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institué, par testament (1), la D.lle Grenier, son héritière universelle.

Quant à l'inaccomplissement des clauses du contrat, c'est la force des événemens qui a séparé les parties en Allemagne ; il dépendait du chanoine Dumont de partager le sort des donataires : il a préféré son retour dans sa patrie: il y a repris la jouissance de ses biens : elle lui a tenu lieu des alimens qui lui étaient dus. C'est une sorte de constitut précaire en vertu duquel il a possédé pour les donataires.

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Au surplus, il n'a pas été difficile en l'an IV de se procurer des déclarations de témoins sur des faits d'ingratitude: point de contradicteurs, et sans doute que la révocation n'avait pas pour but simple de dépouiller les donataires dont la rentrée était peu présumable.

Les intimés démontraient que la donation insérée au contrat de mariage du 4 décembre 1793, était la même, absolument la même que celle du 15 octobre 1791,

Par les propres expressions du donateur,

Par le fait des donataires qui l'avaient eux-mêmes

reconnu.

1.o En ce que la D.le Marie-Thérèse Grenier a entre les mains une copie d'un prétendu acte de (2) rapport,

(1) On n'a pas pris de conclusions en vertu de ce testament, sans doute par la crainte qu'il ne fût annullé à cause du titre universel. (2) Hypothèque.

où il est dit que, comme son mari doit lui assurer une dot de g000 florins d'Allemagne, elle se fait un deyoir de rapporter les deux maisons qui lui ont été données par le chanoine Dumont, le 15 octobre 1791 et dont la donation a été ratifiée, en tant que de besoin, dans son contrat de mariage.

On a dit d'un prétendu rapport, parce que les intimés ont soutenu que l'original ne se retrouvait pas.

2. En ce que, dans l'instance commencée par les donataires en l'an XIII, afin de revendication, ils ont tellement entendu qu'il ne s'agissait que d'une seule et même donation, qu'ils se sont bornés à conclure à ce qu'ils fussent déclarés propriétaires des immeubles compris dans la donation du 15 octobre 1791.

Etait-il possible de l'entendre autrement?

Le chanoine Dumont n'exerce pas une nouvelle libéralité dans le contrat de mariage : il confirme le don qu'il avait fait, en répétant mot-à-mot les expressions consignées dans l'acte du 15 octobre 1791, auquel il adhère, et qu'il renouvelle, en tant que de besoin. Qui confirmat nihil novi dat.

Pour être répétée dans un contrat de mariage, une donation antérieure, sur-tout faite par un étranger, devient-elle une donation en faveur de mariage? Elle demeure ce qu'elle était auparavant, car le donateur est déjà dépouillé. Sa nouvelle déclaration n'est plus qu'une démonstration de persévérance, et si, dans l'espèce, la libéralité pouvait être envisagée comme donation en faveur de mariage, évidemment ce ne serait que de l'épouse à son mari,

Dumoulin a examiné la question dans son Traité des donat. in contractu matrimonii factis, n.is 80, 81. Elle avait déjà été traitée dans le même sens par Socinus et Bertrandus. Voici comme il s'explique.

Ex prædictis liquere patet, quid dicendum in donatione factá antè contractum matrimonium, sed in ipso contractu matrimonii confirmata vel etiam innovata. Socinus, 126, lib. 3; Bertrandus, dict. const. 158.

Nec enim aliud est quam ejusdem donationis recognitio et perseverantia, donatore in eodem statu manente, quod non poterat non fateri, non recognoscere, non ratum habere, cujus revocandi causam nondùm habebat.

Pour qu'une donation mérite la faveur due aux donations faites par contrat de mariage, il faut qu'elle ait été la cause efficiente, la cause finale du mariage. Voyez, par exemple, la loi Titio centum ff. de condit. et demonst., Loi 2, § fin. de don.

Il a été, dit-on, donnné en avancement d'hoirie. Expression impropre et peu convenable.

Expression insignifiante, car, outre que la demoiselle Grenier n'était pas successible et que l'adoption n'était point reçue dans nos mœurs, le chanoine Dumont ne donnait réellement rien, c'était la donataire qui se dotait elle-même de la propriété des biens qui lui avait été transférée par l'acte du 15 novembre 1791, s'il n'était d'ailleurs pas radicalement nul daus la forme.

Dès qu'il est établi que la donation renouvelée du

4 décembre 1793 est la même que celle de 1791, la révocation prononcée par le jugement du 6 frimaire an IV, en a remis les objets dans le domaine du donateur.

La révocation a-t-elle été prononcée à juste cause?

Le juge avait sous les yeux les informations dont le résultat accablait d'ingratitude la D.lle Grenier envers son bienfaiteur; mais avait-il besoin d'autres motifs que de ceux de la position des donataires?

Ils étaient expatriés; toute communication était interdite entr'eux et le donateur; l'exécution du contrat était donc rendue impossible.

En se chargeant de nourrir et d'entretenir leur bienfaiteur selon son état, leur obligation ne se réduisait point à restituer la simple jouissance des biens donnés, ils avaient contracté l'engagement personnel d'y suppléer de leur propre fortune.

Les choses n'étaient même plus dans leur état: le mobilier en avait été distrait et dissipé.

Donc, non-seulement le contrat n'a plus été exécuté, mais l'exécution en est devenue impraticable.

Objecterait-on que les donataires étaient représen→ tés par la république mais ce n'était pas avec la république que le chanoine Dumont avait entendu faire un traité de nourriture et d'entretien: dans ces sortes de contrats, il est naturel de compter sur les soins et la reconnaissance des personnes.

Qu'auraient d'ailleurs gagné les donataires à cette interversion de propriété ?

C'est donc à juste cause, ajoutaient les intimés que la donation a été résolue: elle n'eût pas moins été dans le cas d'être révoquée, quand elle aurait pris naissance dans un contrat de mariage; parce que le défaut d'accomplissement des conditions ne soustrait, dans aucun cas; le donataire à la résolution de l'acte qu'il n'exécute pas.

La révocation ayant réintégré le donateur, sa succession a passé à ses héritiers, et c'est en vain que les appelans se sont imaginés, après coup, qu'ils parviendraient à les inquiéter, eux qui, depuis leur retour en France, ont eu occasion de se trouver à Leuze du vivant de leur bienfaiteur, sans daigner s'occuper de son existence.

M. Tarte, substitut-procureur général, n'a pas vu que la donation du 4 décembre 1793, fût dépendante du sort de celle de 1791.

Il a pensé qu'elle était plus étendue, et qu'elle pouvait comprendre les biens échus dans l'intervalle des deux donations;

Qu'elle avait fait partie du traité de mariage, et qu'ainsi elle ne se trouvait pas révoquée, par cela seul, que celle du 15 octobre 1791 l'avait été.

D'où il a conclu, qu'en statuant sur le mérite des titres produits par les sieurs Dumas et son épouse,

il

у avait lieu à leur adjuger leurs conclusions, en déclarant, qu'en vertu de l'acte du 4 décembre, ils étaient restés propriétaires des biens dont s'agit, et en infirmant ainsi la décision du premier juge, sans entrer, quant à présent, dans la discussion relative aux objets

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