Page images
PDF
EPUB

Dehaen s'éleva contre l'admission de la preuve par témoins, et à l'égard de l'interrogatoire sur faits et articles pertinens, il observa que, si l'ordonnance de 1667 permettait de recourir à ce remède en tout état de cause, elle ajoutait néanmoins ces mots : sans retardation de l'instruction du jugement.

Qu'il fallait donner un sens raisonnable à cette disposition de l'ordonnance, vue dans son intégralité;

[ocr errors]

Que Vancamp avait négligé cette ressource en première instance; qu'au lieu de l'employer pendant l'instruction en cause d'appel, il s'était laissé condamner par défaut, et qu'au moment de subir sa 'condamnation définitive, sa demande ne pouvait plus étré considérée que comme une exception dilatoire;

Que la loi n'était pas conçue pour favoriser les retards des débiteurs, et que son application devait appartenir au discernement et à la prudence du juge;

Enfin, qu'il s'agissait d'une matière sommaire, et que Vancamp, après avoir épuisé toutes les ressour ces de la chicane, voudrait encore abuser de l'esprit et du sens de l'article 1, titre 10, de l'ordonnance de 1667, pour éloigner l'effet de son obligation.

La matière devenait plus sérieuse sur les deux dernières questions.

Celle de savoir, si le délai accordé par le porteur opère la décharge de l'accepteur, n'est pas sans difficulté; car, quoique l'accepteur s'oblige dhonorer l'ordre, il arrive très-souvent qu'il ne s'oblige

que par la confiance qu'il a dans la solvabilité du tireur pour le temps à courir jusqu'à l'échéance déterminée.

Si, depuis l'échéance, le tireur fait faillite, qui garantira à l'accepteur l'utilité de son recours? Car il est à remarquer, qu'il n'en est pas de l'accepteur, comme d'une caution ordinaire qui connaît le créancier, qui peut le rembourser et obtenir cession d'actions, ou contraindre, en temps utile, le débiteur à payer. L'accepteur ignore entre les mains de qui l'effet se trouve.

Cependant il est plus vrai de dire que l'accepteur est obligé, sans réserve, envers le porteur d'ordre, et que le temps seul de la prescription établit, en sa faveur, la présomption du paiement.

L'ordonnance de 1673 n'établit aucune autre fin de non-recevoir à l'accepteur. Toutes les diligences qu'elle exige sont relatives aux tireurs et endosseurs; mais quand l'effet n'est plus négociable (et il cesse de l'être après son échéance), quelle est alors la nature de l'obligation de l'accepteur?

Est-il encore dans le cas d'étre poursuivi et exé cuté comme débiteur d'une lettre de change?

La Cour, troisième section, en confirmant, le 19 avril 1806, un jugement du tribunal de Turnhout, a décidé que non, entre Wouters, Neeckx et Demarteau.

Elle a décidé qu'une lettre de change, gardée en porte-feuille après l'expiration du terme, dégé: nérait en pure obligation civile.

Dans l'espèce de la présente cause, il y avait plus : le porteur d'ordre avait lui-même dénaturé le con trat de change en traitant seul avec le souscripteur de la lettre.

Dès que le titre n'est plus susceptible de circuler avec tous les avantages que l'intérêt du commerce a introduits en faveur des lettres de change il n'y a plus de raison de lui en attribuer les effets.

La conséquence est, que la forme de l'exécution du titre est changée, qu'il n'y a plus lieu ni à la contrainte par corps, ni à exiger les intérêts du jour du protêt, car l'accepteur n'est plus tenu de garder et de produire les fonds au vu de la lettre.

Ha le droit de jouir du bénéfice des formes et exceptions établies en matière civile.

C'est ce qui a été jugé par l'arrêt suivant :

« Attendu que la preuve testimoniale offerte par Vancamp, est dénuée de commencement de preuve par écrit, et tend à détruire la force d'une obligation qu'il a souscrite;

« Attendu que la loi défend d'admettre la preuve par témoins contre un écrit ;

« Attendu que Vancamp n'a point requis la com• parution personnelle de l'intimé en première ins«tance; qu'il a laissé prendre défaut, et que ce « n'est qu'au moment où la cause devait être rendue << susceptible de décision qu'il a recours à la voie des faits et articles pertinens;

« Attendu que si l'ordonnance de 1667, titre 10, << article 1, permet aux parties de se faire inter<< roger sur faits et articles pertinens, elle y ajoute « que ce sera sans retardation de l'instruction et du « jugement;

<«< Attendu que Vancamp a eu tout le temps re« quis pour faire usage de ce moyen, et qu'au mo& ment où il le propose, sur-tout en matière sommaire, « il fait un abus de l'esprit et du sens de l'article de « l'ordonnance précitée, qui n'a point été rédigé pour a servir de prétexte à des exceptions dilatoires;

« Attendu d'ailleurs, qu'il a indiqué les faits, et « que l'intimé offre d'affirmer qu'ils ne sont pas réels ;

« Attendu que dans les principes du contrat de « change, l'acceptation pure et simple, constitue « l'accepteur dans l'obligation de payer le porteur d'ordre, à l'égard duquel il est toujours censé avoir << provision;

« Que cette obligation ne s'éteint que par le « paiement effectif, ou par le laps de cinq ans qui << fait présumer le paiement, d'après les dispositions « de l'article 21, titre 5, de l'ordonnance de 1673, ou par une décharge expresse;

« Attendu que la même ordonnance ne fixe aucun « autre terme fatal, relativement à l'accepteur, et « que les diligences qu'elle prescrit n'ont d'autre « objet que celui de l'action récursoire contre les tireurs et endosseurs, chacun en droit soi;

<< Attendu qu'en droit, le délai accordé à l'un des

co-débiteurs

& co-débiteurs solidaires n'emporte point la décharge « de l'autre ;

«Attendu néanmoins, qu'une lettre de change « non suivie de protêt et de poursuites à son échéan«ce, n'est plus négociable, puisqu'elle ne peut plus « offrir les avantages que l'intérêt du commerce lui << attribue sous le rapport des garanties, dont peut « s'assurer le porteur par ses diligences; qu'ainsi elle << rentre alors dans les termes d'une obligation pu<<<rement civile ;

«< Attendu, d'autre part, que l'accepteur n'est «. point obligé à conserver ses fonds pour les re« produire sur la représentation de l'effet, et à la « signification du protêt, lorsque le porteur a lui« même renoncé au droit qu'il avait d'exiger le « paiement d'après les formes propres aux lettres a de change, en accordant un nouveau délai au « tireur;

« D'où il suit qu'il y a eu réellement novation par « le fait du porteur, en ce sens, que les formes « et l'exécution du titre ne sont plus celles que la <«<loi accorde aux lettres de change, tant qu'elles en «< conservent le caractère et l'effet;

« Qu'il résulte de ces observations, que la con<< trainte par corps ne pouvait plus avoir lieu, et a que les intérêts n'ont été dus que du jour de la «demande judiciaire ;

<< La Cour reçoit Vancamp opposant à l'arrêt par « défaut, du 13 février dernier, ordonne que ledit « arrêt demeurera rapporté: au principal, met l'apTome II, N.° 4.

22

« PreviousContinue »