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par-devant le mayeur et deux échevins de Buggenhout, comme délégués du ci-devant prince de Grimberghe, seigneur de Buggenhout.

Il paraît que l'état de messenier est une sorte d'affranchissement ou droit qui dérive de la munificence des anciens princes de Grimberghe, et auquel sont attachés certains avantages ou priviléges reconnus par les coutumes. Ce titre et ses effets ont été introduits dans la coutume d'Uccle.

En 1749, peu de jours après avoir été reconnue messenière, Catherine Vandevelde épousa en secondes noces le nommé Jean Demul, non revêtu de la qualité de messenier...

Par leur contrat de mariage il est stipulé que le survivant aura en pleine propriété tous les effets mobiliers: haeffelycke ende mobiliaire effecten; telle est la clause en langue flamande.

Quant aux acquêts, les époux se réfèrent à la coutume locale.

Au décès de Jean Mul, Catherine Vandevelde survivante, resta en possession de tous les meubles, et choses réputées telles, ainsi que des immeubles de son mari. Elle décéda en l'an IX.

Adrien et Gilles Caluwaert, ses fils du premier lit, prirent tout le mobilier, et continuèrent même la jouissance des immeubles du second mari; mais ils furent bientôt inquiétés de la part des héritiers de Jean Mul, qui demandèrent,

1. La moitié de l'argent monnoyé, des actions, rentes, crédits et des immeubles non réalisés. Tome 1, N° 2.

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2.0 La remise des tititres des immeubles, avec restitution de fruits; le tout au pied de l'inventaire qui devait être fait.

Adrien et Gilles Caluwaert offrirent l'inventaire et la remise des titres des immeubles de Jean Mul: ils ne parlèrent point de la restitution des fruits; mais, en ce qui concerne le mobilier, ils opposèrent la qualité de messenière dans la personne de leur mère, et en même-temps la clause insérée dans son contrat de mariage, de laquelle ils inféraient que la totalité des meubles et choses réputées telles lui avait appartenu à titre de survie.

Il est bon de dire que, dans la coutume d'Uccle, la femme n'emporte que la moitié des meubles et choses réputées mobiliaires, et seulement l'usufruit de l'autre moitié, mais que la totalité lui est déférée suivant l'article 45, si l'homme, est messenier ou bourgeois de Bruxelles,

Or, Jean Mul n'était ni l'un ni l'autre donc, disaient ses héritiers, la survivante a été réduite, aux termes de la coutume d'Uccle, à la moitié de la communauté mobiliaire, sauf l'usufruit de l'autre moi

tié.

Ils attaquaient d'ailleurs son titre de messenière, comme nul à défaut des formalités prescrites pour acquérir cette qualité.

Ils citaient un ancien concordat de 1580, qui exige le concours de quatre échevins et de quatre parens, tandis que l'acte du 7 janvier, produit par les fils de Catherine Vandevelde, relate seulement la présence de deux échevins et de deux parens.

:

par

Fût-elle messenière, ajoutaient-ils, son mari ne l'était pas elle n'a, suivant la coutume d'Uccle, de privilége que par son mari. Sa qualité personnelle s'est évanouie l'effet de son union avec un nonmessenier, de même qu'une femme noble qui s'alliait à un roturier, suivait la condition de son époux, et rentrait, pour l'exercice de ses droits matrimoniaux, dans la classe des plébéiennes.

Si Catherine Vandevelde n'a pas été fondée à participer aux priviléges que la coutume d'Uccle n'attribue qu'aux femmes des messeniers, son contrat de mariage ne l'a pas autorisée à se saisir, à titre de propriété, de toute la communauté mobiliaire.

Quelle que soit la faveur due aux contrats de mariage, on ne doit pas les interpréter autrement que les autres conventions.

Sous la clause d'effets mobiliers, exprimée ainsi qu'elle l'est en idiome flamand, on n'a jamais entendu que les meubles ordinaires. Pour que l'argent, les actions, rentes, crédits, ou immeubles non réalisés y soient compris, il faut que la stipulation soit énoncée avec une adjection qui frappe sur l'intégralité de l'objet, comme tout le mobilier, tous les biens meubles.

Que l'on consulte tous les traités de mariage, et on y reconnaîtra que pour donner un sens général à cette clause, on n'a jamais manqué de la rendre de manière à ne laisser aucun équivoque.

Le mot effet ne présente pas dans la langue flamande l'idée dont il peut être susceptible dans l'i

diome français; c'est une espèce, et non la géné ralité des biens meubles. Impossible que l'expression s'étende, même dans le sens vulgaire, à l'argent monnoyé, aux actions, obligations, capitaux, ou immeubles non réalisés.

C'est donc en abusant de la stipulation que Catherine Vandevelde, et après elle ses fils, ont osé retenir la totalité de ce qui est réputé mobilier, et qu'ils refusent encore d'en rendre compte.

Deux exceptions, dont une suffirait, répondeut les défendeurs, repoussent également, et avec le même succès, les prétentions des héritiers de Jean Mul.

Ces héritiers confondent deux choses très-distinctes, la création et la reconnaissance du titre de messenier.

Il est possible que, suivant l'ancien concordat de 1580, l'état de messenier n'ait été accordé que par quatre échevins, et à l'assistance de quatre parens; mais, en 1749, Catherine Vandevelde n'a pas obtenu la création de ce privilége: elle l'a fait reconnaître, donc elle en jouissait personnellement avant cette époque.

Fallait-il les mêmes formalités pour la reconnaissance du titre que pour sa création? ou plutôt, le concordat de 1580, n'était-il pas tombé en désuétude? n'avait-il pas été abrogé par de nouveaux réglemens sur la matière?

Toutes ces suppositions se résolvent en faveur de Catherine Vandevelde, par la teneur de l'acte échevinal, du 7 janvier 1749;

Parce que les échevins y stipulent d'après les nouvelles ordonnances;

Parce qu'ils s'y disent délégués du prince de Grimberghe;

Parce que la présomption est en faveur de la légalité de l'acte reçu par des magistrats, censés opérer utilement dans l'exercice de leurs fonctions.

Il est donc hors de doute que Catherine Vandevelde jouissait de l'état de messenière.

A-t-elle perdu ses priviléges en épousant Jean Mul?

Pour l'exclure de la totalité du mobilier, on objecte la coutume d'Uccle, et on l'interprète judaïquement.

La coutume d'Uccle accorde à la femme du messenier, ou du bourgeois de Bruxelles, tout le mobilier; mais c'est alors une faveur dont elle a besoin lorsqu'elle n'est pas elle-même messenière : elle est associée à l'état de son époux; elle participe aux avantages et aux priviléges de celui auquel elle a uni son sort. Mais, si elle est personnellement messenière, est-elle privée des droits que la coutume et l'usage donnent au titre de messenier?

D'abord la coutume, dans une exception favorable à l'épouse du messenier, ne rejette pas les droits personnels de la femme, et comment concevoir qu'elle les repousserait, lorsqu'il est certain que l'état ou la qualité de messenier ont pris naissance dans la seigneurie des princes de Grimberghe, où la coutume, article 4, parle indistinctement des messeęniers, sans admettre aucune distinction entre l'homme et la femme.

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