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mais s'ensuit-il que ce que prescrit l'article 121 fut moins le résultat d'une maxime fondamentale pré existante?

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Cette maxime était tellement sacrée, que, lorsque des cours ont cherché à s'y soustraire, sans doute par. des considérations particulières, le conseil les a constamment ramenées à l'exécution de l'article 121 de l'or donnance de 1629. Denizart, au mot. paréatis.

On pourrait citer, à cet égard, une foule d'arrêts.

C'est une loi de l'état inviolable, que le droit de souveraineté ne se divise pas. Brodeau, sur Louet lettre D, n. 49.

On trouve la même doctrine dans plusieurs auteurs: elle est énoncée au Répertoire universel de jurisprudence, au mot paréatis, et au mot étranger, comme chose non controversée.

Il est donc vrai, qu'indépendamment de l'article 121 de l'ordonnance de 1629, la loi inviolable de la souveraineté y produisait naturellement le même effet que l'exécution de l'ordonnance qui n'a fait que la rendre plus solennelle.

Dans l'hypothèse même de l'opinion de Boullenois, dans son Traité des statuts réels et personnels, tome 1.er, page 646, où il n'admet le principe que quand le Français a plaidé en pays étranger comme défendeur; Bouvy pourrait encore invoquer son autorité, puisqu'il a été condamné, comme défendeur, par les échevins de Lommel; mais cette distinction est purement idéale, la loi la rejette textuellement.

Tome 1, N.° 5.

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: Supposé maintenant que l'art. 121 de l'ordonnance. de 1629 soit indifférent dans la cause, parce que cette ordonnance n'a pas été publiée dans la Belgique eh bien! Bouvy se retrouve sous l'égide des lois du Brabant.

Au surplus, que les sentences rendues en pays étran❤ gers n'aient aucune force de chose jugée en France, c'est-ce que la cour de cassation a décidé le 18 pluviôse an XII.

La Cour d'Appel de Liége a jugé, le 15 floréal an X (*), (et le pourvoi contre son jugement a été inutilement tenté) qu'un arrêt, rendu au parlement de Paris contre un Liégeois, avant la réunion de Liége à l'empire français, n'était pas exécutoire, et ne contenait pas efficacement l'exception de chose jugée.

Le principe du droit public, que les sentences des tribunaux étrangers n'ont ni la force, ni le caractère, ni les effets de la chose jugée dans une autre souveraineté, n'est donc méconnu nulle part.. Les conventions diplomatiques qui ont été faites entre les souverains, sont des dérogations à la règle générale, et contribuent à l'affermir.

Des traités de réciprocité, il n'y en a pas de conclu entre la France et la république batave, et l'usage qui se pratiquerait dans un état, ne ferait pas loi à l'état qui ne voudrait pas de représailles.

(*) Voyez le quatrième volume des Décisions notables des Cours d'Appel de Bruxelles, Liége et Trèves, pag. 214.

Inutilement argumenterait-on de l'art. 3, titre 1, chap. 1, de la loi du 11 brumaire an VII, où il est dit que l'hypothèque existe, mais à la charge de l'inscription, 1.0 pour une créance consentie par acte notarié; 2.0 pour celle résultante d'une condamnation judiciaire, etc.

Evidemment, la loi ne reconnaît de condamnations judiciaires, que celles qui sont prononcées par des tribunaux français, et c'est prendre trop judaïquement le texte de l'article 3 de la loi du 11 brumaire, que d'en conclure qu'il s'applique aux jugemens des tribunaux étrangers. La même raison militerait en faveur des actes reçus par les notaires de tous les pays. On sent la conséquence d'un raisonnement aussi frivole.

Plus inutilement recourrait-on à l'art. 2123 du code civil, pour en induire que les jugemens rendus en pays étrangers sont susceptibles d'être déclarés exécutoires sur simple requête, ainsi qu'il en a été usé par le tribunal d'Anvers.

Cet article porte, à la vérité, que l'hypothèque ne peut pareillement résulter des jugemens rendus en pays étrangers, qu'autant qu'ils ont été déclarés exécutoires par un tribunal français, sans préjudice des dispositions contrairés qui peuvent être dans les lois politiques ou dans les traités.

Cette disposition du code civil a été publiée postérieurement au mandat d'exécution et à l'inscription hypothécaire, ainsi, elle ne peut avoir aucune influence sur la décision de la cause.

Fût-elle obligatoire, la condition de l'intimé n'en,

serait pas meilleure, car, à défaut de conventions diplomatiques, le jugement de Lommel ne lui don nerait aucun droit hypothécaire, à moins qu'il ne fût déclaré exécutoire par un tribunal français.

Or, la nécessité de faire déclarer le jugement exé, cutoire, , suppose qu'il ne l'était pas auparavant. Imaginera-t-on que le juge, auquel il sera présenté par la partie qui l'a obtenu, le rendra exécutoire sur une simple pétition, et sans entendre la partie condamnée; mais alors ce serait purement un paréatis. Le paréatis suppose déjà que le titre est exécutoire, mais qu'il faut la permission du juge local, pour qu'un des huissiers du tribunal qui accorde le paréatis puisse exploiter.

C'est ainsi qu'on en usait de bailliage à bailliage, ou de cour supérieure à cour supérieure dans l'intérieur du royaume : pourquoi? parce que les arrêts et jugemens étaient revêtus du sceau du même souverain; qu'ils étaient exécutoires, moyennant la permission du tribunal dans le ressort duquel l'exécution devait se faire, lorsqu'il n'avait pas prononcé lui-même. Cette permission de pure formalité n'ajoutait donc rien à la force et au caractère du jugement elle n'avait d'autre objet que la reconnaissance de l'ordre des juridictions entr'elles, et d'attribuer aux huissiers du tribunal, qui donnait le paréatis, le droit d'exécuter.

:

En était-il ainsi des jugemens rendus en pays étrangers? Non sans doute, ils n'étaient pas exécutoires; il fallait donc, pour les faire déclarer tels, non demander un paréatis, une permission d'exécuter, mais assigner la partie, et conclure à ce qu'ils fussent

déclarés exécutoires. La partie condamnée avait alors la faculté d'opposer les exceptions, et d'engager la contes➡ tation, comme si aucune décision ne fut intervenue.

Impossible de donner un autre sens à l'article 2123 du code civil.

Cependant, c'est sans entendre Bouvy que le tribunal d'Anvers a déclaré le jugement de Lommel exécutoire; c'est un vrai paréatis qu'il a accordé. Il a donc décidé qu'un jugement rendu en pays étranger portait exécution parée, sauf la déférence due à sa juridiction, puisqu'il n'a pas soumis la demande aux formes constitutives de l'ordre judiciaire.

L'intimé dira-t-il que le jugement de Lommel a été prononcé entre deux républicoles bataves? Mais, sans entrer dans l'examen du caractère et de la force d'un jugement rendu dans cette hypothèse, lorsqu'il s'agirait de le mettre à exécution contre la partie condamnée qui a repris son domicile en France l'allégation est démentie, par les pièces d'où résulte la preuve que Bouvy n'a jamais cessé d'habiter la France, et qu'il n'a point été domicilié à Lommel.

Donc, le tribunal d'Anvers a fait violence au principe, en décernant, sur simple requête, un mandat d'exécution contre Bouvy, et l'intimé a commis luimême une voie de fait en prenant inscription hypothécaire sur des immeubles qui n'étaient point susceptibles d'être frappés de cette annotation injurieuse et vexatoire.

Ce que l'appelant vient d'établir contre les jugemens des tribunaux étrangers, s'applique avec plus de force encore contre l'hypothèque.

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