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que l'ecclésiastique n'éprouverait pas de besoins qui dussent l'exposer à vivre inconvenablement.

Cependant, il n'est que trop souvent arrivé que des ecclésiastiques ont tenté de faire prendre le change sur les biens qui constituaient leur titre, clerical, et que de fausses prétentions ont été la source de beaucoup de contestations dans les familles : cette cause en fournit encore un exemple.

Jacques-Jean Bertinchamps avait cinq enfans dont deux, Élie et Élisée, furent destinés à l'état ecclésiastique. Il n'est question ici que du premier.

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Le 25 janvier 1772, Bertinchamps père affecta six bonniers de terre à la prestation d'une rente de cinquante écus de Brabant, pour former le titre clérical de son fils Élie. C'était une partie notable de sa fortune, si on en juge par les dispositions du testament qu'il fit avec son épouse, le 25 février 1777.

En effet, par ce testament, Jacques-Jean Bertinchamps et son épouse, instituent pour leur héritier universel, Hypolite, un de leurs fils, à charge de payer à François et à Julie, ses frère et sœur, une rente annuelle de 60 liv. chacun.

Une autre charge imposée à Hypolite, était celle de nourrir et entretenir, chez lui et non ailleurs, Élie, pendant deux ans, s'il se trouvait sans bénéfice; attendu, est-il dit dans le testament, qu'il jouira de son titre presbytéral.

Cette dernière clause était assez ambiguë; mais elle s'expliquait par la condition antécédente, c'est-à-dire

que, si Elie ne voulait pas accepter la table et le logement de son frère, il aurait les cinquante écus de Brabant, attachés à son titre clérical.

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Élie était alors président du collége de Marche; il obtint la cure de Fontaine-l'Evêque, le 7 juin 1779Ainsi, il ne se trouva point dans le cas prévu par le testament de son père.

Quoiqu'il fût dit dans la constitution du titre clérical, que la rente de cinquante écus prendrait naissance du jour de la promotion d'Elie aux ordres sacrés, néanmoins il n'en avait pas joui réellement.

Son père était resté en possession des biens affectés au titre, et avait fait la dépense des études et de l'entretien de son fils.

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L'héritier institué les trouva dans la succession de ses père et mère, et en jouit comme d'un héritage qui en faisait partie.

Cependant, le 28 mars 1792, Elie se fit passer, par son frère Hypolite, une, reconnaissance de 950 écus de Brabant, pour dix-neuf années d'arrérages de la rente, qui forment son titre clérical.

Hypolite n'avait point d'enfans. Sa santé était trèséquivoque, et la coutume assurait à Marie-Marguerite Halbrecq, sa femme, la totalité du mobilier en cas de survie, mais à la charge de payer toutes les dettes.

Par arrangement de famille du 17 juin 1796, Hypolite déclare donner à sa femme l'usufruit des six bonniers qui servaient de gage au titre clérical d'E

lie: ce dernier comparaît dans l'acte et y dit qu'ilne répétera rien de son titre clérical, tant que Marie-Marguerite Halbrecq vivra, à moins qu'il ne fût privé de sa cure; alors, ajoutait-il, je pourrai profiter de mon titre, du moment de ma sortie.

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Décès d'Hypolite, èn 1797.

Alors on exigeait, des prêtres de la Belgique, la soumission aux lois. Elie Bertinchamps fut du nombre des réfractaires. Il ne lui était donc plus per mis d'exercer le ministère de curé à Fontaine-l'Evêque, du moins publiquement.

L'événement de la privation de sa cure était-il arrivé? Il le crut, ou feignit de le croire, et s'en fit un moyen de se mettre en possession des biens affectés à son titre clérical.

Soit par indulgence, soit par opinion, que la clause, insérée dans l'acte du 17 juin 1796, devait s'entendre dans le sens des prétentions d'Elie, la veuve d'Hypolite ne resista point.

Par l'effet de la réorganisation du clergé, Elie Bertinchamps fut replacé dans la cure de Fontaine-l'Evêque; mais, au lieu de restituer à sa belle-sœur la jouissance des six bonniers, il s'avisa, en l'an XIII, de la traduire au tribunal de Charleroi, pour la faire condamner à lui payer vingt-quatre années d'arrérages, savoir: dix-neuf, portées en la reconnaissance faite par son mari, le 28 mars 1792, et cinq échues depuis, et jusqu'en 1797, époque à laquelle il était entré en possession des biens.

Marie-Marguerite Halbrecq eut d'autant plus lieu

d'être surprise de ce procédé qu'elle ignorait, dit-elle, l'existence de l'écrit du 28 mars 1792, dont il n'était dit mot dans l'arrangement de famille, du 17 juin 1796, et ou l'on trouve au contraire des ex pressions qui repoussent toute idée d'autres préten◄ tions de la part du curé de Fontaine-l'Evêque.

Marie-Marguerite Halbrecq se défendit à cette demande, et conclut elle-même à ce que le curé de Fontaine-l'Evêque eût à entendre dire qu'elle serait réintégrée dans la jouissance des six bonniers, en conformité de l'acte du 17 juin 1796, avec restitution des fruits depuis 1797

Le sieur Elie Bertinchamps, disait-elle, n'a jamais été dans le cas d'exiger la jouissance des biens qui ont constitué son titre clérical, parce qu'il a toujours été pourvu de places ou bénéfices suffisans pour lui procurer une existence honorable.

Il a tout-à-la-fois abusé de la crédulité et de la faiblesse de mon mari, de la nature et de l'objet de la constitution du titre clérical pour obtenir l'éerit du 28 mars 1792.

Cette reconnaissance n'a eu d'autre cause que le dessein de créer une dette à ma charge pour le profit particulier du curé de Fontaine-l'Evêque, dans le cas où, suivant les probabilités, je survivrais à mon mari. Mais qu'importe sa signature, si elle n'est attachée qu'à une promesse sans cause légiti me? Ne faut-il pas toujours en revenir à la vérité?

Se plaindrait-il de la prétérition de ses parens dans leurs dispositions testamentaires? Mais sa légitime

n'est-elle pas, dans l'état qu'il a embrassé, aux frais de sa famille, et dans son titre clérical, si les évé nemens le placent dans une situation qui l'autorise ǎ y recourir?

Cette situation, il ne l'a pas encore éprouvée, et s'il s'est emparé, en 1797, des six bonniers dont l'usufruit m'était concédé, il doit m'en restituer le produit.

D'abord, il n'a pas discontinué ses fonctions, et son bénéfice valait mieux, lorsqu'il exerçait son ministère clandestinement, que dans les temps anté

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En second lieu, aucune loi ne l'a privé de son bénéfice. C'est lui-même qui, par son refus d'obéir aux lois, a renoncé au droit de conserver sa cure. Son fait a-t-il pu me nuire?

A la vérité, les circonstances ont pu me rendre circonspecte à son égard dans le temps où il est venu m'enlever la jouissance des six bonniers; mais un acte de prudence n'est pas un acte de renonciation.

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En tout cas, et s'il était possible d'interpréter mon silence à mon préjudice, qu'en résultérait-il? Le sacrifice de quelques années de l'usufruit des six bonniers, car il est au moins évident que le sieur Elie Bertinchamps, est rentré dans sa cure depuis le concordat; qu'il touche le traitement fixé par la loi; qu'ainsi il est réellement pourvu de son bé

néfice.

Le curé de Fontaine-l'Evêque n'a donc plus au

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