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l'échevinage de Francfort, juge compétent de Dumont, fournit la preuve indubitable qu'il a organisé d'avance sa faillite, et cherché à frustrer ses créanciers. Dès-lors, Dumont doit être regardé comme s'étant trouvé en état de faillite matérielle déjà quelque temps avant l'ouverture de sa faillite formelle; comme failli, il ne lui était plus permis de disposer de sa fortune au préjudice de ses créanciers, ce qu'il a fait à cet égard est nul et inopérant suivant le droit commun. L'endossement qu'il à fait au profit de Goldschmits n'a précédé que de très-peu de temps la faillite formelle; et supposé qu'il l'eût fait incontinent après la date des lettres de change, on doit conclure qu'il l'a fait en état de faillite matérielle, puisqu'on ne prépare pas une fail lite si considérable et si étendue en quelques jours seulement. Ainsi, l'endossement fait en fraude des créanciers n'a pas pu transporter la propriété des lettres de change sur Goldschmits, cette propriété appartient à la masse du failli, et celle-là seule a le droit de les réclamer. D'où il suit qu'il est indifférent s'il a fait l'endossement avant l'ouverture de sa faillite formelle, ou non, et que la preuve, offerte à cet égard, serait, en tout cas, irréle

vante.

D'autre part, on a prétendu qu'il faut faire une 'distinction entre les contrats ordinaires et les lettres de change; qu'il faut suivre littéralement la loi 21 ff., de obl. et act., à l'égard de ces der

nières.

Que, selon cette loi, celui qui fait une lettre de change, dans quel pays que ce soit, est censé se soumettre à la loi du lieu où le paiement doit

se faire, et qu'ainsi la lettre de change doit être en tout conforme à la loi de ce dernier lieu;

Que telle est l'opinion de Voet, dans son Commentaire aux pandectes, liv. aa, tit. 2, §. 10, qui a cependant écrit dans un pays de commerce; et aussi celle de Dupuis, dans l'Art des lettres de change, chap. 13, n.o 12.

Le premier y dit: Quia vero in quibusdam circa cambiorum jura variant leges ac consuetudines variarum regionum, notandum est, in decidendis circa hæc controversiis spectandas esse leges loci illius ad quem litteræ cambii destinatæ et in quo vel acceptatæ sunt, vel acceptari debuerunt, non item loci unde missæ; cum illic contractus intelligatur celebratus, ubi implementum ejus destinatum est.

Et l'autre dit : « Le porteur de la lettre de change « ne peut pas refuser de se soumetre à la loi du « lieu où le paiement doit être fait.......... C'est « pourquoi ceux qui prennent des lettres de change doivent être informés des lois et des usages des lieux, pour éviter les inconvéniens. >>

Que le paiement des lettres de change en question ayant été stipulé pour Cassel ou pour Mayence, et le porteur ayant choisi ce dernier lieu, c'est à la loi française qu'il s'est soumis ;

Que les art. 23, 24 et 25 du titre 5 de l'ordonnance de commerce, prescrivant impérieusement d'exprimer le lieu et la date dans les endossemens, sans quoi les lettres sont censées appartenir au tireur; les endossemens produits n'autorisent pas le porteur ǎ exiger le paiement pour lui, puisqu'ils n'énoncent

ni lieu ni date, et que c'est par conséquent le cas d'appliquer la loi française;

Mais, quoiqu'il ait été observé que ce dernier sentiment ne détruit pas celui des autres auteurs, parce que Voet et Dupuis ne semblent parler que des droits et obligations résultans des lettres de change, et non de leur forme extrinsèque; néanmoins, cette dernière opinion l'a emporté sur l'autre, comme l'on verra par l'arrêt suivant, que nous insérons textuellement.

ARRÊT TEXTU EL.

« Vu la loi 55 ff. de re judic., ainsi conçu :

« Judex posteaquam semel sententiam dixit, pos« tea judex esse desinit; et hoc jure utimur, ut « judex, qui semel vel pluris vel minoris condem<< navit, amplius corrigere sententiam suam non pos« sit : semel enim bene seu male officio functus est.

