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Morissen, son créancier, qui se fit inscrire en temps utile an bureau de la conservation des hypothèques.

La dame veuve Robiano prit aussi une inscription hypothécaire, mais seulement le 25 messidor an XIII.

L'accomplissement des obligations contractées par Jaspers, détermina le sieur Morissen à poursuivre l'expropriation forcée des immeubles qui lui étaient affectés par l'acte du 3 avril 1795.

La dame veuve Robiano intervint, et revendiqua le domaine direct qu'elle prétendait être resté dans les mains du cédant, puisqu'il s'agissait d'un bail emphytéotique.

Morissen observa que l'acte du 3 novembre 1779 n'avait rien du bail emphythéotique que le nom; que, dans la réalité, c'était un bail à rente rachetable.

Cette observation fut accueillie du premier juge, qui ordonna qu'il serait passé outre à la vente des biens saisis.

La dame Robiano, appelante, tentait de démontrer que l'acte du 3 novembre 1779 contenait up bail emphyteotique.

Elle disait, que telle avait été l'intention des parties; qu'elles l'avaient exprimée dans le contrat, et que Gillis et sa femme l'avaient répétée dans l'acte de cession faite à Jaspers;

Qu'ainsi le domaine direct avait été retenu an profit du propriétaire.

Que l'inscription prise au mois de messidor, n'était qu'une précaution surabondante; qu'elle n'en avait

pas besoin pour fonder sa demande en revendication du domaine direct, parce que son droit résidait dans une partie du fonds pour la conservation duquel l'hypothèque était inutile.

A l'objection que le capital avait été stipulé rachetable, elle répondait que cette faculté accidentelle, accordée aux preneurs, ne détruisait pas la substance de l'acte, et n'empêchait point, que jusqu'au rachat, il ne fût resté dans les termes d'une emphyteose auquel toutes les autres clauses conviennent; par conséquent, que le domaine direct ne fût toujours sur le chef du cédant ou de ses ayant-cause.

Elle soutenait au surplus que, quand ce serait un bail à rente, le droit se serait conservé indépendamment des formalités relatives aux hypothèques et priviléges, parce qu'il est in traditione fundi.

Ce n'est point au sens grammatical, répondait le sieur Morissen, qu'il faut juger les actes, mais bien par ce que les parties ont eu intention de faire, par ce qu'elles ont réellement fait.

Qu'ont-elles réellement fait ici? Un véritable bail à rente rachetable.

D'abord, cela est ainsi stipulé.

En second lieu, le bien reste affecté au paiement des canons, et au remboursement du capital. De plus, les acquéreurs assignent leur propre bien en hypothèque.

Ces diverses clauses répugnent à la nature du bail

emphyteotique; mais ce qui démontre à l'évidence que la propriété avait été cédée toute entière, c'est qu'il ne restait plus rien à faire pour la transférer : en remboursant le capital, tout était consommé. Il ne s'agissait donc pas d'un acte translatif de propriété, mais d'une simple quittance qui libérait l'acquéreur de toute obligation, et, à ce moyen, le bien lui demeurait libre de toutes affectations.

La prestation annuelle recognitive du domaine direct réservé, est ce qui constitue essentiellement l'emphytéose: Ut ecce de prædiis quæ perpetuo quibusdam fruenda traduntur, id est, quamdiu pensio præs tetur; § 3, inst. de locatione.

C'est ce qu'explique Vinnius, lorsqu'il enseigne præestatio pensionis seu canonis, pars est essentialis contractus emphyteutici et argumentum retenti dominii, in cujus rei fidem etiam solvitur.

Le domaine direct et le domaine utile étaient convertis en un capital, en une somme d'argent, pour sûreté desquels les biens demeuraient affectés, ainsi que d'autres immeubles des preneurs. Ce capital produisait une rente rédimible: voilà le contrat. Du fonds, rien n'était retenu, si ce n'est comme gage du prix du bail à rente.

Si la dame Robiano croit devoir exercer des droits sur le prix de la vente, c'est au jugement d'ordre que la discussion de cet objet appartient; mais puisqu'il est visible qu'elle n'est pas propriétaire, la demande en revendication doit lui être refusée.

Il est même douteux si la voie de revendication

:

compète à celui qui a laissé à bail emphyteotique ; car il n'est pas propriétaire à l'effet de revendiquer le fonds il peut former opposition afin d'être conservé dans ses droits, afin que la vente n'ent lieu qu'à la charge des canons et des clauses du titre primitif; il a dans certains cas la faculté de faire résoudre le contrat. Tout cela est étranger à une demande en revendication, et rien ne justifie mieux cette observation que la vente faite par Gillis à Jaspers, et reconnue par madame Robiano. Si, dans l'opinion de cette dernière, Gillis a pu vendre à un tiers, à charge de la prestation, et aux conditions de l'acte du 3 novembre 1779, pourquoi l'expropriation ne se ferait-elle pas de même sur le nouveau tenancier, sauf l'opposition, afin d'être conservé dans les droits et charges du contrat?

Du reste, ce n'est là qu'une réflexion surabondante; car, non-seulement l'acte du 3 novembre 1779 ne contient pas un bail emphytéotique, mais il en est même exclusif, puisqu'il y a fixation de prix qui représente la valeur du fonds aliéné, et qui produit une rente rachetable au gré des preneurs.

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<«< Parties ouïes, la cause a donné lieu à la ques<< tion de savoir si l'appelante avait retenu le do<< maine des biens dont s'agit, en vertu de l'acte du « 3 novembre 1779.

« Sur quoi,

«< Attendu que la nature des actes ne dépend pas « de la dénomination que leur donnent les parties

« contractantes, mais qu'ils sont déterminés par les «< clauses qui en constituent la substance;

« Attendu que, quoique les parties aient quali«fié d'emphythéose l'acte du 3 novembre 1779, « néanmoins il est par sa nature un véritable con« trat à rente rachetable;

«

Que le prix auquel le rachat peut se faire, est « fixé ;

« Que cette stipulation répugne à l'emphytéose « dans lequel le cédant retient le domaine direct, << mais qu'elle convient entièrement au contrat à rente << rachetable;

«

Que l'appelante a elle-même stipulé dans ce << sens, en faisant insérer dans l'acte du 3 novem<< 1779, que les immeubles concédés, ainsi que d'au<< tres biens appartenant aux arrentaires, seraient af«fectés pour assurance de la rente et du capital;

« D'où il suit que la propriété est passée aux « preneurs par l'acte même du 3 novembre 1779, « et que l'appelante, en tant qu'elle agit par voie « de revendication, est non recevable;

«Par ces motifs,

«La Cour met l'appellation au néant, avec amende « et dépens.

Du 13 fructidor an XIII. Troisième section.

MM. Verhaegen, pour la dame Robiano; Wyns fils, pour le sieur Morissen,

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