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tireurs à portée de veiller à leurs intérêts, ce qui rend de plus en plus sensible l'obligation de notifier le protêt, et d'intenter l'action dans le temps limité par l'ordonnance de 1673.

Aussi, Savary, qui pense que la signification du protêt est suffisant pour conserver l'action récursoire, fait assez voir, livre 3, chap. 8, tome 2, page 204, édit. de 1777, que la notification du protêt est toujours indispensable, ce qu'il infère de l'article 13 et de l'article 32, tant à l'égard des lettres que des billets de change.

Qu'importe que la déclaration de 1664 n'ait pas été appliquée aux départemens réunis ?

1.o La nécessité de notifier le protêt existe dans l'esprit et le but de l'ordonnance de 1673, en rapprochant les articles 13, 14, 15 et 32 du titre 5.

Elle est reconnue par les arrêts rapportés au Répertoire universel de jurisprudence, soit au mot protét, soit au mot endossement.

2.o Les lettres de change, tirées par les appe.. lans, étaient acceptées pour être payées à Paris.

Or, suivant cette règle de droit, contraxisse unusquisque in eo loco intelligitur, in quo ut solveret se obligavit. L. 21 ff. de obl. et ent., toutes les formalités du protêt et des diligences pour exercer l'action récursoire, étaient soumises aux lois qui sont observées à Paris, où la question n'est susceptible d'aucun doute.

A l'égard de la preuve exigée subsidiairement par

l'intimé, qu'il y avait provision, l'art. 16 du même titre 5 de l'ordonnance de 1673, n'est point applicable, parce que les lettres ont été acceptées, et que l'accepteur s'est obligé à les acquitter à la décharge des tireurs. L'acceptation dispense de toute autre preuve. C'est ce qui a été disertement décidé par arrêt de la cour de cassation, le 18 brumaire an XI, dans la cause de Thomas Avi, contre Rheinnard. Voyez Pothier, n.o 158, et les Questions de droit de M.r Merlin, au mot protêt.

D'ailleurs, si le défaut de protêt en temps utile ne nuit point à l'action en garantie, lorsqu'il est prouvé que celui, sur lequel l'effet est tiré, n'était pas redevable ou n'avait pas provision, il n'en est pas de même du défaut de notification du protêt. Cette formalité est indispensable dans tous les cas, puisque ce n'est qu'en fournissant cette pièce au donneur d'ordre, que celui-ci peut utilement exercer ses droits envers ceux qui lui sont obligés.

Qu'opposait l'intimé?

1.o Le silence des articles 13 et 14, titre 5, de l'ordonnance de 1673, sur la nécessité de dénoncer le protêt dans les délais.

2.o L'autorité de Pothier, qui estime que le défaut de notification de protêt ne nuit pas à l'action récursoire, lorsque l'assignation a été donnée en temps utile; que tout au plus il peut faire mettre à la charge du porteur les frais de copie et significations faites dans le cours de l'instance.

L'article 32, disait-il, n'a taxativement de rap

port qu'aux billets de change, et on n'éteint pas une action, fondée sur un titre légitime, par des fins de non-recevoir, empruntées de dispositions étrangères à la matière ; des exceptions aussi odieuses doivent être établies sur une loi poisitive, ou rejetées.

Inutilement prétend-on que l'obligation de signifier le protêt dans les délais prescrits par l'article 13, existait déjà avant l'ordonnance de 1673, dans une déclaration de 1664.

Cette déclaration est inconnue à Louvain, où elle n'a jamais été publiée, et où elle n'a aucune force de loi. D'ailleurs, si la formalité de la notification eût été considérée comme indispensable, le législateur n'eût pas manqué de la refondre et de l'exprimer dans l'ordonnance de 1673, qui a formé le code de commerce en France, et qui a servi de modèle à toutes les autres nations. On ne peut supposer une lacune aussi grave dans un ouvrage de cette importance.

Le protêt a été indiqué dans l'assignation en garantie. Il a dépendu des frères Peemans de se le faire représenter en prenant communication des pièces, et même d'en exiger la remise entre leurs mains, ce qui ne leur aurait point été refusé. Ils sont encore les maîtres de l'obtenir.

En supposant l'usage établi en France, dans le sens que lui donnent les frères Peemans, il ne serait d'aucun poids dans les départemens réunis, où il n'existe aucun préjugé sur la question.

L'intimé invoquait subsidiairement les dispositions

de l'article 16, titre 5, de l'ordonnance de 1673, et prétendait réduire les adversaires à prouver que le sieur Mols, qui avait promis d'honorer les lettres de change, était leur redevable, ou avait provi

sion.

+

Cet article ne distingue pas, entre les lettres de change acceptées et celles qui ne sont point acceptées; il oblige indistinctement les tireurs et endosseurs à faire la preuve que la personne sur laquelle la traite est faite, avait des fonds pour payer, ou qu'elle était débitrice de la somme.

Les tireurs sont toujours garans de la solvabilité, s'il en était autrement, les lettres de change ne seraient le plus souvent qu'une fausse monnaie; elles perdraient toute espèce de crédit dans la circulation; car l'acceptation ne rend pas l'accepteur plus solvable, et ce n'est pas uniquement sur la foi donnée à ses facultés que les effets se négocient.

Il est a remarquer, repliquaient les appelans, que l'assignation en garantie n'a été donnée que le dernier jour du délai (ils prétendaient même que le délai était expiré ). Ainsi, et en supposant qu'ils eussent pu demander la remise du protêt entre leurs mains, cette remise n'aurait été effectuée qu'après l'expiration du terme fixé par la loi.

Que les tireurs soient garans de la solvabilité de celui sur lequel les lettres sont tirées, nonobstant l'acceptation, c'est un principe trop certain pour qu'il soit contesté; mais dans quel cas sont-ils garans? Lorsque le porteur retourne contre eux en temps utile, et leur fournit. le titre et les pièces néces

saires

saires pour exercer leur action contre l'accepteur. Qui leur répondra de l'événement de l'insolvabilité survenue? Celui qui, par sa faute et sa négligence, les a privés des moyens d'agir. C'est donc sur lui que les risques doivent retomber. Il s'est approprié l'obligation de l'accepteur, et il ne lui reste plus qu'à exercer ses droits contre lui...

"

ARRÊT TEXTUEL.

« Attendu que la retraite, dont le sieur Goffin poursuit le paiement, est, dans ses effets, l'action en garantie qu'il prétend être en droit d'exeren vertu du protêt des lettres de change ti« rées par les frères Peemans.

« cer,

« Qu'ainsi l'effet de sa demande doit être réglé " par les principes relatifs aux actions récursoires « en matières de lettres de change.

« Et attendu que dans le sens de l'art. 13, titre «5, de l'ordonnance de 1673, plus particulièrement « développé dans l'art. 32, au sujet des billets de change, et où il y a identité de raison, et sui«vant la jurisprudence des arrêts, la signification du protêt est comprise dans l'expression générique « des diligences prescrites;

« Attendu que le protêt étant la pièce fondamen « tale de l'action que les tireurs pourraient avoir à « exercer eux-mêmes contre l'accepteur, la raison « de la loi et de la jurisprudence milite avec d'au«lant plus de force, dans l'espèce, qu'il s'agit d'une « retraite, sans que le refus du paiement de l'accepteur soit justifié, de manière que, faute de

Tome I, N. 7.

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