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1.o Les lettres et pièces de Berthels auraient dû être jointes à la demande, puisqu'elles étaient alors au pouvoir du sieur Poot, art. 236 du code civil, où il est dit : « Toute demande en divorce détail<«<lera les faits: elle sera remise avec les pièces à l'ap« pui, s'il y en a, au président du tribunal, etc.

Produire plus tard des pièces qui ont été regar dées comme décisives, tandis que l'on s'est borné à joindre le certificat mendié d'un témoin reproché par ses mœurs, s'est se jouer de la loi, et procéder insidieusement.

L'art. 241 du code civil exige qu'il soit donné en tête de la citation, copie de la demande en divorce, et des pièces produites à l'appui.

Supposons gratuitement que le sieur Poot eût été recevable à exhiber de nouvelles pièces, du moins auraient-elles dû être signifiées à la défenderesse

si l'art. 241 veut qu'il soit donné copie de celles qui ont été jointes à la demande, il y a même raison pour ce qui est produit plus tard. Il ne s'agit pas d'une simple communication: le défendeur en divorce a droit de tenir dans son dossier une preuve de la teneur des pièces dont on fait usage; il en a un besoin continuel pour diriger sa défense.

Ainsi, c'est au mépris des articles 236 et 241 du code civil que les lettres et l'état de dépense (pièces que l'on impute à Berthels) ont fait partie du

procés

procès, avec d'autant plus de raison que le sieur Poot les avait à l'époque de sa demande.

2.0 L'art. 1, titre 22, de l'ordonnance de 1667 a

été violé.

Selon cette disposition de l'ordonnance, c'est dans le jugement que doivent se trouver les faits dont la preuve est ordonnée, et non dans un procès-verbal qui est indépendant de l'interlocutoire.

Le but de la loi est sage. Une pièce qui contient les dires des parties peut être remplie de faits vagues et irrelevans. Le juge ne doit coarcter que des faits graves et décisifs : voilà pourquoi c'est le jugement seul qui sert de règle dans la confection des enquêtes, parce que c'est dans le jugement seul que sont les faits dont la preuve est ordonnée.

En vain objecterait-on que la procédure sur le divorce est soumise à une instruction particulière, et que l'ordonnance de 1667 n'y est pas applicable.

Le code civil, en parlant de l'admission de la preuve testimoniale, n'a tracé aucune forme particulière pour le jugement qui prescrit cette preuve : il a donc laissé, à cet égard, les choses dans les termes de l'ordonnance de 1667, c'est ce qui a déjà été décidé (*).

3. Le tribunal de première instance n'a pu diviser les dispositions de l'article 298 du code civil.

(*) Voyez l'arrêt de la cour d'appel de Paris, Jurisprudence du code civil, tom. 4, pag. 428 ét 496.

Tome I, N.o 5.

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En prononçant le divorce pour cause d'adultère, et la peine de la reclusion, la loi lui faisait un devoir de défendre à l'époux coupable de se marier avec son complice; mais le défaut de mise en cause du complice, l'a mis hors d'état de remplir le but de la loi. Les conséquences de cette irrégularité sont telles, qu'il est impossible de concevoir un adultère prouvé légalement avec l'effet dont le jugement doit être suivi, d'après le code civil: donc ce jugement doit s'évanouir, du moins en ce qui concerne l'adultère. Voici comment s'exprime le code civil:

« Dans le cas de divorce admis en justice pour «< cause d'adultère, l'époux coupable ne pourra ja« mais se marier avec son complice: la femme adul«tère sera condamnée par le même jugement, et, <<< sur la réquisition du ministère public, à la re«clusion dans une maison de correction pour un « temps déterminé, qui ne pourra être moindre de « trois mois, ni excéder deux années ». Art. 298.

L'adultère suppose nécessairement un complice ; et c'est avec ce complice que le mariage du coupable est à jamais prohibé. Comment établir la preuve du délit et de la complicité; en ordonnant la mise en cause du complice, en procédant contradictoirement avec lui...

Le code civil ne l'ordonne pas, mais la saine raison le prescrit. Hors de là il n'y a point de complice, et la loi qui défend le mariage avec lui, reste sans exécution.

Bien plus, une procédure dans laquelle le complice n'est point appelé, peut entraîner des incon

véniens graves, car le jugement est, quant à lui, res inter alios acta: rien ne lui défend donc d'épouser l'époux réputé coupable, et, supposé qu'il en ait le projet, et qu'on lui oppose le jugement, n'aura-t-il pas le droit d'établir sa justification? Or, s'il prouve son innocence, il prouve en même-temps celle de l'époux déclaré coupable.

Ce qui, par exemple, pourrait arriver, si Berthels désavouait les lettres comme des pièces fabriquées par le sieur Poot, et que la preuve de leur véracité n'en pût pas être acquise, ou s'il parvenait à démontrer que ces pièces ont été concertées entre lui et le sieur Poot lui-même, dans la vue de perdre Jeanne-Marie Welvis; car, Berthels serait-il le premier amant qui, après avoir inutilement recherché les faveurs d'une femme, aurait recours à des moyens de vengeance? Enfin, il lui serait libre de se disculper, et en se justifiant il n'y a plus de preuve d'adultère.

Ainsi, le jugement est imparfait, il est vicieux quant à l'existence de l'adultère.

A la première objection, le sieur Poot répondait que l'article 236 du code civil, en prescrivant la jonction des pièces à la demande, ne contenait pas la défense d'en produire ultérieurement;

Que cette défense ne se trouvait consignée dans aucune disposition suivante, et que, dans le silence de la loi, les parties ne pouvaient pas créer des fins de non-recevoir contraires à la liberté naturelle que le sieur Poot a de démontrer la vérité et la justice de sa cause par toutes les voies qui ne sont pas interdites;

Que les nouvelles pièces produites ont été lues au fondé de pouvoir de l'appelante, et déposées au greffe à son inspection;

Que le même art. 236 exige aussi que la demande détaille les faits, ce qui n'empêche pas d'en ajouter de nouveaux, ainsi qu'il a été jugé dans la cause de M. de Quarré (*).

Sur la seconde objection, le sieur Poot observait que l'instruction d'une demande, en divorce était plutôt une suite de procès-verbaux qu'une procédure ordinaire d'audience;

Que les faits, les motifs et les pièces étaient à chaque séance resserrés dans des actes qui étaient l'ouvrage du juge ;

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Qu'ainsi le procès-verbal du 22 brumaire an XIII fixait véritablement les faits, aveux et dénégations des parties;

Qu'en admettant le sieur Poot à prouver les faits contenus dans le procès-verbal du 22 brumaire, ce procès-verbal (pièce authentique) est devenu par corrélation, partie intégrante du jugement;

Que par là, l'art. 1, titre 22, de l'ordonnance de 1667, a été rempli, le législateur n'ayant voulu autre chose sinon que les parties connussent les faits appointés à preuve.

Puisque le juge a ordonné la vérification des faits

(*) Arrêt du 14 thermidor an XII, 2. sect., rapporté au Recue des décisions notables, tom. 2 de l'an XIII, pag. 348.

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