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CONTRAINTE par corps. Lettres de change simulées.

SUFFIT-IL que des effets soient conçus en forme de lettres de change pour engendrer la contrainte par corps?

DEHEYDER et sa femme avaient souscrit quatre effets au profit de la veuve Humbeke. Ces effets étaient rédigés dans la forme de lettres de change, et supposaient la remise de place en place.

Les débiteurs, poursuivis au paiement, opposèrent diverses exceptions, à la suite desquelles il fut ordonné de plaider au fond : ils firent défaut, la veuve Humbeke obtint jugement, portant condamnation par corps contre Deheyder, et à l'égard de sa fem

la créancière fut admise à prouver qu'elle était commerçante.

Deheyder et sa femme, peu satisfaits de ce jugement, en interjetèrent appel.

Ils alléguaient plusieurs griefs qui furent jugés sans fondement restait le seul point de savoir, si la contrainte par corps pouvait avoir lieu.

Rien n'était plus simple au regard de Deheyder, d'après la teneur apparente des titres; mais il soutenait, et il fut en effet reconnu, que la remise de

place en place, n'était que simulée; que, dans la réalité, les quatre prétendues lettres de change avaient été revêtues de toutes formes extérieures au même moment et dans le même cabinet, pour éteindre une obligation civile.

M.r Tarte, substitut procureur général, observa que, si la loi du 15 germinal an VI accorde la contrainte par corps contre les signataires des lettres ou billets de change, ce serait mal en saisir l'esprit et le but, que d'appliquer ses dispositions aux effets qui n'ont que la couleur des lettres ou billets de change;

Que la liberté individuelle des citoyens ne pouvait pas faire l'objet d'une stipulation hors les cas déterminés par les lois ;

Que cependant il serait facile d'éluder la prévoyance de la loi, s'il était permis de recourir aux formes extérieures des lettres de change, dans l'unique vue de se ménager un moyen d'exécution que la loi réserve aux véritables effets de change, et en faveur de l'utilité qu'elles ont dans leur objet, par rapport au commerce;

Que, dans l'espèce, il est reconnu, et la veuve Humbeke a été réduite à la nécessité de convenir elle-même que les quatre billets dont elle poursuit le paiement, n'ont rien qui tienne au change; 'd'où il suit qu'ils ne peuvent être considérés que comme des titres qui contiennent des obligations ordinaires, et qui n'entraînent pas la contrainte par corps.

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Il a été estimé que le jugement rendu en première instance devait être réformé au chef de la contrainte par corps.

Ces conclusions ont été adoptées par arrêt rendu à la troisième section, le 6 février 1806.

MM. Hody et Girardin.

PATURAGE. PARCOURS.

-

Le conseil d'état, qui, d'après le renvoi de sa majesté, a entendu le rapport des sections de législation et des finances sur celui du grand-juge ministre de la justice, concernant diverses questions qui lui ont été proposées par l'administration générale des forêts, relativement aux droits de pâturage et de parcours dans les bois et forêts,

Est d'avis, sur la première question, savoir: Qu'elle peine encourt l'usager qui introduit des bestiaux dans les bois non déclarés défensables?

Que les bestiaux dont il s'agit ne peuvent point être les chèvres, brebis et moutons, dont l'introduction est défendue en tout temps dans les bois et forêts de la couronne et de l'état, par l'article 13, titre 19 de l'ordonnance de 1669;

:

*

Que, quant à l'introduction des autres bestiaux dans les bois avant qu'ils soient déclarés défensables, l'art. 10, titre 32, de la même ordonnance, y a pourvu il prononce la confiscation des bestiaux trouvés en délit ; et, dans le cas où ils ne pourraient être saisis, des amendes qui ont été modérées par des réglemens particuliers auxquels on doit se com former dans chaque localité.

Le délit résulte de la seule introduction dans les bois avant qu'ils soient défensables, et la peine est indépendante de la réparation des dommages causés,

Sur la seconde question: Si deux propriétaires qui ont un droit réciproque de parcours sur leurs bois, peuvent y introduire des bestiaux, avant que les bois, où ils exercent le parcours, aient été dé-, clarés défensables?

***

Que cette introduction blesserait directement les intérêts du propriétaire, qui a soumis ses bois au parcours, quand ils ne peuvent en être dégradés, et non pas avant qu'ils soient en état de le souffrir; que cette introduction est donc interdite, et qu'elle est susceptible des peines portées par l'article 38 du titre 2 de la loi du 6 octobre 1791, sur la police rurale.

Mais la répression de cette contravention n'ap-. partient point, par action principale, à l'administration des forêts.

Sur la troisième question : Si un particulier peut être empêché d'introduire ses bestiaux dans ses propres bois, avant qu'ils soient défensables ?

Que sans doute on doit empêcher qu'un usager n'exerce son droit en un temps où son usage détruirait la propriété ; c'est le motif de la réponse à la question précédente. Mais le propriétaire qui introduit des bestiaux dans ses propres bois, n'exerce ni un usage ni une servitude; il use de sa chose. La propriété consiste dans le droit d'user et d'abuser, sauf les intérêts des tiers: ce droit doit être res

pecté, à moins qu'il n'en résulte de graves abus.

Quel que soit l'intérêt de l'état à la conservation des bois, on peut s'en remettre à celui des particuliers de ne pas dégrader les bois qui leur appar

tiennent.

Sur la quatrième question: A qui il appartient de déclarer le temps où les bois sont défensables?

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Que l'art. 1 du titre 19 de l'ordonnance de 1669 attribue ce droit aux grands-maîtres, sur les avis des officiers des maîtrises; que les administrateurs généraux des forêts tiennent la place des grands-maitres, et qu'il leur appartient de déterminer, dans chaque localité, d'après l'avis des conservateurs, le temps et l'âge où les bois seront défensables.

Pour extrait conforme :

Le secrétaire général du conseil d'état,

Signé, J. G. LOCRÉ.

Certifié conforme, au quartier impérial d'Auster

litz, le 16 frimaire an XIV.

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Le secrétaire d'état,

Signé, HUGUES B. MARET.

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