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le mari, ne peut étre individuellement soupçonné de F'avoir partagée.

Soutenir la légitimité de cet enfant, attribuer au mari la qualité de père, ce serait lui attribuer, sans motif et sans preuve, la qualité de complice d'une femme qui lui était étrangère au moment de la conception or, qui ne voit que, pour: repousser un soupçon' aussi injurieux, le mari n'a besoin d'autres armes que de son innocence présumée? Qui ne voit qu'à l'appui de cette présomption légale, il peut écarter de sa famille cet enfant étranger, par la seule dénégation d'avoir coopéré à l'acte qui lui a donné naissance; en un mot, par le désaveu?

Elle est donc marquée au coin de la sagesse, cette disposition de l'article 314, qui, bien différente de celle énoncée dans l'article 312, respecte et confirme le désaveu du mari, même dénué de toute preuve, lorsque l'enfant est né avant le 180o. jour du mariage c'est-à-dire, lorsque l'enfant a été conçu avant sa célébration.

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Il ne faut cependant pas s'imaginer" qu'un enfant doit être déclaré illégitime, par cette raison-là seule que la conception a dévancé la célébration du mariage. Le conseiller d'état Bigot-Préamenu a dit, qu'il faut que la présomption résultant d'une naissance trop avancée se trouve confirmée par une présomption qui paraîtra plus forte encore à quiconque observe le cœur humain : il faut que l'enfant soit désavoué par le mari.

Il faut en outre que le mari n'ait point eu connaissance de la grossesse avant le mariage, ou qu'il n'ait point assisté à l'acte de naissance; il faut que l'enfant soit déclaré viable.

Le législateur a pensé que, si le désaveu du mari établissait par lui-même une présomption légale contre la légitimité de l'enfant, il était indispensable que cet. te présomption ne fût pas détruite par une présomption contraire, résultant de la présence du mari à l'acte de naissance, ou de la connaissance qu'il aurait eue de la grossesse de sa femme.

C'est d'après ces principes que la Cour a rendu un arrêt dans l'espèce suivante :

Albert-Joseph Degrady, enfant unique du sieur Charles-Albert-Jos. Degrady, et de la dame Marie-Élisabeth Jacquet, son épouse, contracta mariage, le 5.e jour complémentaire de l'an XII, avec sa cousine, la demoiselle Jeanne Susanne-Victoire Degrady.

Peu de temps après la célébration de ce mariage, le 28 frimaire suivant, le mari, attaqué d'une maladie très-grave, déclara, au lit de la mort, en présence du président du tribunal civil, qu'il l'avait fait appeler pour demander le divorce avec son épouse, pour le motif qu'elle était enceinte des œuvres d'autrui lorsqu'il l'avait épousee; qu'il ne s'en était aperçu qu'après son mariage, et qu'il avait été trompė.

Le président fit au malade les observations prescrites par la loi : il le trouva ferme dans sa résolution, et il dressa procès-verbal de la déclaration.

Cinq jours après, savoir le 3 nivôse an XIII, AlbertJoseph Degrady termina sa carrière.

Le 13 ventôse de la même année, sa veuve mit au monde un enfant, qui fut déclaré viable par les gens de l'art présens à l'accouchement; et, par un

acte notarié du même jour, la mère déclara que l'enfant dont elle venait d'accoucher était un enfant naturel elle chargea en outre les trois docteurs en médecine et chirurgie présens, de déclarer à l'officier de l'état civil que son enfant était un enfant naturel.

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En conséquence de cette déclaration, l'enfant fut inscrit dans les registres de l'état civil comme enfant de Jeanne-Victoire-Susanne Degrady, sans désignation de père.

Le 25 du même mois, les père et mère d'Albert, en qualité d'héritiers de leur fils, déclarèrent, par acte notarié, de désavouer et de ne vouloir pas reconnaître cet enfant ils motivèrent ce désaveu, 1.° sur celui de leur fils; 2.o sur la déclaration des docteurs, portant que l'enfant était né viable; 3.o sur la déclaration et reconnaissance de la mère; 4.0 sur ce que l'enfant était né le 164.e jour, à dater du mariage.

On nomma un tuteur ad hoc à l'enfant, et ensuite commença l'action tendante à voir déclarer que cet enfant n'était pas l'enfant d'Albert-Jos. Degrady.

