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L'hypothèque dérive du droit civil: hæc obligatio efficax ex jure prætorio. Cujas, sur la loi 5 ff. de justitid et jure. Or, l'effet des lois civiles ne se communique point de nation à nation.

En France, l'article 121 de l'ordonnance de 1629 repousse toute argumentation. La jurisprudence des arrêts y est conforme. Denisart, au mot hypothèque ; Répertoire universel de jurisprudence, au mot étrangers.

Dans la Belgique, l'hypothèque judiciaire n'était pas admise; et si les condamnations prononcées par les juges indigènes n'emportaient point hypothèque, certes, à plus forte raison, celles des tribunaux étrangers.

La loi du 11 brumaire a opéré un changement; mais uniquement pour les tribunaux français: comme il a été ci-devant observé, l'étranger ne participe pas aux bénéfices de nos lois civiles.

Enfin, Cohuë fait à Bouvy le reproche de décliner sa défense au fond, comme pour l'accuser de mau-` vaise foi et du dessein de disposer des immeubles au préjudice de l'inscription hypothécaire.

La justification de Bouvy est facile. Il opposéra ses moyens quand il aura été statué sur la violence faite à la loi, et il lui sera aisé de démontrer l'injustice des prétentions de son adversaire; mais il s'agit, avant tout, de réprimer une vexation, et de réparer le préjudice qui en résulte.

Qu'opposait l'intimé à toutes ces observations? Beaucoup de faits et de circonstances, en vertu desquels la question n'eût pas demeuré la même si la preuve des allégations avait été clairement établie.

En effet, il s'était imposé la tâche de vérifier que Bouvy était domicilié à Lommel à la date des obligations qu'il y avait contractées.

Il disait que Bouvy avait déserté Lommel comme un débiteur fugitif, et que, n'ayant pu le suivre dans ses aberrations, il avait pu le traduire devant la justice de Lommel, et et y faire prononcer la condamnation;

Que dans ce cas la sentence était rendue entre deux étrangers, et non contre un Français au profit d'un étranger ;

Qu'ainsi toutes les lois du Brabant et de France que l'on avait citées étaient sans application, étant de principe que les jugemens des tribunaux étrangers rendus entre étrangers s'exécutent en France sans nouvel examen, et sur un simple paréatis.

Pour remplir sa tâche, Cohuë s'était procuré une déclaration de deux échevins et d'un secrétaire du village de Lommel, qui attestaient (sans indiquer de faits positifs) que Bouvy demeurait dans cette commune à l'époque de la création des éffets, et l'époque du jugement rendu le 25 juin 1803.

Cohuë tirait de ce certificat un autre raisonnement; c'est que, si Bouvy était fugitif, l'usage attesté par l'acte de notoriété de la cour de Bréda, et suivant lequel on autorisait en Hollande l'exécution des jugemens français contre des fugitifs, faisait, au tribunal d'Anvers, un devoir d'admettre la réciprocité.

N'importe qu'on ne produise point de loi politique, cet usage ne tend pas à distraire l'individu de son juge

naturel; son but est de donner des sûretés au commerce en permettant à un créancier d'user de toutes les ressources que peut lui offrir la fortune de son débiteur pour l'accomplissement de ses obligations qui sont en elles-mêmes du droit des gens.

De là, la conséquence que le mandat d'exécution était à couvert de toute critique raisonnable, puisque, d'une part, le jugement avait été rendu entre deux étrangers, et que, de l'autre, un débiteur fugitif pouvant être saisi en Hollande en vertu d'un jugement porté 'en France, il en devait être de même d'un jugement rendu dans la république batave.

L'attache du tribunal d'Anvers était tout ce qui était nécessaire pour que le jugement de Lommel produisit le même effet que s'il avait été rendu en France. Dès-lors, Cohue n'a plus eu d'autres formes a remplir pour frapper les immeubles de son débiteur du droit d'hypothèque, que celle de l'inscription faite au bureau de la conservation.

L'article 3, titre 1.er, chapitre 1er de la loi du 1I brumaire an VII, ne fait même aucune distinction entre une condamnation judiciaire d'un tribunal francais, et la condamnation judiciaire d'un juge étranger. S'il y a condamnation judiciaire, l'hypothèque existe à la charge de l'inscription.

Ici, la condamnation judiciaire est produite, et l'inscription est ce qui fait la matière du procès; donc, aux termes de la loi, qui ne distingue pas, l'hypothèque est pleinement acquise.

C'est en vain que l'on oppose les anciennes lois

qui

qui ont régi le Brabant, elles ont eu plus de rapport à la liberté civile qu'aux biens des débiteurs dont elles n'ont jamais voulu favoriser la mauvaise foi.

On a dit qu'elles étaient sans application dans l'espèce où il s'agit de l'exécution d'une sentence rendue entre deux étrangers et contre un fugitif : elles sout en core sans application d'un autre chef, puisque les condamnations judiciaires n'emportaient pas hypothè

que

avant la loi du 11 brumaire. Ainsi, le cas ne s'est point présenté dans l'ancien ordre de choses; ainsi, nulle conséquence à tirer des lois qui ont régi le Brabant.

L'ordonnance de 1629 n'ayant pas été promulguée dans les départemens réunis, l'article 121 n'y a aucune force de loi.

Cette ordonnance n'a pas même été généralement observée dans l'ancienne monarchie. Plusieurs parlemens ont refusé de s'y soumettre. De ce nombre sont ceux de Bourgogne et de Franche-Comté, provinces qui ont eu les mêmes souverains que la Belgique.

La question de savoir jusqu'où les contrats et jugemens passés ou rendus en pays étrangers étaient exécutoires ou hypothécaires, a donc été un sujet de controverse dans l'ancien régime, et dès que la jurisprudence n'y était pas uniforme, il est impossible de voir dans l'article 121, l'expression d'une maxime du droit public français.

Les décisions du conseil du roi ne faisaient point jurisprudence: elles tenaient trop de l'autorité absolue.

Tome 1, N.° 5.

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Or, d'après la diversité d'opinions des cours sou veraines sur la matière, qu'elle a été celle du législateur le 11 brumaire an VII, il serait dangereux de la conjecturer, et comme il n'a posé aucune limite à l'effet des condamnations judiciaires par rapport à l'hypothèque, c'est le cas de recourir à la règle qui veut qu'où la loi ne distingue pas, il n'est pas permis de distinguer.

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Tel était d'ailleurs l'esprit qui avait animé les assemblées nationales de France: elles avaient aboli le droit d'aubaine, sans attendre la réciprocité, dans la persuasion que la communication des peuples et leurs relations de commerce s'accroissent à mesure que la législation fait disparaître les entraves de l'ex

tranéité.

Il est vrai que l'article 2123 du code civil refuse l'hypothèque aux jugemens rendus en pays étrangers, jusqu'à ce qu'ils soient déclarés exécutoires par un tribunal français. Mais l'appelant porte trop loin la conséquence qu'il tire de cette disposition.

Supposons que le code civil soit allé plus loin

que l'article 3 de la loi du 11 brumaire an VII, du moins est-il resté beaucoup en-deçà de l'art. 121 de l'ordonnance de 1629: il ne soum pas les jugemens rendus en pays étrangers, à une nouvelle discussion; ils sont considérés comme jugemens. Seulement il veut qu'avant l'inscription ils soient décla rés exécutoires, c'est-à-dire, revêtus du sceau de la souveraineté dans l'étendue de laquelle ils doivent être mis à exécution.

Cette formalité est dans la nature des choses, et

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