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Son nom fut inscrit sur la liste des émigrés da département qu'elle avait quitté.

Sa santé exigeait des soins particuliers : elle plaça sa confiance dans le sieur Jacobs, médecin, à Bruxelles, et s'obligea de lui payer 72 francs par chaque visite qu'il lui ferait dans sa terre.

L'art du médecin ne l'empêcha pas de mourir. Cependant elle n'avait pas moins été persuadée de l'importance des services du sieur Jacobs.

Au décès de la dame d'Oisy, le sieur Jacobs demanda le paiement de ses honoraires, qui s'élèvent à une somme assez considérable. Le sieur Malet de Coupigny, héritier de la débitrice, était encore en minorité; et, sur les difficultés qui furent opposées à Jacobs, il attaqua l'exécuteur testamentaire de la dame d'Oisy au conseil de Brabant. Puis intervint le tuteur de l'héritier, qui prit le fait et cause de l'exécuteur testamentaire en défense.

L'armée francaise entra victorieusement dans la Belgique en l'an II. L'héritier de la dame d'Oisy et son tuteur quittèrent leur patrie. On les inscrivit sur la liste des absens : leur contestation avec le sieur Jacobs restait indécise au conseil de Brabant, qui ne tarda pas à être supprimé.

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Le sieur Jacobs, réduit à la classe des créanciers d'émigré, se pourvut à l'autorité administrative; mais au lieu de suivre la marche indiquée par l'art. 32 de la loi du 1 floréal an III, sa créance parut si claire et si légitime, qu'elle fut reconnue sans soumettre la contestation à des arbitres. Peut-être aussi

n'avait-il pas fait mention, dans sa demande de l'instance pendante entre les parties.

Postérieurement le sieur Jacobs avait obtenu de la préfecture de la Dyle des mandats partiels. Il n'était pas allégué qu'ils eussent été suivis d'un paiement réel. On s'arrêtait même peu à cette circonstance.

L'héritier de la dame d'Oisy fut restitué dans ses droits en l'an X. Un moyen prompt de se débarrasser de l'instance intentée au conseil de Brabant, était de la faire déclarer périmée. Ce but atteint, se présentait la prescription biennalle, introduite par l'édit perpétuel contre les médecins, etc., dans le cas où le sieur Jacobs aurait renouvelé son action.

Ce n'est pas, au surplus, le lieu d'examiner ici jusqu'à quel point l'héritier de la dame d'Oisy peut se croire fondé à discuter la créance du sieur Jacobs, ni de rien préjuger sur ses exceptions. Il s'a. git de la péremption d'instance.

On disait, pour l'héritier de la dame d'Oisy, que, si l'instance était sortie de la ligne des tribunaux ordinaires, par la loi du 1 floréal an III, elle y était rentrée, sinon par la loi du 9 ventôse an IV, du moins par celle du 17 frimaire an VI;

I

Que, depuis la publication de cette dernière loi, il s'était écoulé plus de trois ans sans aucunes poursuites, et que cependant la marche de la reprise d'instance était tracée par la loi même, en indiquant la personne avec laquelle il serait procédé ;

Que, si l'instance avait été rétablie dans ses pre

miers élémens, l'héritier de la dame d'Oisy aurait été tenu de respecter le jugement rendu entre la république et le sieur Jacobs; que ce serait violer les principes de la justice et de la réciprocité, que. de mettre contre lui toutes les chances des lois de Fordre judiciaire, et de l'exclure de celles qui lui sont favorables;

Enfin, que la péremption d'instance étant une prescription introduite contre toutes personnes, même contre les absens et les mineurs, elle devait être accueillie lorsque celui qui avait intérêt à faire juger, avait pu agir et ne l'avait pas fait.

On prétendait aussi que le sieur Jacobs avait choisi son créancier, en exécution de la loi du 1 floréal an III, ce qui était assez indifférent quant à la péremption.

A ces diverses objections le sieur Jacobs répondait que, s'il avait pu, il n'avait pas dû reprendre l'instance en exécution de la loi du 17 frimaire an VI;

Que ses démarches vers l'autorité administrative seraient appréciées lorsqu'il s'agirait de discuter au fond;

Qu'il lui suffisait, quant à présent, d'observer que depuis la réintégration de l'héritier de la dame d'Oisy, jusqu'à la demande en péremption d'instance, il ne s'était pas écoulé un intervalle de trois ans.

Or, continuait-il, avant la réintégration, il lui était impossible d'agir contre un émigré personnellement, et c'est un principe incontestable, que l'im

possibilité

possibilité d'agir suspend le cours de toute prescrip

tion.

Maintenant que l'héritier de la dame d'Oisy est restitué dans l'exercice de ses droits, il faut retran cher l'intervalle de l'absence qui l'a constitué dans un état de mort civile, et considérer jure quodam post liminii, les parties vis-à-vis l'une de l'autre, à l'époque de la réintégration de l'héritier de la dame d'Oisy, comme elles étaient à l'époque de son émigration.

Il n'y a donc pas de péremption acquise.

D'autre part il eût été inutile à l'héritier de la dame d'Oisy d'agiter cette question, s'il était vrai que le sieur Jacobs fût ou créancier absolu de l'état, ou définitivement soldé : c'est ce qui sera examine lorsqu'il aura été statué sur la question qui se présente, et que l'héritier de la dame d'Oisy a lui-même provoquée par une demande particulière.

Le 13 fructidor an XIII, jugement du tribunal de première instance de Bruxelles, qui déboute le sieur Malet-Coupigny de sa demande en péremption d'ins

tance.

Ce jugement a été confirmé par la Cour, sur les; motifs suivans:

« Attendu que la loi du 1 floréal an III, en dé, clarant les créanciers des émigrés créanciers directs « de la nation, n'a pas éteint les droits de ceux-ci << envers les émigrés eux-mêmes ;

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Attendu que,

si les créanciers ont eu la fa« culté, ils n'ont pas été constitués dans la néces

Tome I, N. 6.

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«<sité de se réduire à la seule voie de liquidation ladite loi du 1 floréal an III, en sorte «<< tracéé par « qu'il n'est pas vrai de dire que les émigrés, réta«blis dans leurs droits et redevenus passibles des « actions de leurs créanciers, puissent opposer tous « les moyens dont la république aurait pu faire usage;

« D'où il résulte que, quand la péremption aurait « pu être acquise dans l'intérêt de l'état, et dans « l'ordre des lois rendues sur l'émigration, il ne s'en« suivrait pas qu'elle le fût vis-à-vis de l'émigré;

<«< Attendu que les diligences, faites par l'intimé « devant l'autorité administrative, et ce qui peut ré«<sulter de l'état où sa demande en liquidation est << parvenue, sont étrangers à la question présente, qui «ne consiste qu'à savoir s'il y a péremption d'ins<< tance;

« Et, attendu qu'à l'époque où l'appelant a deman« dé la péremption d'instance, il ne s'était pas écoulé << un intervalle de trois ans, depuis la réintégration;

« Attendu que, jusqu'à sa radiation, il a été im« possible de suivre l'instance contre lui, puisqu'il << s'était rendu, par son propre fait, hors d'état d'es<< ter en jugement;

« Attendu qu'il n'est ni recevable ni fondé à opa poser les effets de son émigration, au préjudice « de celui qui se prétend son créancier, et qui n'a pu agir contre lui;

« La Cour met l'appellation au néant, avec amende << et dépens.

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Du 30 frimaire an XIV. Troisième section.

MM. Mangez et Bourgeois.

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