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s'assurer de la réalité et de l'étendue de la renonciation par l'inspection même des actes.

Mais cet examen a fait naître deux opinions différentes.

On a d'abord remarqué que le vendeur Kuhn avait acheté les biens par lui vendus à Emmerich, par deux actes distincts et séparés, l'un et l'autre passés devant le même notaire, en date du 25 germinal an X;

Que, dans l'acte de l'emphytéose, il n'y avait ni désignation de biens par mesure, ni stipulation d'une garantie de la contenance, ni renonciation à cet égard, tandis que, dans l'acte du 3 floréal an XI, Kuhn a revendu la ferme emphyteotique à Emmerich, sous la désignation d'une mesure déterminée;

Et qu'il y avait bien, dans l'acte de vente des biens propres achetés par Kuhn, désignation des pièces de terre, et de leur contenance, ainsi que renonciation expresse de sa part à se faire délivrer toutes les pièces en particulier, et leur contenance, mais que, dans l'acte de vente, du 3 floréal an XI, Kuhn avait porté ces biens propres à une plus forte contenance que celle exprimée dans son acte d'acquisition du 25 germinal an X.

Or, comme l'acte du 3 floréal ne dit pas que l'emphyteose et les biens propres ont été vendus à Emmerich, l'un et l'autre sous les clauses, charges et conditions portées par les actes du 25 germinal an X, mais qu'il porte seulement : « et ce sous toutes clauses, char<< ges et conditions sous lesquelles lui vendeur (Kuhn) a

acquis ladite ferme d'Élie Schmuhl, par l'acte sus« dit », au singulier, et que l'un desdits actes contient

seulement la renonciation à la garantie de la mesure, et même de l'existence, tandis que l'autre ne contient aucune stipulation à ce sujet; il s'agissait de savoir duquel des deux actes le contrat du 3 floreal a entendu parler; de celui du transport emphyteotique, qui, se taisant sur la garantie, donne à l'acquéreur le droit de réclamer, parce qu'on lui a vendu par mesure déterminée, ou de celui de la vente des biens propres, qui exclut la garantie, ou s'il a entendu parler des deux actes du 25 germinal à-la-fois, en la comprenant simplement sous la dénomination d'acte.

Dans la première hypothèse, Kuhn restait tenu de la garantie de la mesure et de l'existence des terres, tant de l'emphytéose que des biens propres ;

Dans la deuxième, il n'avait de garantie à prêter ni pour ces derniers biens, ni pour l'emphy téose

Et dans la dernière hypothèse, la garantie existerait pour les biens emphythéotiques, et non pour les biens propres.

Dans cette incertitude et ambiguité de termes, les uns ont vu une garantie légale pour l'existence et la contenance de tous les biens vendus, et les autres, seulement à l'égard des biens emphyteotiques.

En effet, a-t-on dit, quand il Ꭹ a obscurité dans les termes, il faut chercher l'intention des parties contractantes. Ici, il ne peut pas y avoir de doute que Kuhn a voulu vendre, et Emmerich acheter, tant les biens de l'emphytéose, que les biens possédés en pleine propriété, sous les clauses, charges et conditions qui avaient réglé les ventes faites à Kuhn; cela résulte non-seulement de la nature du contrat, mais

principalement des termes dont les parties se sont servis. A la vérité, les deux biens sont vendus distinctement, quant à leur qualité et contenance, mais pourtant pour un seul prix et sous la dénomination de ferme composée de biens emphyteotiques et de biens propres on a donc voulu appliquer à chacun d'eux les conditions stipulées dans l'acte de vente, du 25 germinal, qui le concerne, sous la simple dénomination d'acte, au singulier, et il ne serait point exact de tirer des mots : « Sous lesquels lui vendeur a acquis ladite ferme d'Élie Schmuhl » la conséquence que le mot ferme doit se rapporter à l'acte de vente. de la ferme emphyteotique, du 25 germinal, puisqu'on voit que ce mot ferme se réfère aux deux biens vendus ensemble à Emmerich, sous ladite dénomination; qu'il est par suite nécessaire, avant de faire droit, que le demandeur en diminution de prix s'explique sur le quel des deux biens se trouve le prétendu déficit de mesure ou d'existence des pièces de terres, afin de le débouter, s'il réclame sur les biens propres, ou de faire procéder à l'arpentage et estimation, s'il se trouve dans les biens emphyteotiques, qui lui ont élé vendus par mesure déterminée, et sans stipulation de garantie, ou non garantie de l'existence de la con

tenance.

