Page images
PDF
EPUB

Corbesier a conservé un droit réel, en un mot, le privilége du vendeur sur la chose.

Qu'a-t-il fait; qu'a-t-il pu faire pour maintenir ce privilége?

L'article 2103 du code civil établit le privilége du vendeur sur l'immeuble vendu, pour le paiement du prix.

ait un prix,

La première condition est donc qu'il y ait un et sans doute un prix connu.

Entre les créanciers, dit l'article 2106, les priviléges ne produisent d'effet à l'égard des immeubles, qu'autant qu'ils sont rendus publics par inscription sur les registres du conservateur des hypothèques, etc.

L'article 2107 n'excepte de la formalité de l'inscription que les créances énoncées en l'article 2101.

Il est vrai qu'aux termes de l'article 2108, la transcription faite par l'acquéreur vaut inscription pour le

vendeur.

Il est encore vrai que le conservateur des hypothèques est tenu, sous peine de tous dommagesintérêts envers le tiers, de faire d'office l'inscription sur son registre, des créances résultantes de l'acte translatif de propriété en faveur du vendeur, etc.

Mais pour que ces formalités opèrent leur effet, il faut qu'il y ait matière à constituer un droit réel, un privilége: il faut une créance.

Le vendeur privilégié conserve son privilége lors

que le titre, dont la transcription est requise, constate que la totalité ou une partie du prix lui est due: c'est l'expression de l'article 2108.

Si le titre n'exprime rien à cet égard, la transcription est inutile et sans objet dans l'intérêt du vendeur elle ne sert qu'à consolider la propriété dans les mains de l'acquéreur.

Par la même raison, le conservateur n'est pas tenu de faire l'inscription d'office, car cette obliga tion ne lui est imposée que dans le cas où le titre constate que la totalité ou partie du prix est due au vendeur

Où il n'y a pas de créance, il n'y a pas de mesures à prendre pour en conserver le privilége.

D'où résulte qu'en acquérant de Demol, Levac a été investi d'une propriété libre de toute charge envers le vendeur; que, tout au plus, la considération de son propre intérêt a pu lui suggérer l'idée de s'assurer que les cédules étaient acquittées; mais que, quant au prix de la vente faite à Demol, le titre n'en constate aucun ; par conséquent, nul droit retenu, pour le vendeur à cet égard, sur la chose ;

Que s'il peut rester des obligations à remplir de la part de Demol, elles lui sont personnelles : c'est à Corbesier à s'imputer de n'avoir pas pris la précaution de déterminer le prix de la cession et les moyens de conserver son privilége, soit par la transcription faite au nom de son acquéreur, soit par celle qu'il était autorisé à requérir lui-même pour lui servir d'inscription, suivant le même article 2108 du code civil.

-Si l'absence de cette précaution porte préjudice à Corbesier, n'est-il pas visible que l'inconvénient serait beaucoup plus grave, si un tiers acquereur, qui achète à la vue du titre transcrit, pouvait être victime de la faute du précédent propriétaire? la loi tendrait un piége à la foi publique, et assurément, pour lui faire ce reproche, il faudrait en violer le sens et les expressions.

La cession du 1 germinał, répondait Corbesier, comporte naturellement l'obligation faite au cessionnaire ou acquéreur d'indemniser l'adjudicataire du montant des cédules qu'il avait souscrites, jusqu'à concurrence de la quotité cédée, tel est le prix de la vente: autrement il y aurait donation, ce qui ne se présume pas..

Que le prix n'ait pas été déterminé, c'est ce qui est pas étonnant, puisqu'il dépendait de la liquidation du paiement des cédules dont le rachat se faisait à des taux variables..

N'est-ce pas par cette considération, qu'il a été stipulé que Demol ne pourrait ni vendre ni aliéner avant le paiement des cédules. Ce n'était qu'alors que sa dette pouvait devenir liquide, mais ce n'était aussi qu'alors, et en fixant sa dette qui formait le prix, que le contrat devenait parfait, et qu'il était délié de l'empêchement de disposer et de prendre part au produit des ventes d'arbres.

Jusques-là, le bien n'était pas pour lui une própriété libre. Quod vendidi non aliter fit accipientis, quàm si aut pretium nobis solutum sit, aut satis eo nomine datum. L. 19; L. 53, ff. de contrah. empt., $ 41, inst. de rer. divis.

Levac

[ocr errors]

Levac n'a pas acquis plus de droit que n'en avait son vendeur auquel il a été purement subrogé.

De ce que le prix n'était pas déterminé, il n'en était pas moins déterminable. La nature de l'acte l'indiquait dès-lors, le privilége qui en résulte a été conservé par le seul effet de la transcription faite au nom de Demol; c'est ce qui est établi par l'art. 2108 du code civil.

Cet article n'exige pas que le titre exprime une créance déterminée: il suffit qu'il soit constaté que le prix reste dû, soit en somme fixe, soit en somme dont la liquidité dépend de la nature des stipulations.

Dans l'espèce, la nature de l'opération était palpable. On y voyait que Corbesier était seul chargé d'acquitter les cédules, et que l'obligation de l'indemniser était de l'essence du contrat.

Rien ne dispensait donc le conservateur de faire l'inscription sur qui doit retomber sa négligence? L'article 2108 du code civil fournit encore la réponse.

« Sera néanmoins le conservateur des hypothèques << tenu, sous peine de tous dommages et intérêts en« vers les tiers, de faire d'office l'inscription, etc. »

[ocr errors]
[ocr errors]

Il n'est pas en son pouvoir de nuire au privilége du vendeur, mais il répond de sa faute aux tiers.

Il importe donc peu à Corbesier que l'inscription d'office ait été omise; si Levac croit pouvoir s'en plaindre, c'est son affaire; c'est pour lui que la loi

[merged small][ocr errors]

aurait prononcé la peine de dommages-intérêts contre le conservateur.

Corbesier faisait valoir plusieurs autres circonstances qui inculpaient Demol et Levac d'intelligence et de mauvaise foi pour le tromper.

[ocr errors]

Il finissait par observer que, tant de la nature de l'acte du i germinal an VII, des clauses comprises dans cet acte, que de la transcription, il résultait que l'acquéreur Demol n'avait pas, été fondé a saisir entre Tes mains du notaire; que main-levée de la saisie devait lui être accordée, et les deniers remis entre ses mains, comme devant, par privilége, couvrir le montant des cédules formant le prix de la cession, du moins jusqu'en concurrence ou en tant moins de ce qui serait à la charge de Demol ou de son acquéreur.

Sur quoi,

[ocr errors]

« Attendu que l'article 2103 du code civil accorde << un privilége au vendeur sur l'immeuble vendu pour le paiement du prix

[ocr errors]
[ocr errors]

1

« Attendu néanmoins que le privilége n'a d'effet << sur les immeubles, qu'autant qu'il est rendu public «par l'inscription conformément à l'article 2106;.

«Attendu que l'article 2108, en établissant que « la transcription vaut inscription à l'égard du ven«deur, veut, en même temps, que le titre transcrit « constate ce qui reste du du prix, en tout ou en << partie ;

«Que ledit article exige même que le conservateur "puisse en vertu du titré, prendre inscription pour

3

« PreviousContinue »