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I en est de même des témoins, sur-tout dans les testamens. Leur témoignage se confond dans un même sentiment, dans une même intelligence. Ce ne sont plus des témoins libres et indépendans l'un de l'autre.

Ainsi, de toutes parts le testament de Jean-Joseph Pierret croule sous le poids des vices dont il est infecté.

Pour la validité du testament, Pomereulle et Kestermont observaient, en thèse générale, qu'un simple aperçu des formes prescrites par le code civil, avait entraîné les esprits au-delà de l'intention du législateur;

Que le système qui semblait s'établir, aurait relégué la faculté de tester, dans une vaine théorie et dans des abstractions; qu'en réalité elle eût été impraticable:

Qu'à ces premières impressions avaient succédé des idées plus saines; qu'on reconnaissait aujour d'hui qu'en voulant s'assurer de la certitude de la volonté libre et entière du testateur, la loi n'en avait pas fait dépendre la preuve d'un arrangement classique de mots, ni de règles grammaticales :

Que la loi est pleinement satisfaite dès que la substance des formes est observée, et qu'il ne reste rien à désirer pour calmer les inquiétudes d'une sage prévoyance :

Que la loi doit être entendue dans un sens libé ral et digne de sa majesté;

Qu'elle est ennemie des cavillations et des subtilités, et que ce serait la mettre en contradiction avec elle-même, que de supposer qu'elle n'a tracé des formes, que pour rendre la faculté de tester difficile; raisonnement que l'on faisait en haine du retrait, parce que le retrait lignager était contraire aux transactions, mais dont l'application s'éloigne des principes des testamens, dans une législation qui rétablit dans une très-grande latitude le pouvoir de disposer par acte de volonté dernière.

Non, disaient-ils, que nous cherchions à obtenir un relâchement dans l'observation des formes : le testament de Jean-Joseph Pierret n'a besoin d'aucune indulgence; car quel reproche lui fait-on?

Qu'il ne contient pas la preuve que c'est au notaire qu'il a été dicté.

Mais il y est dit qu'il a été dicté par le testateur et écrit par le notaire : les deux choses ont un rapport si nécessaire, qu'il faut se faire violence pour concevoir l'idée qu'il ait été dicté à un autre qu'à celui qui a rédigé, et qui était chargé de rédiger.

La possibilité n'a pas même pu tomber sous le sens du législateur.

. L'obligation de déclarer que c'est au notaire que l'on a dicté, n'était exprimée, ni dans l'ordonnance de 1735, ni dans le projet du code civil: elle n'a été rendue dans la seconde partie de l'article 972 du code civil, par l'adverbe également comme le prétendent les intimés.

pas

Ce qui les séduit, c'est le pronom leur, employé

dans la première partie de l'article; mais là, il existe un motif très-plausible.

Deux notaires procèdent à la réception de l'acte : ils apportent la même qualité, le même degré de confiance; tous deux attestent l'acte, comme officiers publics, tous deux par conséquent doivent écouter le testateur et recevoir de sa bouche la manifestation de sa volonté : c'est donc à tous deux que le testateur s'adresse; celui qui n'écrit pas pouvant ratifier l'autre.

Si la dictée ne se faisait pas à l'un et à l'autre, le notaire qui ne rédige pas, serait là comme un témoin ordinaire, tandis qu'il figure dans sa qualité, et que sa présence y est comptée comme celle

de deux témoins.

Le même motif n'existe plus dans le cas où l'acte est reçu par un seul notaire celui-ci est nécessairement rédacteur, et c'est au rédacteur que l'on dicte, sans qu'il soit besoin de le dire; car comment le notaire certifierait-il que le testateur a dicté,, s'il n'a pas recueilli lui-même ses paroles?

L'adverbe également n'est donc pas dans un sens corrélatif au pronom leur?

Que signifie-t-il? Que le testament devra aussi être dicté par le testateur, et écrit par le notaire. L'ad verbe également tombe sur la substance des formes ordonnées dans la première partie de l'article, non sur ce qui n'a de rapport qu'à la présence de deux notaires,

Que la preuve de la dictée et de l'écriture se trouve

dans le commencement, dans le milieu ou à la fin de l'acte; peu importe, dès qu'elle s'y rencontre..

Le notaire, ayant dit que le testateur avait dicté et qu'il avait écrit, affirme, à la clôture de l'acte , que

cela s'est fait ainsi.

Voilà non-seulement la preuve dans sa place naturelle, puisqu'il faut bien caractériser l'acte dès qu'il est commencé, mais elle est encore confirmée à la fin.

Ainsi fait et passé. C'est nécessairement attester que l'acte a été dicté par le testateur, et écrit par le notaire, puisque les deux choses étaient exprimées dans le corps de l'acte.

:

On fait deux autres objections sur la forme à peine méritent-elles d'être relevées.

La demeure des témoins n'est point indiquée, et cependant, l'article 12 de la loi du 25 ventôse veut que les actes des notaires expriment la demeure des

témoins.

La réponse est simple. Le code civil, qui est la loi spéciale de la matière, ne l'exige pas.

«Les témoins appelés pour être présens aux tes<< tamens devront être mâles, majeurs, républicoles, jouissans des droits civils ». Art. 980.

Les quatre témoins instrumentaires réunissent toutes ces qualités.

Fallût-il l'indication de leur demeure, elle s'y

trouve clairement énoncée, par la déclaration que fait le notaire, qu'ils sont ses voisins.

La dissertation que font les intimés, sur l'expression de voisins, ressemble plus à une plaisanterie ri dicule, qu'à une observation sérieuse.

Deux témoins sont parens.

On ne connaît aucune disposition législative qui défende à des parens ou alliés, d'ètre simultanément témoins instrumentaires.

L'article 10 de la loi du 25 ventôse an XI, spécia lement appliqué aux notaires, et le silence de la mėme loi concernant les témoins, répondent à la frivolité de l'objection.

M. Tarte, substitut-procureur général, ayant pris la parole dans cette affaire, remarqua que le seul point de difficulté qu'elle aurait pu offrir, était celui qui résultait du défaut de mention, que le testament eût été dicté au notaire.

Cette question, a-t-il dit, s'est présentée à la troisième section, lors de la discussion du testament de Meulenberg (*): elle ne fut pas jugée, parce que la Cour s'arrêta à un moyen plus décisif de nullité. Elle me parut alors sous un dehors assez spécieux pour captiver mon opinion; mais, après l'avoir plus sévèrement méditée, je n'hésiterai pas de revenir sur mes pas et de me réformer.

(*) Voyez ce recueil, page 206, 5. cahier du vol. a de l'an XIII.

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