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DOIT-ON ajouter foi entière à l'aveu de celui qui, ayant reçu un dépôt sans qu'on ait exigé une reconnaissance écrite, convient du dépôt, mais assure en même-temps l'avoir rendu au propriétaire décédé ? RÉSOLU AFFIRMATIVEMENT.

Cour de

EN N fructidor an V, feu le conseiller Brialmont, se trouvant porté sur une liste d'émigrés, quitte la Liége. villle de Liége, pour se soustraire aux poursuites exercées contre lui.

Il fait déposer, par ses domestiques, une malle remplie d'effets et de papiers domestiques, chez le sieur Brouwir, dont il ne prend aucune reconnais

sance.

Le conseiller Brialmont décède en l'an VII.

Les héritiers réclament le dépôt en l'an XI.
Quelle est la réponse du sieur Brouwir?

Qu'il avait en effet reçu le dépôt, dans l'intention d'obliger momentanément son ami, mais à la condition qu'il ne le garderait que pendant une quinzaine de jours;

Que, quelque temps après, une personne mu

nie d'une lettre de feu Brialmont, s'était présentée pour reprendre la malle, et qu'il la lui avait rendue.

Il ne représente pas la lettre, supprimée, dit-il sur-le-champ.

Il expliquait sa conduite par la crainte que lui inspirait la législation du temps, soit sur le dépôt d'effets appartenans à un émigré, soit sur la preuve de ses relations avec le sieur Brialmont.

Les héritiers demandent à être admis à la preuve du dépôt, sur le fondement que, vu la circonstance périlleuse où était le propriétaire lorsqu'il le fit, ce dépôt devait être considéré comme nécessaire.

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La preuve est admise par le premier juge, qui refuse même au sieur Brouwir la preuve contraire, et le condamne par défaut.

Ce jugement fut réformé sur le déni de la preuve

contraire.

Il serait inutile de s'appesantir sur cette partie de la causé, parce que la Cour n'a pas basé sa décision sur les enquêtes dont il résultait, d'une part, la preuve du dépôt, ce qui était assez inutile, puisque le fait était avoué, et d'autre part, quelques présomptions que le dépôt avait été rendu.

Les témoins qui déposaient du fait, étaient les domestiques qui avaient porté la malle, ainsi que convenait le sieur Brouwir lui-même.

Le sieur Brouwir récusait la preuve testimoniale.

Quelle que fut la position du sieur Brialmont, il avait eu la liberté de placer sa confiance ou de prendre un écrit ; ainsi, disait-il, le dépôt a été volon-. taire; ainsi, point de preuve par témoins. Ce n'est pas le cas de l'exception.

Reste purement et simplement mon aveu que l'on doit prendre tout entier, étant de principe qu'en matière civile, la confession est indivisible : non scinditur confessio.

Les héritiers de feu le conseiller Brialmont ne doivent pas avoir moins de confiance que lui-même dans le dépositaire qu'il s'était choisi; l'infidélité qu'on me suppose est une injure faite à son discernement, et se repousse par son entier abandon à ma bonne foi d'après l'intimité de nos liaisons.

Les intimés soutenaient qu'un dépositaire ne se libérait pas au moyen d'un aveu complexe;

Que c'était une exception à la maxime de l'indivisibilité de la confession en matière civile. Ils invoquaient la loi 26, § dernier ff. depositi, et 9 C. de exceptionibus;

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Que, d'un autre côté, cette maxime était inapplicable, parce qu'ils ne se servaient pas de son aveu; qu'ils avaient établi le fait indépendamment de la confession;

Qu'ils l'avaient établi par le témoignage des deux domestiques qui avaient porté la malle chez le sieur Brouwir. Or, la loi 9 de exceptionibus veut que celui qui fait l'aveu et qui prétend en détruire l'ef

fet par une exception, soit tenu d'en établir la preuve siquidem intentionem actoris probatione deficere confidis, nulla tibi defensio necessaria est; si verò, de hac confitendo exceptione te munitum asseveras, de hac tantum agi convenit;

Enfin, que la restitution du dépôt, alléguée par l'appelant, n'avait pour appui que l'invention d'une fable arrangée après coup, sur l'envoi d'une prétendue lettre non produite.

A quoi le sieur Brouwir répondait que la loi 26, S dernier depositi, laisse à la prudence du juge le pouvoir de diviser;

Qu'en effet, lorsqu'il n'y a ni connexité dans les objets, ni vraisemblance dans la condition apposée à l'aveu, ou lorsque l'exception respire une mauvaise foi évidente, le juge est le maître de rejeter une condition qui lui paraît imaginée pour éluder une demande juste; mais, dans l'espèce, toutes les circonstances justifient l'exception.

Sur quoi est intervenu l'arrêt suivant :

« Attendu que la partie appelante a avoué, à dif«férentes reprises, d'avoir reçu, en dépôt, de feu « le conseiller Brialmont, une malle ou coffre; << mais qu'elle a constamment ajouté à son aveu, « que, quelque temps après que ledit dépôt avait « eu lieu, elle avait rendu ladite malle à une per<< sonne envoyée de la part du propriétaire pour << la reprendre;

« Qu'il est de principe qu'un aveu de cette na

ture

« ture ne peut être divisée au préjudice de celui qui « le fait, mais qu'il doit être pris dans sa totalité ;

«

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Que ce principe doit d'autant plus recevoir son application à l'espèce, qu'il est évident que le dépôt à été gratuit; qu'il n'a été reçu que dans <«la vue d'obliger un ami; que le dépositaire n'a « même pu le recevoir sans s'exposer à quelques dan«gers, et que ledit Brialmont a eu assez de con«fiance dans la probité de la partie appelante pour « lui confier cette malle, sans en faire prendre un récépissé; qu'ainsi les héritiers du propriétaire ne << peuvent être admis aujourd'hui à diviser cet aveu, « ni à suspecter la probité et la bonne foi de ce« lui en qui leur auteur avait mis toute sa con« fiance, sur-tout si l'on ajoute que, pendant la a vie de ce dernier, aucune réclamation à l'égard « de ladite malle n'a eu lieu;

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les

« Attendu que, si dans la présente cause la preuve << testimoniale peut être admise, que dans cette sup« position il résulte bien de l'enquête qu'une malle « a été transportée chez la partie appelante par « domestiques de feu Brialmont, mais que la con<< tre-enquête présente des présomptions assez for<< tes pour faire croire que ladite malle a été res«tituée à une personne envoyée de la part du propriétaire ;

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«Attendu néanmoins que, pour d'autant plus as« surer la religion de la Cour, il convient d'exiger « de la partie appelante le serment supplétoire.

a Par ces motifs. >

« La Cour met l'appellation, et ce dont est ap

Tome II, n.o 5.

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