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à plus forte raison doit-on pouvoir ordonner l'année d'épreuve lorsque la demande ne paraît pas encore assez justifiée et qu'il y a lieu d'espérer une réconciliation entre les époux.

Le but de la loi est sage et très-moral, elle ne veut rien précipiter aussi long-temps qu'il y a espoir de réunir les époux; elle ne veut pas nou plus qu'ils soient forcés de rester ensemble lorsqu'à l'absence de preuves suffisantes, leur animosité et leur haine réciproque seraient telles qu'il y aurait à craindre des suites facheuses d'une réunion forcée; et pourquoi la loi ne parle-t-elle pas de l'épreuve de l'année dans les autres cas de divorce? C'est parce que les sevices et injures, n'ayant pas toujours les mêmes sources que les autres outrages, s'oublient et se pardonnent plus facilement que l'adultère, et c'est aussi pourquoi la loi a donné le pouvoir discretionnaire au premier juge, qui voit et entend les parties en personnne et qui est par là bien plus en état de juger que le juge d'appel, qui ne les voit pas. Lui ôter le pouvoir discrétionnaire, se serait souvent manquer le but de la loi et exposer les époux au plus grand danger en les forçant de rester unis, parce que les faits ne seraient pas assez prouvés ou assez graves pour prononcer ce divorce après l'année d'épreuve. En voulant être trop juste, en vou'lant prévenir les petits inconvéniens d'une sépara ́tion passagère, on sacrifierait quelquefois la vie des époux.

Il y a plus, en admettant l'appel du jugement qui ordonne l'année d'épreuve, on ferait plus de mal que de bien, et l'on faciliterait le divorce au lieu de chercher à le prévenir par des moyens raisonnables.

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En effet, si l'année d'épreuve ne peut être ordonnée que sur la preuve bien établie des faits, qui autorisent le juge à admettre ensuite le divorce, et s'il doit y avoir appel de l'avant faire droit, il en résulterait que, lorsque le jugement qui permet la séparation pendant une année, aurait été confirmé en appel, la femme saurait d'avance que le divorce ne pourrait plus, comme une suite nécessaire, souffrir de difficulté en appel, et qu'il devrait être absolument admis. Tout motif de se rapprocher de son mari ne cesserait-il pas dès-lors? Est-il à penser qu'une femme, qui ne douterait pas de son triomphe, serait disposée à se réconcilier avec lui, tandis que si elle ne peut pressentir ni connaître l'issue de la cause, elle a autant d'intérêt de retourner chez son mari, par la crainte de succomber devant la Cour d'appel, que celui-ci en a, par le même motif, de chercher à la détourner de ses poursuites et de regagner son affection.

Pour ce qui regarde le point de la pension alimentaire et la maison, que le juge de première instance assignerait à la femme, ces dispositions sont absolument distinctes de la demande en divorce; elles sont définitives, et celle concernant le divorce ne l'est pas; et de ce qu'elles seraient contenues dans le même avant faire droit, il ne suit pas qu'on n'en puisse pas appeler, comme il est connu qu'il y a autant de jugemens, quoique renfermés dans l'expédition d'un seul, qu'il y a de dispositions différentes, indépendantes les unes des autres, et que les unes peuvent être interlocutoires ou préparatoires, et les autres définitives, et qu'il est alors permis d'appeler de ces dernières sans qu'il soit permis d'appeler des autres.

Tome II, N.° 7.

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Voici l'espèce qui a donné lieu à la question.

Jeannette P. forme demande en divorce, pour cause de sévices et de mauvais traitemens. Sa demande est admise, et le jugement d'admission passe en force de chose jugée.

Sur la preuve des faits, le premier juge, avant de faire droit, autorise la femme à quitter la compagnie de son mari.

Par un deuxième jugement il lui assigne la maison de sa tante, et condamne le mari à lui payer une somme de 1500 francs, tant pour pension alimentaire, que pour subvenir aux frais du procès.

Appel de la part du mari de l'un et de l'autre jugement.

La femme soutient que l'appel de l'avant faire droit est non-recevable, et que l'autre est mal fondé.

Le mari prétend au contraire que les faits n'étaient pas suffisamment prouvés pour autoriser la femme à quitter sa compagnie, et qu'elle doit être condamnée à le rejoindre, en même temps que sa demande en divorce rejetée; que cet avant faire droit est un jugement définitif, en ce qu'après l'expiration de l'année d'épreuve, le premier juge doit nécessairement prononcer le divorce, et que l'appel est par conséquent recevable.

Sur quoi, de l'avis du procureur général impérial, a été rendu l'arrêt suivant (*) :

(*) L'autre appel ne présente rien d'intéressant. Tout juge et jurisconsulte peut bien s'imaginer que, si le premier juge avait assigné une maison inconvenante, et condamné à une pension excessive, relativement à la qualité, à la fortune et aux besoins, le juge d'appel devrait réformer, et que cela dépend de faits et de circonsLances particuliers des causes et de l'état des personnes.

« La fin de non-recevoir opposée contre l'appel << du jugement du 4 fructidor dernier, doit-elle être « accueillie ?

<< Attendu que ce jugement est prononcé par avant faire droit, sur le divorce, par application de l'ar<< ticle 259 du code civil; qu'il résulte de cet ar«<ticle, ainsi que de l'art. 262 du même code, que «< l'on ne peut pas considérer ledit jugement, sous « le rapport du divorce, comme susceptible d'ap« pel;

« Par ces motifs,

« La Cour déclare NN. (l'appelant) non receva<«<ble, quant à présent, dans son appel, avec dé

«< pens. »

Prononcé à l'audience du 11 juin 1806.

Plaidans: MM. Georgel, avocat, et Papé, avoué et avocat.

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REMARQUE

SUR L'EXERCICE DE LA CONTRAINTE PAR CORPS.

NOUS pensons qu'il est de notre devoir de donner

connaissance aux lecteurs de ce recueil, d'un arrêt de la cour de cassation, qui a prononcé, le 21 prairial an XIII, sur une question qui a divisé les tribunaux, relativement à une des formalités prescrites pour l'exercice de la contrainte par corps.

Il s'agissait de savoir s'il suffit que la notification, qui doit précéder la contrainte, soit visée par le juge de paix du domicile du contraignable, ou s'il est nécessaire qu'elle soit visée par le juge de paix du canton où le contraignable est arrêté.

La question dérive des dispositions de l'art. 3, titre 3, de la loi du 15 germinal an VI, ainsi conçu :

<< Nulle contrainte par corps ne pourra être exercée << contre aucun individu, qu'elle n'ait été précédée « de la notification au contraignable, visée par le « juge de paix du canton où s'exerce la contrainte : « 1.o du titre qui a servi de base à la condamna«tion, 2.o des jugemens prononcés contre le con«traignable, s'il en est intervenu plusieurs pour le « fait de la contrainte; 3.o d'un commandement au << contraignable de satisfaire à l'objet de la contrainte; « 4.o qu'il ne se soit écoulé au moins une décade en<< tre le commandement et l'exécution. »

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