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rogation le droit né aux enfans, l'obligation qu'ils ont acquise directement contre la donatrice, subsisteraient-ils avec moins de force?

Un donateur ou ses héritiers peuvent-ils exciper de fidéicommis? Non; le donateur et ses héritiers ont un engagement à remplir, celui de délivrer la chose au donataire, et il n'y a de fideicommis que là où - l'on trouve un intermédiaire par lequel les biens doivent être restitués.

On ne reviendra plus sur la distinction à faire entre les donations réglées, comme en Brabant, par les principes du droit romain, et celles qui ont lieu dans les coutumes où l'on suit la maxime : donner et retenir ne vaut.

Puisqu'en Brabant, et dans tout le Brabant, les donations ne sont envisagées que comme des engagemens contractuels, rien ne s'oppose au concours de deux donataires directs du même objet, sauf la priorité dans la jouissance, d'où il est à conclure que là où ce concours est établi comme dans l'acte du 9 mai, qui contient une vocation directe pour les enfans à naître, il n'y a pas ombre de fidéicommis, ayant eux-mêmes l'action ex donato.

Reste la difficulté de savoir si l'enfant né, au nom duquel la demande est formée, a le droit d'agir avant la mort de son père: mais pourquoi non?

Les conjoints étaient l'un et l'autre obligés envers les enfans à naître le mari, conditionnellement ; l'épouse, purement et simplement.

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Il a plu aux contractans de résoudre la donation.

par rapport au mari: celle qui est faite aux enfans en est-elle moins conservée ?

Par la nature de la stipulation, la jouissance des enfans était différée jusqu'à la mort de leur père. Cette sorte de crédit n'était donc que dans l'intérêt du père, nullement de la donatrice, ni par conséquent dans l'intérêt de ses héritiers.

Quel est donc l'effet du retour des biens chez la donatrice, en vertu de l'acte de séparation? D'en reculer la jouissance vis-à-vis des enfans, parce qu'alors la donatrice remplaçait son mari dans la perception des fruits; à sa mort, la possession a été continuée par ses héritiers, parce que l'événement d'un donataire à naître, n'était pas arrivé; mais aussi-tôt qu'Ide-Anne-Philippine Prud'homme-d'Ailly a existé, elle a eu l'action ex donato, et c'est celle qu'elle exerce aujourd'hui contre eux, ainsi et de même qu'elle aurait la faculté de le faire, en vertu de tout contrat. Si contractu veluti stipulatione, celebrata fuit donatio ad implementum ejus datur actio ex stipulatu vel condict. ex lege 35 C. de donat. að similitudinem actionis ex empto in eo tertio quod donatori æque ac venditori necessitas incumbat traditionis, Voet. au titre de donat., n.o 19.

M. Tarte, substitut - procureur général, a porté la parole dans cette affaire. Ses conclusions forment un traité intéressant et très-instructif sur la matière : nons ne pouvons que les analyser succinctement

M. Tarte a d'abord observé que les parties ne s'étaient pas mis en contact avec assez de précision dans les points de difficulté de la cause; qu'elles

s'étaient plutôt créé des systêmes qu'elles ne s'étaient réellement combattu.

Il a rappelé l'espèce, restitué aux faits leur véritable caractère et discuté les questions dans leurs élémens.

Il semble, dit-il, que le mariage étant un échange continuel de services et d'affections, la loi n'eût jamais dû poser de limite aux libéralités exercées par deux époux l'un envers l'autre ; ce sentiment a paru si naturel, qu'il a été embrassé par la législation moderne, il n'est modifié que dans l'intérêt des personnes auxquelles la légitime est due.

Les Romains, si jaloux d'ailleurs du pouvoir de disposer, avaient des idées bien différentes sur les donations entre conjoints. Ils regardaient le mariage comme une sourced'affections pures, et la crainte que l'addresse, l'aveuglement, l'avarice ou la violence ne fussent autant de moyens de souiller le cœur des époux, les fit placer dans une sorte d'interdiction de s'avantager. L. 1, 2 et 3 ff., de donation. inter vir. et uxor.

L'empereur Antonin, fils de Sévère, sans blesser la cause morale des lois précédentes, adoucit la rigueur du principe. Les époux cessèrent d'être dans une incapacité absolue de se donner, mais leurs dispositions restaient soumises aux règles des donations à cause de mort; elles étaient révocables, et n'avaient d'exécution qu'autant que la persévérance de la volonté jusqu'au tombeau faisait présumer qu'elles étaient, non l'effet d'un sentiment vénal, mais le prix d'une bienveillance méritée. L. 3a, ff. a, ff, eod. tit.

Ce que les lois romaines réprouvaient directement, elles le défendaient aussi par voie indirecte, ou par des personnes interposées, c'était la conséquence naturelle du principe que l'on trouve développé dans plusieurs lois sur la matière. L. 5, § 5 ; L. 7, §6; L. 31, § 3; L. 52; L. 3, § 1, 2 et seq. Notamment les § 9, 12, 13, ainsi que les L. 4 et 5, f. h. tit.

Les enfans en puissance paternelle étaient considérés comme personnes interposées; c'est ce qui résulte de plusieurs lois.

Quelle influence a eu le droit romain sur le droit coutumier?

A cet égard, M. Tarte a remarqué que l'esprit général des coutumes était plus conforme à l'ancien droit romain, qu'il était même plus sévère, en ce qu'il n'admettait point d'exceptions dans le cas où il existait un avantage. C'est aussi, pour remédier aux différentes dispositions qui dérivaient du principe, que Justinien fit la novelle 17 de æquale dotis et propter nuptias, etc., source dans laquelle les rédacteurs des coutumes paraissent avoir puisé l'égalité qu'elles prescrivent dans les dons mutuels, pour ne pas choquer la défense faite aux époux de s'avantager.

Vainement eûl-on stipulé, dans un contrat de mariage, la faculté de s'avantager plus tard, une telle clause attaquait trop ouvertement le motif de la prohibition, elle était inefficace.

Il est facile de concevoir, continuait le magistrat du parquet, que, dans un systême aussi rigoureux

de prohibition, la jurisprudence ne se soit pas arrêtée aux conjoints, aussi a-t-elle frappé de nullité, toutes les donations déguisées sous des contrats à titre onéreux, ou faites à des personnes interposées, au nombre desquelles sont les enfans de l'époux donataire.

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On pourrait se demander: si la puissance paternelle étant la principale raison du droit romain sur l'interposition des enfans, quel effet peut avoir ce motif, lorsque l'enfant interposé n'est point en puissance paternelle ?

Ce n'est point par ce motif, dit Ricard, que les enfans du donataire sont considérés comme personnes interposées; si nous avions besoin du secours des lois romaines, nous y trouverions beaucoup d'autres motifs pour justifier la jurisprudence qui réprouve les donations faites par l'intermédiaire des enfans.

Les enfans et les auteurs de leur vie sont, pour ainsi dire, identifiés.

Combien n'en avons nous pas d'exemples dans le droit romain: plusieurs lois les confondent dans leurs intérêts et leurs affections. V. L. 28 ff., de test. tut.; L. 11, ff. de liberis et posth.; la loi 8, § 2 ff., quod metus causá, etc.

C'est en vain que la loi interdit ou défend, si elle peut être transgressée par des subterfuges.

Ne voyons nous pas d'autre part, dans les coutumes, l'esprit conservateur des biens dans les familles croit-on que ce motif ait peu contribué a rétrécir les limites des libéralités entre époux?

Les enfans sont réputés personnes interposées par

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