouver que le mari a été « dans l'impossibilité physique de cohabiter avec sa « femme pendant le temps qui a couru depuis le 300.e « jusqu'au 180.e jour avant la naissance de ladite Vic«toire-Joséphine, puisque cet enfant ne peut être pré« samé conçu pendant le mariage; qu'il s'ensuit que « la maxime: Pater is est quem nuptiæ demonstant, « ne peut être admise, et que l'article 312 du code n'est point applicable à l'espèce;

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