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POUVOIR administratif. — Autorisation des maires pour intenter action. Compétence.

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LES tribunaux sont-ils compétens pour prononcer sur la validité intrinsèque des actes d'autorisation produits en justice par les maires des communes pour exercer des poursuites, ou pour y défendre, lorsque ces actes sont revêtus de leurs formes extérieures et émanent de l'autorité administrative ?

Peuvent-ils connaitre du fond des affaires, en cas de contestation sur la suffisance de pouvoirs, ou doivent-ils suspendre leur décision jusqu'à ce que Tau torité administrative supérieure ait statué?

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Ex thermidor an XII, le maire de la ville de Bruges, M. Decroeser, exerce des poursuites contre le sieur Delarue, ancien pensionnaire et juge-depaix d'un des cantons de la même ville: il conclut, devant le tribunal civil de Bruges, à ce qu'il fût condamné à sortir d'une maison, que ce dernier occupait, appartenante à la ville, ainsi qu'au paiement des loyers échus depuis plusieurs années, évalués à 4100 f., et de ceux à échoir.

Ces poursuites étaient autorisées par un arrêté de l'administration centrale du département de la Lys, du 22 frimaire an V, demeuré sans exécution, mais

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maintenu par autre arrêté du conseil de préfecture, du 14 messidor an XII.

Dans l'intervalle des deux arrêtés conformes des autorités administratives départementales qu'on vient de mentionner, le conseil municipal de la ville de Bruges en avait pris un troisième dans un sens opposé il avait statue, le 12 ventôse an IX, qu'il n'y avait pas lieu à intenter action contre Delarue, à raison de la jouissance qu'il avait eue de la maison dont il s'agit.

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*།

Delarue s'opposa à la demande du maire, en excipant

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1.0 Du défaut d'autorisation suffisante du demandeur;

2.° De l'incompétence du tribunal pour connaître de la contestation au fond, dans le cas où il ne se croirait pas compétent, à l'effet d'examiner la suffisance et la régularité de l'autorisation du maire.

Il soutenait que dans cette hypothèse on devait surseoir à toute décision judiciaire, jusqu'à ce que Fautorité administrative supérieure ait été mise à portée de statuer.

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Le défendeur établissait son premier moyen sur l'article 15 de la loi du 28 pluviôse an VIII, ďaprès lequel le conseil municipal était investi du droit de délibérer sur les procès qu'il convenait d'intenter ou de soutenir pour l'exercice des droits com

muns.

En le combinant avec l'article 4 de la même loi,

qui donne aux conseils de préfe ture le pouvoir de statuer sur les demandes en autorisation de plaider, mais avec la clause remarquable que ces demandes seront présentées par les communautés des villes bourgs ou villages, Delarue concluait que, dans l'es pèce, l'autorisation du conseil de préfecture était infectée d'un vice radical, savoir, le défaut de consentement de la part du conseil municipal, et, ce qui plus est, une détermination contraire de ce corps.

M. Decroeser devait donc être repoussé; il devait l'être par les tribunaux, puisque la loi, qui leur défend de recevoir une action intentée par les com, munes, sans autorisation légale pour qu'ils aient per sonam standi in judicio, suppose nécessairement que ces mêmes tribunaux ont le pouvoir de juger de la validité de l'autorisation rapportée: sans cela, la loi se détruirait elle-même.

D'ailleurs et c'était son second moyen),, si le tribunal se croit incompétent pour prononcer sur la suffisance de l'autorisation, il doit renvoyer les parties devant l'autorité administrative supérieure: le conseil d'état est alors seul compétent pour statuer sur la fin de non-recevoir, préalable à toute discus sión au fond; il y avait donc lieu à surseoir jusqu'à ce que le conseil d'état eût décidé ce point prélimi

naire.

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Le maire de Bruges répondait qu'il importait peu que l'autorisation du conseil de préfecture ait dù ou n'ait pas dû être précédée d'une demande du conseil municipal; que le tribunal ne devait pas moins rejeter la fin de non-recevoir et connaître de la matière au fond. Il n'entrait pas dans ses attributions!

Aussi, l'art. 13 de la méme loi qui fixe les attributions des maires, les borne aux actes d'administration; il les sépare soigneusement de celles des conseils municipaux.

Si nous confondons les pouvoirs que la loi a séparés, nous renversons la hiérarchie des autorités protectrices; nous tombons dans l'anarchie.

Existe-il dans l'empire une autorité qui puisse obliger quelqu'un à plaider contre son gré? Non, ce serait une monstruosité. Eh bien! les habitans de Bruges n'ont-ils pas solennellement déclaré qu'ils ne voulaient pas plaider contre le sieur Delarue?

D'après cela, le maire, ayant transgressé les pouvoirs que la loi a tracés, n'est plus qu'un simple particulier; il se trouve sans mandat pour représenter la commune, qui, en cette circonstance, a émis, par ses représentans légaux, un vœu contraire

au sien.

Or, si le maire de Bruges est dépourvu d'un mandat légal, les tribunaux doivent le déclarer, puisque leur attention première se porte sur les qualifications des parties, et que le pouvoir qui les rend juges de la contestation, leur donne le droit incontestable d'examiner la légalité des pièces produites au procès, dont les procurations sont les plus essentielles.

Supposons maintenant que la Cour estimât que cet objet est hors sa compétence, resterait à attendre la décision du conseil d'état.

Au surplus, l'autorisation du conseil de préfec

ture

ture ne s'étend pas à poursuivre le paiement des loyers échus et à échoir; elle énonce en termes : Le maire de la ville de Bruges demeure autorisé à poursuivre en justice M. Pierre Delarue, pour le faire déguerpir de la maison par lui occupée. De ce chef, le tribunal de Bruges, en ordonnant de contester à toutes fins a encore infligé un grief à l'appelant.

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Quelque spécieux que soient les raisonnemens de la partie adverse sur la hiérarchie des pouvoirs, rẻpondait le défenseur de M. Decroeser, ils viennent se briser contre les vrais principes.

Trois moyens inattaquables appuyent la défense du maire de Bruges.

1.o Le tribunal de Bruges a sagement statué, en prononçant qu'il était sans pouvoirs pour connaître de la validité intrinsèque de l'arrêté du conseil de préfecture, et néanmoins en ordonnant que cet arrêté serait exécuté, comme étant légalement émané de l'autorité administrative.

D'une part, la loi du 16 fructidor an III défend aux tribunaux de connaître des actes administratifs, de quelque nature qu'ils soient.

Et, d'autre part, n'est-il pas évident que le conseil de préfecture a disposé dans l'ordre de ses fonc: tions? Il s'agissait de savoir si le conseil municipal de Bruges avait pu anéantir dans ses effets, l'arrêté de l'administration centrale du département de la Lys. Cette question fut soumise, par le maire, au conseil de préfecture, auquel le pouvoir municipal des Tome 1, N.° 6.

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