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Assez généralement ailleurs, l'hypothèque n'a été considérée que comme la sûreté accessoire de la rente, et n'a eu aucune influence sur sa nature.

Devaient-elles être rangées dans la classe des biens meubles?

Il semble que le contrat de rente consistant dans une somme de deniers pour laquelle on stipule une indemnité annuelle en deniers, il n'y ait rien en cela qui puisse lui imprimer la nature de l'immeuble.

Mais on disait que ce contrat a eu besoin d'emprunter les couleurs d'une propriété foncière, pour être rendu licite.

Il fut en effet reconnu par le droit canon, que les rentes constituées, produisant des fruits annuels, étaient, de droit, assimilées à un fonds, et devaient être comprises dans la classe des biens immeubles. Clementina exivi. in decretal. tit. de verb. signif.

Cette doctrine a été suivie dans la plupart des coutumes, c'était même le droit commun dans le silence de la loi locale. Faber in leg. hac edict. cod. de secundis nupt., n.o 5; Dumoulin, in tract. commerc. quæst. 37, n.o 237; Pothier, Traité du contrat de rente, chapitre 5 n.o 112; le même, Traité de la communauté, partie 1, chapitre 2, section 1, n.os 81 et 84.

Plusieurs auteurs italiens et allemands établissent la même opinion qui est textuellement consacrée par la coutume de Namur et par celle de Malines.

Cependant, plusieurs coutumes de la Belgique,

et entr'autres celle de Bruxelles, ont distingué entre les rentes hypothéquées, et les rentes constituées sur la personne du débiteur. Celles-ci sont restées dans la classe des choses mobiliaires. Cette distinction était assez naturelle, sur-tout dans les lieux où l'usage assimilait les rentes hypothéquées à l'immeuble sur lequel elles étaient imprimées; car, autrement, il eût fallu créer une troisième espèce de propriété mixte.

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La règle d'après laquelle les constitutions de rente étaient réputées fictivement immeubles, n'était pas générale elles étaient tenues comme meubles dans les coutumes de Lorraine, de Troyes, et dans quelques autres, soit qu'elles fussent ou non hypothéquées.

Cette diversité de systême devait nécessairement entraîner beaucoup d'embarras dans les partages des successions et des communautés conjugales. Il a été généralement reconnu que c'était par la loi du domicile du créancier que la nature des rentes devait étre déterminée.

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En France, les rentes établies par le roi sur l'hôtel de ville de Paris, ainsi que celles qui étaient créées sur les tailles de différentes provinces étaient réputées immeubles dans la succession du créancier, méme lorsque la loi de son domicile avait une disposition contraire.

Il n'en était pas ainsi des rentes sur les états de certaines provinces, ni de celles qui étaient dues par le clergé elles demeuraient soumises aux règles ordinaires.

Quant aux étrangers qui plaçaient des fonds sur le roi, une déclaration de 1715 portait, que ces fonds seraient réglés, quant à leur nature, par la loi de leur domicile.

Les souverains de la Belgique n'ayant eu recours que plus tard, à la voie des emprunts, les idées n'ont pas été aussi nettes sur la nature des rentes qu'ils affectaient sur leurs revenus royaux, mais il paraît hors de doute que celles qui étaient établies sur des corporations, états ou communautés, étaient regardées comme immeubles. Coutumes de Louvain chap. 14, art. 19; de Tirlemont, chap. 12, art. 12; d'Anvers, chap. 57, art. 54: V. la cout. de Gand, rub. 25, art. 8, en ce qui concerne les rentes sur les villes et les cloîtres.

La raison pour laquelle les rentes dues par les états, ou corporations, ou établissemens publics, étaient immeubles, indépendamment de toute hypothèque, est la permanence et la stabilité de ces établissemens, et le défaut de lien personnel des débiteurs qui ne contractaient que sur la chase.

N'en est-il pas ainsi à l'égard du souverain?

C'est ce qu'ont pensé plusieurs auteurs: Wynants, decis. 183, idem est de reditibus super domanio, civitatibus, etc.; Dulaury, dans sa 2 décision, atteste ce point comme notoire en Brabant. Cuypers quæst. 32, n.o 6; Kinschot, respons. 47; V. Vandenhane, sur la rubrique 25, art. 8, de la coutume de Gand, et pour la Flandre, Deghewiet, Institu tions du droit belgique, partie 2, titre 5, § 10, n. 25.

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Peu importe que le prince n'ait pas hypothéqué ses domaines, ou qu'il n'y ait pas eu d'œuvres de loi.

D'abord, il est reconnu que le prince transfère le droit réel sans œuvres de loi. Stockmans, décis. 140, n.o 6; Christyn, t. 1, décision 37, n.o 13.

En second lieu, si les deniers des impôts sont quelque chose de mobilier, le droit de les percevoir est réputé réel et immobilier. Paul Voet, disquisit. jurid. cap. 9, n.is 23 et 24..

On ne peut se faire une idée plus claire de tous ces principes, qu'en consultant Rodenburg dans son Traité de jure quod oritur è statutorum diversitate. Cap. 2, n.o 3.

Toutefois, cette masse d'autorités ne présente qu'une force d'opinions et de raisonnemens. Les coutumes qui ont parlé des rentes sur les établissemens publics, sont muettes à l'égard de celles qui seraient créées sur le souverain.

Il n'existe donc point de loi positive sur la matière.

Bien plus, les souverains ont laissé eux-mêmes la question entière, car, dans les octrois relatifs aux emprunts; les fournisseurs de fonds avaient la liberté d'imprimer à leur capitaux, selon qu'ils le désiraient, la nature de meubles ou d'immeubles; leur déclaration suffisait.

Dans la levée de la création de 1787, il est même dit, qu'à défaut de déclaration, les rentes seront meu

bles; mais il ne s'agit pas dans cette cause de cette dernière création, mais de celle de 1772.

Voici les faits.

En 1744, mariage contracté à Bruxelles, entre le sieur Gilles Vanophem, et D.lle Emérance Pillois.

Le 18 janvier 1780, décès d'Emérance Pillois, sans postérité son mari mourut en 1786.

La coutume de Bruxelles avait fait la loi de cette union conjugale: ainsi, à la mort d'Emérance Pillois, son mari survivant avait emporté tout le mobilier, à la charge des dettes, et retenu la jouissance des immeubles du prédécédé.

Gilles Vanophem a laissé pour héritière, une sœur.

Les sieurs Vancoeckelbergh, avaient succédé à Emérance Pillois, leur tante et grand'tante.

Dans la communauté dévolue au sieur Vanophen à titre de survie, se trouvaient des rentes constitutées sur l'empereur d'Allemagne, sur la banque de Vienne, sur les états de Brabant, sur la ville et le canal de Bruxelles, et sur le Mont-de-piété.

De ces rentes, les unes avaient été apportées en mariage par la D.lle Pilois, ou remployées en son nom, ou acquises pendant la durée de la communauté.

Question de savoir quelle en était la nature.

La D.lle Vanophem, sœur et héritière du survivant

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