Ceux qui étaient d'un avis contraire ont répondu,

Que l'intention des parties contractantes ne doit être puisée dans des raisonnemens que quand les termes sont trop équivoques ou obscurs, pour qu'on s'arrête au sens littéral (*) : or, l'ambiguité ne se rencontre

(*) Ce principe pourrait paraître contraire à la jurisprudence actuelle, établie dans l'art. 1156 du code civil, mais qu'on lise la discussion qui a eu lieu sur cet art, dans le conseil d'état, et l'on se convaincra qu'il ne l'est pas.

pas ici. Kuhn vend à Emmerich deux corps de biens: il se réfère aux deux actes de vente par lesquels il les a achetés; et, lorsqu'il s'agit de dicter les conditions à son acquéreur, on accepte celles contenues dans l'acte du 25 germinal précité; mais les deux actes sont du même jour, et leurs conditions sont différen tes; l'un exclut la garantie de la mesure, et l'autre n'en dit rien, il laisse par suite les parties dans les termes du droit commun, qui admet la garantie, lorsqu'on a vendu par mesure déterminée. Lequel des deux actes a été le régulateur des contractans? Il est palpable que c'est celui de la cession de l'emphytéose, non précisement par la raison que, dans l'acte du 3 floréal an XI, on trouve les mots : « Sous lesquelles « lui vendeur a acquis ladite ferme », et que le mot ferme doit plutôt se rapporter à l'emphytéose qu'aux biens propres, mais sur-tout par la considération que les expressions annoncent un rapport qui ne peut con. venir qu'à l'aliénation de l'emphytéose, sans aucune relation à l'autre contrat : c'est la clause de la ratification du préfet, après laquelle on lit conformément à l'acte susdit.

:

On ne peut donc prétendre qu'on ait voulu, sous l'expression acte, au singulier, comprendre les deux actes du 25 germinal, ni qu'il y ait incertitude sur l'acte, qui fixait alors l'attention des contractans; car, au commencement du contrat du 3 floréal, l'un et l'autre sont cités : ainsi, nul doute qu'on ne les a pas confondus; et, à la fin du même acte, on cite l'acte de vente de l'emphytéose, en se référant encore à l'acte susdit; de sorte que l'indication précise du dernier explique assez l'indication du premier, et que, par une conséquence ultérieure, il est littéralement convenu entre les parties que les conditions de la vente des

biens

biens seront les mêmes que celles contenues dans l'acte de vente de l'emphytéose, du 25 germinal an X; et qu'ainsi, il y a stipulation de garantie pour l'existence et la mesure des terres, au profit de l'acheteur Emmerich, dans les biens propres, aussi bien que dans les biens emphyteotiques.

Mais, en admettant même qu'il y ait ambiguité et incertitude, l'interprétation logique, ou par déduction, pour chercher l'intention des parties contractantes, ne pourrait pas trouver son application dans l'espèce par ticulière.

En effet, il serait difficile de trouver la vraie in tention des parties, parce que leurs intérêts étaient opposés, et l'une peut avoir eu en vue de subtiliser l'autre ; et si l'on réfléchit sur-tout que Kuhn a porté les biens propres à une plus grande contenance que celle exprimée dans son acte d'acquisition, du 25 germinal an X, il faut plutôt supposer que l'acheteur a voulu stipuler la garantie légale de l'existence et de la mesure des terres achetées, qu'y renoncer.

Au surplus, s'il est de règle de rechercher l'intention des parties contractantes dans les conventions qui ne présentent rien de contraire au droit commun, ou de les expliquer d'après les lois et usages existans, ou d'après la nature des engagemens et obligations résultans de l'objet des conventions; il n'en est pas absolument de même pour les conventions qu'on prétend contenir des renonciations au droit commun ou des obligations extraordinaires; les renonciations en général sont de stricte interprétation, et ne doivent pas étre étendues au-delà de ce que leur sens littéral renferme celui qui veut s'exempter d'une obligation que la loi commune lui impose, doit parler clairement et

Tome 1, N.° 1.

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