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« Je déclare et dicte que ce qui est prescrit est «ma volonté dernière, etc.

« Ainsi fait et passé à mon étude, le 27 germi« nal de l'an XII, en présence d'André Martinet, « Valentin Moltres, Antoine Sicardet, et Fidèle

Amand-Joseph Martinet, mes voisins, témoins qua«lifiés au vœu de la loi, à ce requis. Après lec<«<ture le testateur a persisté et signé jointement les«<dits témoins et notaire, qui a fait ladite lecture en « leur présence au testateur. »

Par ce testament, Pierret avait institué MelchiorJoseph Pomereulle et Marie-Caroline Cuvelier, épouse de Jean-Baptiste Kestermont, ses héritiers universels, chacun pour moitié.

A son décès, ses successibles attaquèrent le testament de nullité, pour défaut de formes.

1.0 Parce qu'il n'y est pas dit qu'il a été dicté au notaire ;

2.o Parce qu'il n'est pas fait mention, à la fin de l'acte, qu'il a été écrit par le notaire et dicté par le testateur.

Ces deux moyens furent accueillis au tribunal de Nivelles, qui, par jugement du 9 fructidor an XIII, déclara le testament nul.

Sur l'appel interjeté par Pomereulle et Kestermont, Louis et Jacques Pierret; héritiers ab intestat, firent valoir deux autres moyens également tirés de l'inobservation des formes, savoir, que la qualité et la résidence des témoins n'étaient pás ex

primées, et dans le nombre des quatre témoins, deux étaient frères..

Ils disaient donc, pour justifier la décision' du premier juge, qui leur avait adjugé leur demande:

Que l'adverbe également, placé dans la seconde partie de l'article 972 du code civil, est, en sens distributif, la répétition du pronom leur, inséré dans la première partie.

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L'article est ainsi conçu :

<< Si le testament est reçu par deux notaires, il leur « est dicté par le testateur, et il doit être écrit par « l'un de ces notaires, tel qu'il est dicté.

«S'il n'y a qu'un notaire, il doit également être « dicté par le testateur, et écrit par ce notaire. »

L'adverbe également serait inutile, s'il ne signifiait pas que le testament doit être dicté au notaire : car, qu'on l'ôte du texte, le sens ne se trouve pas moins complet, s'il n'est pas nécessaire que l'acte énonce que c'est au notaire qu'il a été dicté..

Or, rien d'inutile dans la loi qui prescrit des formes.

Egalement, similiter, eodem modo; donc, en dictant au notaire qui reçoit seul, comme la disposition principale veut que l'on dicte à deux.

La raison est la même

Pas d'interrogations de la part du notaire. La loi veut que le testateur adresse ses intentions directement et de son propre mouvement au notaire.

Pas d'intermédiaire. La volonté de celui qui dispose doit parvenir immédiatement au notaire; rien de plus facile que de certifier que le testateur a dicté, quoiqu'il n'ait pas immédiatement adressé la parole au rédacteur, puisqu'un intermédiaire pourrait dire : voilà ce qu'il dicte, sans que le notaire en puisse savoir autre chose, sinon ce que lui rapporte un tiers.

Dans ce cas, le testament n'en serait pas moins dicté, et il n'y aurait pas de faux ; mais la volonté du testateur serait-elle bien rendue ?

C'est, dit-on, pour obliger les deux notaires à être présens, à concourir activement à la réception de l'acte, que le pronom leur a été exprimé dans la première partie de l'article.

Abus manifeste de l'intention de la loi.

La réception d'un testament par deux notaires, exige impérieusement la présence et le concours des deux notaires, à peine de faux.

Puisqu'il y a deux témoins de plus lorsqu'il n'y a qu'un notaire, n'est-il pas évident que la loi attache un plus haut degré de confiance aux notaires qu'à des témoins non qualifiés.

Or, est-ce à des notaires non présens qu'elle ajoute cette confiance?

L'objection est donc sans fondement.

Le testament de Jean-Joseph Pierret est encore nul, comme l'a décidé le premier juge, parce qu'il n'y est pas fait mention qu'il a été écrit par le notaire, et dicté par le testateur.

On

"On lit bien dans le préambule de l'acte, et avant les dispositions, la déclaration faite qu'il a été dicté et écrit, mais c'est attester ce qui n'est que dans l'ordre des possibles au futur. Une semblable énonciation d'avance ne prouve pas plus que les dispositions qui ont suivi ont été écrites et dictées au vœu de la loi, qu'elle n'en prouverait la lecture, si elle était annoncée dans le commencement de l'acte.

Quand la loi n'aurait pas indiqué, par le classement de ses dispositions, que c'était après la confection du, testament, que l'on devait faire mention de l'accomplissement des formes prescrites, les simples lumières de la raison nous diraient, qu'une chose ne peut être raisonnablement affirmée que lorsqu'elle est faite.

Aussi, ce n'est qu'après avoir tracé les formes, que le code prescrit la mention; et une circonstance à saisir, ce n'est qu'après avoir ordonné la lecture au testateur, qu'il ajoute: «< il est fait du tout men«<tion expresse. »>

Donc, c'est lorsque tout est rédigé, que la preuve de l'exécution de la loi peut se faire par la mention expresse: ainsi fait et passé à mon étude. Quelle conséquence tirer de là? Que l'acte a été réellement écrit par le notaire et dicté par le testateur. C'est tomber dans l'arbitraire, ou pour mieux dire, c'est rendre les dispositions prévoyantes du code, sans effet.

De quelque manière qu'un acte se présente, il est toujours possible de dire qu'il a été ainsi fait et passé ; en conclure qu'il a été écrit par le notaire et dicté par le testatear, c'est s'exposer à être démenti par le fait, si la preuve n'en existe pas dans la mention Tome II, N.° 1.

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placée dans son ordre naturel, après la consommation des formes exigées.

Ce n'est d'ailleurs pas une mention équivalente, mais une mention expresse que la loi prescrit.

Le même testament offre deux autres vices qui ne sont pas moins insanables.

La demeure des témoins n'y est pas exprimée ; contravention à l'article 12 de la loi du 25 ventôse an XI, sur l'organisation du notariat.

nou

la

Mes voisins, dit le notaire: sont-ils ses voisins de ville ou de campagne; ses anciens ou ses veaux voisins? C'est le lieu de leur demeure que loi exige; et en matière de formes testamentaires tout est de rigueur.

Témoins qualifiés. Ce n'est point au notaire à juger la qualité des témoins, son devoir est de les faire connaître par leur résidence et leur état, afin que leur idonéité puisse être jugée; car, sont-ils citoyens français ? Ceux qu'il appelle ses voisins peuvent être des Espagnols, des Anglais, des Russes, d'une résidence étrangère.

L'article 10 de la même loi prohibe le concours à un même acte de deux notaires, parens ou alliés au degré établi en l'article 8.

On a craint, avec justice, de rencontrer moins de force dans le témoignage de deux personnes liées de si près, étant présumé qu'elles se prèteraient plus facilement à une complaisance mutuelle.

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