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dans la contribution frappée par les représentans du peuble, peut-elle étre rescindée pour lésion d'outre moitié ?

LA

La guerre, qui n'est par elle-même qu'un fléau destructeur, a cependant aujourd'hui des lois qui rendent les suites de la victoire beaucoup moins funestes que dans les temps plus reculés.

Autrefois, un pays conquis était livré au pillage, et le désordre, ainsi que les excès inséparables d'une soldatesque indisciplinée, produisaient des maux incalculables, sans produire aucun avantage au gouvernement vainqueur.

Maintenant le pillage est défendu sous des peines sévères, et le peuple, soumis par la force des armes, rachète son repos et ses propriétés par des contributions, dont la répartition et le récouvrement sont abandonnés à la sagesse des autorités locales.

Ce n'est pas moins un moment de détresse qui ne permet pas de consulter les règles ordinaires. L'exécution suit de près la mesure prescrite par les chefs de l'armée victorieuse, et ne laisse que le temps de précipiter tous les moyens propres à prévenir les dangers du retard.

C'est à un des événemens de cette nature, que l'on doit le sujet de la présente cause.

Les armées républicaines eurent à peine mis le pied dans la Belgique, que le représentant du peuple, Laurent, investi des pouvoirs illimités de la

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convention nationale, exigea par-tout des contributions énormes. La ville de Louvain fut d'abord imposée à un million, par arrêté du 30 messidor an II. Bien-tôt elle subit une augmentation de 200000 liv, Son - contingent s'élevait donc à 1200000 liv.

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Suivant l'arrêté, tout le fardeau de cette contribution devait être supporté par le clergé, la nóblesse, et les riches propriétaires ou capitalistes. On n'avait accordé que vingt-quatre heures pour réaliser toute la somme.

Il était impossible de remplir en si peu de temps les ordres du représentant du peuple. La plupart des Belges riches s'étaient retirés du pays, à l'approche des armées françaises: ceux qui étaient restés dans l'arrondissement de Louvain eurent bientôt épuisé toutes leurs ressources. On réalisa cent mille écus.

Il s'agissait cependant de suspendre les exécutions militaires dont les habitans étaient menacés. Que firent les magistrats?

́Ils s'adressèrent au représentant du peuple qui prorogea le terme du paiement, et autorisa le conseil souverain de Brabant à permettre ou de lever des deniers sur les biens du clergé et des absens, ou d'en vendre jusqu'à concurrence de leur part contributive dans l'impôt.

Les magistrats de Louvain s'empressèrent de solliciter cette autorisation, qui leur fut accordée à charge de nommer des curateurs aux absens, et d'observer d'ailleurs ce qui était à observer: servatis, servandis.

M. de Mérode-Westerloo, maire actuel de Bruxelles et membre de la légion d'honneur, était alors au nombre des absens: il avait de grandes propriétés dans les environs de Louvain; il fut imposé à 12000 1. On lui nomma un curateur (le sieur Thomas Huyghens, notaire), qui fit procéder à la vente de quelques immeubles pour satisfaire à son contingent dans la répartition faite par les magistrats de Louvain.

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L'aliénation fut précédée d'affiches, et eut toute la publicité réquise. C'est un point de fait qui n'a pas été contesté; il n'est pas moins vraisemblable que les biens furent adjugés beaucoup au-dessous de leur valeur réelle. Les circonstances du temps le font présumer.

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Depuis la réintégration, M. de Mérode a imaginé plusieurs moyens à la faveur desquels il s'est promis de faire anéantir les ventes faites par le curateur Huyghens. Trois actions ont été séparément intentées, à sa requête, contre trois acquéreurs, et poursuivies au tribunal civil de l'arrondissement de Louvain.

Il demandait la nullité,

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1.0 Parce qu'il n'était imposable qu'au lieu de son domicile à Bruxelles, où il lui avait été nommé un curateur;

2.0 Parce que le séquestre national, mis sur ses propriétés, s'opposait à l'aliénation.

Il demandait d'être restitué en entier, par le motif que son absence avait été légitimée par une juste

crainte il invoquait en conséquence les lois 2 et 3 ff. ex quibus causis majores viginti quinque annis, in integrum restituuntur.

Enfin, et subsidiairement, une lésion énormissime devait lui ouvrir la voie de rescision, en remboursant aux acquéreurs le prix de la vente. Il se fondait à cet égard sur la loi 2, C. de rescindendá venditione.

Aucun de ces moyens ne fut accueilli par le tribunal de Louvain; mais M. de Mérode ne se déconcerta pas il tenta le sort de l'appel.

Les trois causes décidées au tribunal de Louvain furent distribuées aux trois sections de la Cour d'appel. En résultat elles tenaient au même principe. Cependant des circonstances particulières dans les faits ont pu faire plus ou moins d'impression sur l'esprit des juges. C'est ce qui est arrivé.

La première et la troisième sections ont confirmé les jugemens de première instance. La seconde a, par arrêt du 18 février 1806, admis la preuve de la lésion, mais en déterminant pour base la valeur comparative des biens, eu égard aux ventes faites dans la même circonstance et de la même manière.

Ainsi, l'opinion de la seconde section a été que, la vente faite à Mico (c'est le nom de l'aquéreur), n'était point par sa nature exceptée des dispositions de la loi 2 C. de rescindenda venditione : elle a explicitement rejeté les autres moyens dont l'adoption eût tranché toute difficulté ultérieure.

Pour donner quelques développemens aux moyens

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employés par M. de Mérode, nous dirons avec lui:

Que, ses propriétés étant séquestrées en exécution de l'arrêté du comité de salut public, du 30 messidor an II, et des arrêtés des représentans du peuple, des 5, 27 thermidor, et 9 fructidor, même année, 29 brumaire, 9 et 18 germinal an III, elles n'étaient plus passibles de l'exécution ordonnée par le représentant du peuple Laurent, et autorisée par le conseil de Brabant;

Que la main-mise nationale les avait soustrait à toute disposition, et que, dès l'instant du séquestre, elles n'avaient plus été soumises à d'autre régie qu'à celle du domaine de la république ;

Que les aliénations, faites depuis le séquestre ; étaient nulles, ainsi que le directoire exécutif l'avait reconnu et décidé.

Nous dirons encore que le représentant du peuple Briez, par son arrêté du 9 fructidor an II, avait suspendu l'effet des impositions dont on avait chargé les absens ailleurs que dans leur domicile ;

Que M. de Mérode était domicilié à Bruxelles; qu'il y avait été imposé en raison de toute sa fortune; qu'il lui avait été donné un curateur avec lequel le sieur Thomas Huyghens aurait dû s'entendre avant de précipiter les ventes qu'il a faites, puisque son curateur, à Bruxelles, aurait pu lui procurer des moyens d'éviter des aliénations aussi préjudiciables;

Que c'est donc pour acquitter une contribution à

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