Le 19 floréal dernier, jugement du tribunal civil de Liége, qui rejette les conclusions des héritiers d'Albert Degrady. Les motifs sont ainsi conçus :

<< Considérant qu'un enfant, existant dans le sein de << sa mère en légitime mariage, a, en sa faveur, avant, << et au moins jusqu'au 180.e jour de sa naissance, la « présomption d'être conçu pendant le mariage.

( Considérant que la loi n'a fait que fixer le terme « des naissances précaires et tardives, au-delà, ou en« deçà duquel aucune réclamation n'est plus receva«ble, sinon motivée sur une impossibilité physique

de

« de cohabitation; qu'il s'ensuit, que pendant le temps « que l'enfant est dans le sein de sa mère, il a un état « fondé sur la présomption d'avoir été conçu dans le << mariage, et que l'on ne peut troubler cet état avant « que l'événement n'ait justifié qu'il n'est pas conçu « dans le mariage; car, ou le mari a connu la gros«sesse de sa femme avant le mariage, et alors toute « réclamation lui est fermée; il est présumé avoir « réparé sa faute personnelle, en se mariant; ou il « l'a ignorée, et, dans ce cas, il ne pourrait assurer, « que cet enfant n'a pas été conçu de ses œuvres, avant que le terme fixé par la loi ait fait évanouir la présomption légale; delà vient que l'enfant né en légitime mariage, quoiqu'immédiatement après le « contrat, ne doit pas être légitimé, son acte de naissance est inscrit sur les registres publics, comme les « naissances ordinaires, sur la seule déclaration du « mari; ainsi tout désaveu, fait avant la naissance de « l'enfant, est un acte contraire à la présomption de «la loi, et n'est qu'un acte inutile et inopérant, au« quel la naissance précoce ne peut donner une valeur << rétroactive, parce que c'est à la naissance de l'enfant << que le mari peut être en état de régler sa conduite, « et savoir le parti qu'il doit prendre, et qu'on ne « peut suppléer les sentimens qu'il aurait eus, si l'en« fant fut né avant son désaveu.

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« Considérant qu'Albert - Jos. Degrady, marié le 5. complémentaire an XII, est mort le 3 nivôse « an XIII, trois mois quatre jours après son mariage, « et soixante-dix jours avant la naissance de l'enfant « dont il s'agit; que conséquemment il ne pouvait

absolument prévoir que l'enfant naîtrait avant le cent « quatre-vingtième jour, ni même avant le terme de neuf mois, pour déclarer avec certitude qu'il n'était

Tome 1, n. 1.

« pas le sien; qu'on ne peut donc voir dans cette « déclaration, donnée au lit de la mort, et que les « demandeurs présentent comme un désaveu formel, qu'une assertion hasardeuse, un acte extrajudiciaire, « qui n'a pas été suivi d'une action dans le délai pres«< crit par l'article 318 du code;

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« Considérant que cette déclaration ne peut valoir « pour désaveu contre l'enfant, parce qu'elle est ren<< due devant un juge, qui n'a pas caractère à cet effet, « qui n'a qualité que pour recevoir une demande en « divorce, parce qu'elle frappe directement sur la « mère, parce qu'elle n'est donnée que comme un « motif pour ouvrir une action en divorce;

« Considérant que les soupçons d'Albert-Jos. De«grady contre son épouse fussent-ils légitimes ou « mal-fondés, on ne peut assurer qu'il eût parlé de <«< la sorte, s'il se fût agi expressément de désavouer << l'enfant ;

<< Considérant que le droit de réclamer contre l'état « d'un enfant n'appartient à personne qu'au mari et à «ses héritiers, dans les cas déterminés par la loi, « que des articles 316 et 317 du code, on doit inférer « que la réclamation n'est ouverte qu'après la nais<«<sance de l'enfant, puisque, dans le cas où le mari « est autorisé à la faire, il y a un temps fixé à cet « effet, et c'est après la naissance de l'enfant ; que «<le mari meurt dans le délai utile avant de l'avoir faite, le droit, à lui acquis par la loi, est alors trans«<missible à ses héritiers, qui de leur chef ne peuvent « réclamer, que lorsque l'enfant se met en possession « des biens du mari, ou lorsqu'ils sont troublés eux« mêmes dans cette possession;

«

si

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