«< Attendu que le tribunal de commerce de Mayen«ce, par son jugement du 17 brumaire an XIII, « a établi en principe :

«

Que les lettres de change dont il s'agit, ayant « été tirées et endossées à Francfort, leur endosse«ment ne peut être jugé selon les lois françaises, mais « bien selon le statut sur le change, qui est en << vigueur dans ladite ville;

Que ce n'est qu'en considération de ce prin«cipe qu'il a écarté l'exception principale de l'in« timé, savoir que les endossemens desdites let« tres n'étant pas datés au vœu de l'art. 23 du tit.

5 de l'ordonnance de 1673, elles n'appartenai‹ at << pas à l'appelant, mais bien au tireur, Ernest I'u«mont, conformément à l'art. 25 de ladite ordon<<nance, et en enjoignant à l'appelant la preuve « que le failli Ernest Dumont a endossé les let« tres de change en question, au profit de Benoît« Salomon Goldschmits, avant l'ouverture de sa fail

lite, et en autorisant en attendant l'appelant, de« mandeur au principal, à faire contraindre l'intimé << par les voies de droit, et même par corps, à con<< signer la somme portée aux dites lettres de chan<«<ge, avec les intérêts depuis le jour du protêt; il << s'est attaché uniquement à la seconde exception « de l'intimé, consistant en ce que le demandeur

originaire, tenant les lettres en question d'un failli << par un endossement sans date, ne peut en être « considéré comme propriétaire, et que l'intimé, dé«fendeur originaire, était autorisé à les saisir et à a en compenser le montant avec Ernest Dumont ; « que ledit tribunal, en rapportant, cassant et annullant par son jugement du 6 nivôse, celui du » 17 brumaire, et en statuant que ce sont toujours <«<les lois françaises, et non celles en vigueur à « Francfort, qui doivent décider la présente còn<< testation, est tombé dans une contradiction ou<< verte avec lui-même, et en réformant, ensuite par

ces motifs, le jugement du 17 brumaire, contrai<< rement au principe sur lequel il était basé, il «a manifestement commis un excès de pouvoir, « d'après la loi ci-dessus rapportée; d'où il suit que << que le jugement du 6 nivôse est nul, et doit être « déclaré tel.

<< Vu les articles 624, 625 et 626 de la suite du

« réglemement sur l'ordre judiciaire du 6 floréal an « VI (formant les art. 23, 24 et 25 du titre 5, « de l'ordonnance de commerce de 1673), qui por

«tent:

Art. 624. « Les signatures au dos des lettres de « change ne serviront que d'endossement et non d'or « dre, s'il n'est daté et ne contient le nom de celui « qui a payé la valeur en argent, marchandises

« ou autrement. »

Art. 625. « Les lettres de change, endossées dans « les formes prescrites par l'article précédent ap« partiendront à celui au nom duquel l'ordre sera « rempli, sans qu'il ait besoin de transport ni dẹ « signification. »

Art. 626. « Au cas que l'endossement ne soit pas « dans les formes ci-dessus, les lettres seront ré« putées appartenir à celui qui les aura endossées, « et pourront être saisies par ses créanciers et com« pensées par ses redevables.

« Attendu en fait que les lettres de change, dont << l'appelant est porteur, ont été faites et tirées sous «< la date du 3 juillet 1804, par Ernest Dumont, à « Francfort, sur Seeligmann-Seeligenstatt, de Mayen« ce, pour être payées ou à Cassel ou à Mayence, « et qu'elles ont été acceptées par ce dernier le 6 « du même mois à Cassel;

1

« Que ces lettres ont ensuite été endossées par « Dumont, au profit de Benoît - Salomon Gold<< schmits de Francfort, et encore par celui-ci au

profit de l'appelant, Hertz-Heyum-Cassel, de Mayen

ce ;

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