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dans le résultat de laquelle l'arrêt du 6 pluviôse an XI avait été porté : elle rejetta le pourvoi, quoique l'objet des actes annullés par la cour d'appel de Toulouse, comme contenant donation déguisée, sous le titre de vente, fut de libre disposition dans les mains du vendeur.

Nous rapporterons l'arrêt textuel.

«

* Attendu, 1.° que les lois du 17 niyôse an II et du << 4 germinal an VIII, en introduisant un droit nouveau « relativement à la quotité des biens disponibles', n'ont « rien stataé à légard de la forme des actes par lesquels

il serait permis de disposer à titre gratuit; d'où il « résulte que les lois antérieures à ce sujet ont dû con«<tinuer de recevoir leur exécution;

« Attendu, 2.° que d'après la disposition de ces lois, « et notamment de l'ordonnance de 1731, il n'existait « que deux manières de disposer à titre gratuit; savoir: << par donation entre-vifs ou par testament, chacune desquelles était assujettie à des formes particulières, << dont l'inobservation entraînait la peine de nullité;

«

"

« D'où il suit que, lorsqu'un acte ne contient pas la * mention expresse de la part de l'une des parties, de

disposer en faveur de l'autre à titre gratuit, et que, << sans être revêtu des formes particulières à ce genre « de disposition, il ne contient que la simple énon«ciation d'un contrat commutatif et à titre onéreux, il ne peut être regardé comme donation, par cela « seul qu'il ne peut valoir comme contrat commutatif; car autrement, ce serait tromper la sage pré« voyance du législateur qui, en exigeant l'énoncia<tion expresse de l'intention de disposer à titre gra

«tuit, et le soumettant à l'accomplissement de certaines « formalités, n'a évidemment eu d'autre objet que de « garantir les donateurs des surprises qu'on pourrait « leur faire, en déguisant, sous l'apparence d'un con«trat à titre onéreux, une véritable libéralité qui « n'était point dans leur intention, et de dispenser « par ce moyen le donataire des obligations résultantes d'une donation expresse,. telle que la nécessité de « l'insinuation, la révocation pour cause d'ingratitude, «de survenance d'enfans et autres cas semblables;

« Attendu, 3.o qu'en faisant l'application de ces << principes à l'espèce de la cause, il s'ensuit que « la cour d'appel de Toulouse, convaincue, par l'ins<<truction qui a eu lieu au procès, que les actes de << vente dont il s'agissait n'étaient point sérieux, et que « le prix n'en avait point été payé, n'a pas dû suppo<< ser que l'intention de la venderesse eût été d'en faire « donation aux demandeurs, lorsque cette volonté n'y était point exprimée, et qu'en rejetant leurs «< conclusions subsidiaires à cet effet, elle n'a violé <«<< aucune des lois citées, ni fait aucune fausse application de celles de la matière. »

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L'ordonnance de 1731 n'a pas été publiée dans les départemens réunis : les donations y étaient considérées, ainsi que dans le droit romain, comme des contrats, sauf les effets de la réalisation plus ou moins étendus, selon que les biens étaient situés en Flandre ou en Brabant; car, en Flandre, le défaut d'œuvres de loi, avant la mort du donateur, emportait la nullité de la donation sans que l'héritier fut tenu de prester le fait de son auteur.

Il paraît donc que l'arrêt de la section des requêtes

du

du 8 frimaire an XIII, ne pourrait pas tirer à conséquence dans les départemens réunis, pour les actes antérieurs au code civil...

Cet arrêt a été suivi de deux autres, rendus, dans le même sens, par la section des requêtes; l'un, le 30 prairial, et l'autre, le 15 messidor an XIII. Recueil de M. Denevers, 12. cahier de l'an XIII, p. 186 du supplément.

Comme l'ordonnance de 1731, le code civil a établi des formes pour les donations.

L'article 893 dit : « On ne pourra disposer de ses « biens, à titre gratuit, que par donation entre-vifs, * ou par testament, dans les formes ci-après établies. >> Ces formes sont établies dans les articles suivans.

L'article 931 veut, à peine de nullité, que tous actes portant donation entre-vifs soient passés devant notaire dans la forme ordinaire des contrats, et qu'il en reste minute.

L'article premier de l'ordonnance de 1731, contenait la même disposition.

Cependant on a plaidé, depuis cette ordonnance, pour et contre la validité des donations tacites ou conjecturales, ou faites sous les couleurs d'un contrat onéreux, et les opinions n'ont pas été uniformes.

Qu'arriverait-il si, depuis la publication du code civil, on discutait le mérite d'une donation déguisée sous le titre de vente passée par-devant notaire, et revêtue de toutes les formes requises pour un acte de donation?

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Suffirait-il, pour que la donation fût réprouvée, qu'elle n'eût pas le titre de donation? qu'elle se trouvât enveloppée dans un acte qualifié de vente, ou de tout autre contrat ?

Cette question est un sujet de méditation pour les jurisconsultes.

Les arrêts de la cour de cassation fournissent des matériaux pour éclairer la discussion, et conduire à un résultat qu'il serait important de voir fixer de manière à prévenir les contestations nombreuses que l'ignorance des parties, ou le défaut d'instructions suffisantes de quelques notaires, suscitent journellement au palais.

Nul doute sur la nullité d'une disposition faite au profit d'un incapable, soit qu'on la déguise sous la forme d'un contrat onéreux, soit qu'on la fasse sõus le nom de personnes interposées.

L'article 911 du code civil est positif; mais cet article même laisse beaucoup d'incertitude sur le sort d'une libéralité exercée dans la forme d'un contrat onéreux. Dans le cas où le donataire n'est pas incapable, et où l'objet donné est de libre disposition, ne semble-t-il pas que le nouveau législateur n'a pas voulu innover à cet égard?

Quoi qu'il en soit, il paraît au moins certain, que les donations déguisées sous la forme de contrats onéreux, ne peuvent subsister quand le donateur a excédé la quotité disponible, et qu'elles sont nulles pour le tout.

La raison en est, que c'est dans la vue de faire frau

de à la loi, que les parties ont eu recours à une voie par laquelle seule elles espéraient de faire réussir des dispositions réprouvées ou réductibles.

C'est le cas de leur appliquer la loi 5 C., de legibus, où il est dit : Frustra legem invoeat qui verba legis amplexus, contra legis voluntatem nititur. Vainement implore-t-il la loi, celui qui, empruntant ses expressions, cherche réellement à trahir sa volonté. Tout ce qui a l'empreinte d'un mensonge dont on se propose de retirer un bénéfice, la loi le frappe d'anathême, et ne respecte rien de cet ouvrage de ténèbres et d'iniquité.

C'est sur ces motifs, que la Cour d'Appel de Bruxelles n'a pas hésité d'annuller, pour le tout, des donations simulées sous le titre de vente, en refusant de les valider à concurrence de la partie disponible.

En réunissant ainsi, dans un même contexte, les élémens de la discussion sur la matière, on facilite les recherches et les raisonnemens dont chaque question peut être susceptible. Tel est l'unique objet de l'auteur de cette remarque.

(Article communiqué, )

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