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s'entendre avec le ministre directorial palatin et avec un ministre du prince de Liége.

La commission expédiée par l'électeur de Cologne pour M. de K....., portait expressément qu'il demeurait chargé de contribuer en tout ce qu'il pourrait au bien du pays de Liége. Il lui était alloué une indemnité de seize écus d'empire par jour (environ 52 francs), outre son traitement de conseiller intime.

L'entreprise des fournitures fut accordée au sieur B....., facteur de cour ses rapports avec M. de K....., qui avait la grande main, amenèrent des propositions de société entre les deux individus ; mais le ministre directorial préféra un bénéfice certain et déterminé, aux embarras d'une association intéressée; il fut convenu qu'il aurait cent louis d'or par mois.

De l'aveu de Mr K...., le prix convenu par cet arrangement lui fut payé à raison de quatre mois et demi. Le fournisseur prétend qu'il a été acquitté pendant six mois.

L'exécution étant très-onéreuse au pays de Liége, il fallut songer à se débarrasser d'un remède qui devenait pire que le mal; mais on manquait de fonds, et, d'autre part, les Liégeois se persuadèrent qu'ils obtiendraient quelque modération dans les frais occasionnés par le séjour des troupes expéditionnaires. On jeta les yeux sur M. de K....., qui semblait s'être rendu intéressant dans le cours de sa mission, et il fut chargé tant de la négociation d'un emprunt que des réclamations des Liégeois près des cours électorales, pour faire diminuer les dépenses.

Cependant une certaine prudence lui conseilla de ne pas paraître ostensiblement dans cette affaire : il la fit traiter au nom de M. B....., son affidé.

La négociation fut conduite assez adroitement et suivie d'un double succès. On procura, par la voie de l'emprunt, les fonds nécessaires, et les cours électorales consentirent à modérer les frais d'exécution; mais M. de K...., qui n'avait pas figuré ouvertement dans les opérations, crut qu'il ne devait pas s'oublier dans le résultat il se fit remettre par le sieur B..... le billet suivant :

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« Je soussigné, ayant reçu de la part des états « du pays de Liége la commission, par écrit, en << date du 3 juillet 1791, de négocier avec les cours « électorales de Cologne, Trèves et Mayence, par << rapport au remboursement des frais d'exécution, « que leurs troupes leur ont occasionnés, et dont « ils ont fait présenter les comptes, afin d'obtenir quelque modération de ces frais, et étant parve«nu à déterminer lesdites cours électorales de se « contenter du remboursement d'un million quatre «< cent mille huit cent florins, sur laquelle somme ces « cours ont daigné, m'accorder, pour mes peines et « soins, une provision d'un pour cent, - promets << solennellement, par les présentes, à M.r de K....; « ministre directorial et conseiller intime, à cause « de la protection et de la bienveillance qu'il m'a prétées, la somme de cinq cents louis d'or, qué « je lui payerai quatre jours après que le mandat « sur les sieurs Boas, pour toucher auprès d'eux « les sommes nécessaires à l'acquittement des cours « électorales, sera délivré, soit en cinq cents louis

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d'or

d'or comptant, soit en cinq obligations de Boas, <«<et cinq cents florins en argent comptant. Fait à Liége, le 27. Juillet 1791. Signé, B.... >>

L'argent ayant été fourni par la banque de Boas, de La Haye, et les cours électorales satisfaites de leurs prétentions sur le pays de Liége, les troupes d'exécution furent retirées.

Aux termes du billet du 27 juillet 1791, le sieur de B..... devait remettre les cinq cents louis d'or; mais, sous prétexte vrai ou faux, qu'il n'avait pas recueilli tout le bénéfice espéré, il n'offrit que 2000 florins, ajoutant qu'il ne lui restait aucun profit.

M.r de K..... insista sur la totalité du paiement, menaça d'abord son prétendu débiteur d'une dénonciation au prince-électeur, au sujet des infidélités qu'il lui imputait dans les fournitures; puis il le dénonça effectivement.

Les comptes du sieur B...... furent examinés et reconnus exacts; mais sa justification inspira dans l'esprit du prince quelque soupçon de connivence entre lui et son ministre. On nomma une commission extraordinaire, à laquelle l'examen de la conduite des deux personnages fut soumise. En résultat, il y eut un rescrit du prince, qui enjoignit au ministre de verser dans la caisse des pauyres ce qu'il avait touché à raison des fournitures; et l'électeur lui retira toute sa confiance. A l'égard des cinq cents louis d'or stipulés par le billet du 27 juillet 1791, le prince déclara que, quoiqu'il lui parût que son ministre n'avait pas été autorisé à se créer un bénéfice de cette nature dans une affaire qui reTome I, N.o 6. 34

gardait son service; néanmoins il voulait laisser un libre cours à la justice, en conséquence les parties furent renvoyées devant des juges.

La cause était indécise lors de l'établissement du nouvel ordre judiciaire : elle fut résumée seulement en l'an XII au tribunal de l'arrondissement de Bonn, à la requête de M.r K...., contre les héritiers de B.... décédé dans l'intervalle.

Là, l'ex-ministre demandait la somme de cinq cents louis, avec les intérêts, depuis que l'affaire avait été portée à la connaissance de la première commission.

Les défendeurs soutenaient M.r K..... non-recevable et mal fondé, et concluaient incidemment à la restitution de six cents dix louis, que l'ex-ministre avait indûment perçus sur les fournitures, et dont le versement ne paraît pas avoir été fait dans la caisse. des pauvres.

Les héritiers du sieur B.... ont dit que le billet du 27 juillet 1791 contenait une cause illicite de la part de l'ex-ministre, qui avait trafiqué de ses fonctions en se faisant remettre une promesse de cinq cents louis pour prix de sa protection et de sa bienveillance;

Que le sieur B.... avait été réduit à la nécessité de souscrire l'engagement, par la crainte que M. de K.... ne le traversât dans ses négociations, et ne lui fit perdre l'espoir d'un gain honnête, sur lequel il lui avait été permis de compter comme simple particulier.

Les lois de la morale et du droit positif repoussaient également les prétentions du demandeur. On lui opposait les lois romaines au ff., au code, et les novelles concernant les devoirs des magistrats, ambassadeurs, etc.

Dans la supposition gratuitement faite, que la conduite des deux contractans eût été blamable, les défendeurs se croyaient encore fondés à refuser le paiement d'après la règle : in pari turpitudinè melior est causa possidentis.

Ils répétaient six cent dix louis payés sur les fournitures, parce que, disaient-ils, c'est un argent qui aurait augmenté légitimement le gain de l'entrepreneur, et qui est sorti de ses mains pour passer dans celles du ministre directorial par voie d'exaction. L'entrepreneur n'avait pas été libre de résister à celui qui, en abusant de son pouvoir, avait la faculté de rendre ruineuse une spéculation bonne en soi.

La promesse des cinq cents louis d'or, répondait M. de K...., n'a rien d'illicite : elle est étrangère aux fonctions qui m'étaient confiées par mon maître.

C'est à moi que le pays de Liége s'est adressé pour l'emprunt, et les soins d'obtenir une modéra tion près des cours électorales.

En déléguant cette commission à un tiers, je suis rentré dans la condition de simple particulier; mais je n'ai pas dû me priver du bénéfice que pouvait me promettre la négociation de l'emprunt, puisque j'aurais pu prêter moi-même les fonds; ni renoncer

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